Fin août, c’est à Charleville-Mézières qu’il faudra être pour assister au désormais incontournable Cabaret Vert, qui devrait rassembler quelque 90 000 personnes entre le jeudi 25 et le dimanche 28 août. Julien Sauvage, directeur artistique, évoque un festival plus rock que l’an dernier.
Comment avez-vous conçu la programmation cette année?
Julien Sauvage : Déjà, il y a une chose qui ne change pas: on cherche à programmer trois types d’artistes à chaque fois. En premier lieu, des têtes d’affiche qui permettent d’assurer une certaine affluence sur le festival, ensuite des artistes dits de découverte pour le grand public, comme Seratones. On a pas mal de petits groupes en voie de développement qui seront peut-être les stars de demain. Pour nous, c’est super important de pouvoir présenter des groupes auxquels le public ne s’attend pas. Enfin, on doit être un des rares grands festivals français à continuer de promouvoir les groupes régionaux. On est parti de rien il y a quelques années et on était bien contents, quand on n’avait pas grand monde, de pouvoir compter sur les artistes du coin. C’est aussi notre rôle de continuer à leur filer un coup de main.
Et que pensez-vous, alors, de ce line-up 2016?
On est très satisfait. C’est plus rock que les deux dernières éditions, je pense, et d’une certaine manière assez populaire avec Indochine, Louise Attaque ou Arno. Et à côté de ça, on a des groupes un peu plus mainstream : Nas ou L7 dont j’attends beaucoup de la reformation. En fait, on a tendance à faire très attention à ce que l’artiste va pouvoir donner en live. On sait tous qu’un groupe peut faire un très bel album en studio et être très mauvais sur scène. On est aussi pas mal tributaire des tournées européennes. Un artiste américain qui n’est pas en Europe en août, c’est très compliqué de le faire venir. On est trois à concevoir la programmation: notre directeur artistique, notre coordinateur et moi, et on essaie d’avoir l’unanimité sur chaque groupe au moment de lancer une offre. On a pour habitude de lancer deux offres à deux artistes majeurs car on sait qu’on n’obtient une réponse positive qu’une fois sur deux.
Y a t-il un artiste qui a été particulièrement difficile à convaincre?
Certains ont effectivement mis beaucoup de temps à confirmer mais ce n’est pas évident non plus de savoir ce qu’il s’est passé de leur côté. Les groupes ne savent pas toujours s’ils viennent en juillet ou en août, les agents demandent à tous les festivals de leur envoyer des offres et l’artiste se décide au dernier moment. Mais arriver à avoir Indochine, c’est un beau coup pour nous, par exemple.
Y en a t-il que vous rêveriez d’avoir mais que vous n’arrivez pas à attirer?
Ah ouais, il y en a plusieurs! Ça fait sept ou huit ans qu’on lance trois offres aux Pixies, à Cypress Hill et Motorhead. Pour Cypress Hill, ce n’est même pas une question d’argent: on a plein de potes qui ont déjà réussi à les avoir pour moins cher que ce qu’on propose nous. Mais ces dernières années, quand ils viennent en Europe, ils viennent plutôt en juillet. Notre malchance, c’est que la plupart des festivals français ont lieu en juillet. Après le 15 août, il ne se passe presque plus rien. Alors bien souvent, les artistes choisissent de ne plus tourner à ce moment-là.
Votre tâche est plus compliquée que celle des autres?
Ça se discute… Je vous mets au défi de monter un festival le premier week-end de juillet. C’est le week-end le plus prolifique en Europe. Dans notre coin, avec le Rock Werchter en Belgique, le Main Square, les Eurockéennes de Belfort, le Garorock etc… On a énormément de gros festivals. Nous, on est en face de Rock-en-Seine et Reading and Leeds. Et comme on est sur quatre jours, on peut quand même attirer des artistes qui auraient déjà signé pour l’un ou l’autre de ces deux festivals. Et puis, après le 15 août, les gens commencent à rentrer de vacances, à préparer la rentrée. Alors pour nous, ça reste une très bonne date.
Quels sont vos meilleurs coups?
Un des bons coups, c’est Manu Chao en 2012. On a commencé à ouvrir un jeudi pour eux. Et puis, je crois que Deftones en 2009 reste un souvenir très marquant car nous étions à la croisée des chemins, entre le festival tel qu’il était avant et ce qu’il est aujourd’hui. C’était le premier vrai gros groupe international qu’on arrivait à attirer. Mais si je ne dois en retenir qu’un, je dirais Iggy Pop en 2011. C’est une légende.
Vous êtes fan de qui, personnellement?
Je n’aime pas le mot «fan» mais si j’ai un seul groupe à citer, c’est Rage Against the Machine. Je suis assez rock qui bouge. Après, les groupes que j’ai le plus écouté dans ma vie, ce sont les Pixies, à égalité avec les Dandy Warhols.
Rage Against the Machine au Cabaret Vert, ça aurait pu être possible?
On n’aurait pas pu s’aligner sur le prix demandé et ce serait certainement encore le cas aujourd’hui si le groupe se reformait (NDLR: Plusieurs membres de «RATM», Cypress Hill et Public Enemy ont formé Prophets of Rage, nouveau groupe de funk-metal). Mais il ne faut surtout pas faire cette erreur de programmer pour soi. La plupart du temps, les professionnels du milieu musical ont des goûts qui ne sont pas ceux du grand public.
Raphaël Ferber