Par Fabien Rodrigues
Le temps, la nature et la féminité
Pour exploiter une distillerie comme elle entend le faire, il n’y a alors rien. Il faut tout construire, lever des fonds – pendant 3 ans – puis s’atteler à la création du bâtiment et d’un lac – oui, un lac – permettant un circuit fermé et responsable de l’eau, le terrain ne se trouvant pas au bord d’une rivière comme c’est généralement le cas. Plus de 18 mois sont nécessaires à une équipe d’une quinzaine d’ouvriers, soigneusement dorlotés par la première employée fixe de l’entreprise Lorna, pour arriver au bout du chantier… Peut alors commencer, courant 2017, l’aventure Nc’nean !
Un nom empreint de féminité, particulièrement pertinent en cette journée de lutte pour les droits de la femme, puisqu’il est inspiré d’une déesse gaélique antique, Neachneohain, protectrice de la nature et connue comme la « Queen of Spirits ». En fallait-il plus ? Apparemment oui, puisqu’en introduction du dîner en accord mets/spiritueux qui nous attend alors, Annabel nous dévoile que « Nc » serait en fait le féminin du célèbre « Mc » patronymique écossais… Gag !
La femme au centre de la réflexion donc, mais aussi la responsabilité sociale et environnementale, pour « créer un whisky qui puisse exister en harmonie avec cette planète que nous appelons notre maison » : utilisation d’orge écossaise biologique dans une distillerie alimentée par des énergies renouvelables, recyclage de 99,97 % des déchets et bouteilles en verre transparent 100 % recyclé – une première dans le domaine du whisky écossais. Ce qui vaut à Nc’nean la première certification de zero émission de CO2 inhérente à son activité.
Dans le verre et dans l’assiette
Pour débuter ce dîner « meet and greet » avec Annabel Thomas, c’est tout d’abord le Botanical Spirit qui est servi aux convives : proche d’un gin mais pas assez pour être dénommé en tant que tel, il est 100 % bio et distillé avec une combinaison unique de plantes botaniques classiques du gin et de plantes issues des landes écossaises locales, comme la myrte des marais ou la bruyère. Parfait nature sur glace ou en fizz, c’est cependant en negroni qu’Annabel l’apprécie le plus… Chez Bouchery, il est servi sec, en accord avec une gaufre de pomme de terre, patate douce, clémentine et noisettes mais aussi et surtout avec une croquette de maquereau fumé au citron confit parfaite pour mettre en valeur ses notes uniques.
Puis vient le moment de découvrir le Nc’nean Single Malt, première production et fer de lance de la distillerie, servi habilement avec une raviole de betterave fumée, chèvre, romarin et babeurre au Botanical Spirit. Loin de l’image d’Épinal que l’on peut avoir des whiskys écossais, old school et tourbés, celui-ci est d’une grande buvabilité, avec des arômes subtils d’agrumes, d’abricot et d’épices. Il se déguste sec bien sûr, mais aussi en Whisky 6, la manière recommandée par la maison : 2 mesures de whisky et 4 mesures d’eau pétillante sur de gros glaçons, un léger twist à la cuillère et une feuille de menthe en garniture…
Avec le magret de canard qui suit ainsi que pour le dessert – une savoureuse truffe au chocolat accompagnée d’une émulsion au whisky et d’une glace au pignon de pin toasté – on découvre deux batches plus exclusifs de la distillerie Nc’nean :
- Le premier est un hommage aux collaborateurs de la maison, les Quiet Rebels. À l’arrivée de chaque automne, l’un.e d’entre eux peut créer son propre whisky avec les produits disponibles et selon ses préférences. Cette année, c’est la fameuse Lorna qui est à l’origine d’un whisky génial, qui ravira les adeptes du « sweet side » de ce spiritueux élaboré en fût de Pineau.
- Le second est une découverte en avant-première internationale : le premier Single Cask de Nc’nean (hors collaborations limitées), c’est-à-dire issu d’un seul et unique fût plutôt que d’un assemblage habituel. Chaque cuvée est donc unique, d’autant plus que le fût est un facteur primordial dans le rendu gustatif d’un produit final… Un équilibre dingue, mélange d’une tradition séculaire et d’une grande claque contemporaine, à l’instar de l’excellente représentante qu’en est sa productrice.
Ses projets : continuer à produire des spiritueux écossais qui peuvent séduire les jeunes générations, les embouteiller dans de jolis flacons «qui ne ressemblent pas à des bouteilles de whisky et c’est très bien comme ça » et toujours plus expérimenter, notamment avec les levures, terrain de jeu infini ou presque…