Peinture et Septième art: de Pierre-Auguste Renoir à Jean Renoir, quelles confluences entre un père et un fils virtuoses dans deux arts visuels différents ? C’est la gageure que relève une subtile exposition au Musée d’Orsay.
Quand on descend de Pierre-Auguste Renoir, reconnu comme un monument de la peinture impressionniste au début du XXème siècle, que reproduit de lui le fils derrière la caméra?
Le réalisateur de Partie de campagne, de La Chienne ou de la Règle du jeu confiait en 1974 “avoir passé sa vie à déterminer l’influence de son père sur lui”. Il écrira en 1962 une biographie de son père qui fera référence, “Pierre-Auguste Renoir, mon père”.
Sur une paroi d’une salle du Musée d’Orsay, la balançoire, célèbre tableau de 1876 baignant dans une lumière impressionniste bleutée où une jeune femme en robe blanche se tient aux cordes d’une balançoire, fait face à un extrait projeté au mur de Partie de campagne (1936) où une jeune femme, également en robe blanche, se balance dans la même ambiance de détente.
On retrouve chez les deux Renoir “le regard de douceur porté sur la vie, même si Jean Renoir est plus engagé sur les thèmes sociaux que son père”, estime Sophie Renoir, arrière-petite fille du peintre et petite nièce de Jean Renoir.
Avant de se lancer dans le cinéma, Jean va peindre sur céramique, alors que son père peignait sur porcelaine à ses débuts et a toujours défendu la noblesse des arts décoratifs.
Jean a 25 ans en 1919 quand Pierre-Auguste disparaît, et son père a fait nombre de portraits de lui enfant et adolescent. Avec ses deux frères, il se retrouve à gérer de très nombreux tableaux que les collectionneurs s’arrachent: une activité sur le marché de l’art qui l’occupe beaucoup au début des années vingt.
Lumière et jeux d’ombres
“Ils ont une approche commune dans leur rapport à la création, leur travail met en jeu un matériau et ils ont le goût de l’expérimentation; ils ont une sensibilité commune, sensibilité à la lumière et aux jeux d’ombre”, souligne à l’AFP Sylvie Patry, conservatrice générale et directrice de la conservation et des collections du Musée d’Orsay.
Un autre lien s’incarne à travers une femme, Andrée Heuschling, un des derniers modèles de nu du peintre très âgé.
C’est cette même Andrée Heuschling qui prendra le nom d’actrice de Catherine Hessling et que Jean épouse en 1920. Il en fait une incarnation étrange et sensuelle de la féminité dans ses premiers films (Catherine, la Fille de l’eau).
Les lieux et les atmosphères rapprochent aussi père et fils: la lumière du Midi (Cagnes-sur-mer), les bords de Seine…
Dans ses films, loin des contrastes violents prisés par les cinéastes de la même génération, Jean Renoir se montre très soucieux des nuances entre le noir et le blanc.
“En noir et blanc, il tournait déjà en couleur”, estime Matthieu Orléan, collaborateur artistique chargé de la sélection des films pour cette exposition. Jusqu’à son premier film en couleur, Le Fleuve (1951), qui se déroule en Inde et où la subtilité de la palette impressionniste des teintes est frappante.
L’exposition est visible du 6 novembre au 27 janvier au Musée d’Orsay.