Des masques et visières de protection pour les soignants fabriqués en urgence : la crise sanitaire a donné un coup de fouet et de projecteur à l’impression 3D et a mis en avant le potentiel de l’automatisation. Mais le coût et la qualité encore inégale de cette technologie n’en font pas une menace imminente pour les emplois industriels. Pour l’instant en tout cas.

Novembre 2016, le théoricien américain de l’économie Jeremy Rifkin, présentait à Luxexpo son étude stratégique sur l’émergence d’une troisième révolution industrielle au Grand-Duché. Une transition visant à « transformer le Luxembourg en premier Etat-nation de l’ère de la Troisième révolution industrielle intelligente et verte ». Devant 800 personnes venues participer au Luxembourg Sustainability Forum 2016, Jeremy Rifkin expliquait que « d’ici vingt, trente ans, nous aurons une interconnectivité numérique partout et que celle-ci sera une extension du cerveau humain ». Ainsi, selon lui, « nous pourrons envisager une technologie mobile pour tout le monde » et imaginer que « certains coûts marginaux deviendront tellement faibles que naîtra l’économie du partage ».

Alors que nous en sommes finalement qu’aux prémices de cette révolution, une autre, pas forcément prévue, est en train de pointer le bout de son nez et peut être d’arriver plus tôt que prévue ; celle de l’automatisation. La pandémie du Covid-19 a en effet chamboulait les chaînes d’approvisionnement de certaines entreprises qui ont été dans l’obligation de réaliser en quelques semaines ce que les prouesses d’une révolution industrielle ont peiné à faire depuis 40 ans : provoquer un emballement susceptible d’accélérer l’adoption de l’imprimerie 3D bien au-delà du cercle restreint des universités et des start-ups.

Des milliers de masques fabriqués par des particuliers au Grand-Duché

Apparu dans les années 1980, l’impression 3D est un procédé de fabrication additive. L’idée consiste à convertir un modèle numérique en un objet solide en trois dimensions. Si les techniques employées sont différentes, le principe est identique : superposer des couches de matières, la différence étant la manière dont sont déposées et traitées ces couches et le type de matériau utilisé. L’utilisateur a besoin d’une imprimante 3D, d’un consommable (filament, poudre…), d’un fichier, d’un logiciel pour modéliser l’objet et d’un ordinateur. Outre la médecine, l’aéronautique, la joaillerie, le design ou encore l’agroalimentaire s’en sont emparés.

En Italie, premier pays européen touché par le nouveau coronavirus, la jeune pousse Isinnova, spécialiste dans l’impression 3D, a ainsi été appelée au secours pour modifier un masque de plongée de la marque Decathlon afin de répondre au manque d’appareils respiratoires. Au Luxembourg, plusieurs particuliers et entreprises se sont engagés bénévolement afin de fabriquer des masques à partir d’une imprimante 3D suite à l’initiative lancée par Metaform Architects qui a conçu un fichier afin de lancer la fabrication d’un masque de protection du visage sur une imprimante 3D. Depuis, des milliers de masques ont été fabriqués et distribués au Grand-Duché afin d’aider notamment les personnes en première ligne face au virus.

Une menace à long terme pour les salariés de l’industrie ?

« Contrairement à la production industrielle traditionnelle, qui demande des machines fabriquées dans des usines spécifiques, l’imprimerie 3D est très flexible », selon Greg Mark, fondateur et PDG de Markforged, une start-up américaine fabriquant des machines 3D. « Vous avez besoin simplement d’un fichier informatique différent. Si vous voulez que l’imprimante passe de l’impression des masques à celle de cotons tige, vous mettez un autre fichier. Ce n’est pas possible dans une usine traditionnelle, où il vous faudra la réaménager et installer des équipements adaptés ».

Ainsi, la pandémie du Covid-19 a indirectement relancé une technologie qui avaient encore du mal à émerger malgré une capacité de production rapide et permettant de diminuer le coût des stocks, des approvisionnements et du transport. Si dans les semaines et les mois à venir l’impression en 3D va surtout servir à faire face à l’épidémie dont le monde est touché, certains économistes évoquent déjà l’intérêt que pourrait avoir cette technologie à l’avenir et ainsi amorcer plus rapidement l’automatisation de certaines tâches si les industrielles décidaient d’investir massivement afin d’améliorer les différentes machines à disposition.

Si les entreprises optimisent le temps de fabrication et deviennent moins dépendantes de leur chaîne d’approvisionnement, la qualité de finition des objets fait pour le moment encore défaut et, en l’état actuel de la technologie, il est encore difficile d’envisager une production de masse ou la fabrication de biens complexes et durables. Les imprimantes 3D ne sont donc pas encore une menace immédiate pour les employés, mais des améliorations de cette technologie et de son coût pourraient le devenir sur le long terme.

 

Texte : Mathieu Rosan

 

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