Par Cadfael
Parmi les vrais fortunés, la règle prévaut de payer le moins d’impôts possibles quitte à faire des contorsions juridiques sophistiquées. Des voix se font entendre parmi eux qui, elles demandent à payer plus d’impôts. Y aurait-il un début de prise de conscience parmi ceux qui ont tout et en veulent toujours plus.
L’anti exemple
Parmi les icônes de la défiscalisation légale, la presse française couronne, avec une grande périodicité, Bernard Arnault. Ce citoyen d’Europe, sorte de nomade fiscal, qui disposerait de pieds à terre dans maints pays a été sacré homme le plus riche au monde. À chaque fois qu’il fait un don, il y a des suspicions de défiscalisation à tel point qu’il a fait préciser par ses services que les sommes qu’il offrait aux restaurants du cœur (10 millions) et à la restauration de Notre-Dame (200 millions) en 2019 n’étaient pas défiscalisées.
Il n’en demeure pas moins que sa merveilleuse fondation Louis Vuitton est considérée par la Cour des comptes française en 2018 comme « un cas exceptionnel par son ampleur ». Elle aura permis aux entreprises du groupe LVMH qui la financent d’éviter 518 millions d’euros d’impôts sur dix ans. Pour ce faire, ses conseillers ont exploité pleinement les spécificités fiscales du mécénat d’entreprise à la française.
Il permet les dons en faveur d’organismes sans but lucratif en contrepartie de baisses d’impôts sur les bénéfices compris entre 40 % et 60 % en fonction des dons. Selon ce rapport sa fondation, qui accueille des expositions de très haut niveau, permettrait au groupe d’Arnault de dorer, et ses finances, et son image de marque. Dans un article de janvier dernier, on apprend que le fisc français a décidé de ne pas poursuivre le géant du luxe sur le rôle d’une structure de trésorerie belge du groupe.
Proud to pay more
Le World Economic Forum de cette année a marqué le point de départ médiatique du mouvement « fier de payer plus ». Davos constate qu’un quart des impôts dus par les 0.01 % les plus riches ne sont jamais payés.
ProPublica, le site américain de journalisme d’investigation, lauréat du prix Pulitzer, avait constaté que pour la période de 2014 à 2018 les 25 personnes les plus riches des États-Unis ont vu leur fortune augmenter de 401 milliards et en même temps ils n’ont payé que 13.6 milliards de taxes fédérales, ce qui fait 3.4% d’impôts sur le revenu. Selon Propublica cela donne des taux de fiscalité pour Warren Buffet 0.10 %, pour Jeff Bezos 0.98 % et pour Elon Musk, qui semble s’être mal débrouillé, 3.27 %. Le mouvement depuis s’est accéléré : les cinq plus grandes fortunes mondiales sont passées de 405 milliards en mars 2020 à 869 milliards en 2023 selon les analyses de « proud to pay more ».
Le constat à la base de leur démarche semble clair : « Nous sommes ceux qui investissent dans des start-ups, travaillent sur les marchés financiers, font grandir des entreprises et soutiennent une croissance durable. Mais les inégalités ont atteint un point crucial et leurs coûts économiques, sociétaux et écologiques sont lourds et augmentent tous les jours. Nous devons agir ».
Une revendication simple
« Nous vous demandons de nous taxer, nous les plus riches de la société. Cela ne va pas fondamentalement changer notre niveau de vie, ni priver nos enfants, ni handicaper la croissance économique de nos nations. Mais cela va transformer des richesses extrêmes ou non productives en investissements pour notre avenir démocratique commun. La solution ne se trouve pas dans des donations ou dans la philanthropie ; l’action individuelle ne peut pas corriger les déséquilibres colossaux. Nous avons besoin que nos leaders et gouvernants assument. »
L’association a appelé les gouvernements à réduire l’écart entre les riches et le reste de la société en encadrant les entreprises, en cassant les monopoles, en limitant les salaires des CEO et en ajoutant une nouvelle fiscalité basée sur la richesse permanente et les super profits. Elle constate dans un rapport joint qu’un pour cent de la population mondiale, le plus fortuné, possède 43 pour cent des actifs financiers mondiaux.
Plus de 250 millionnaires et milliardaires ont signé le manifeste, parmi eux seulement 5 Français, constate un journaliste économique parisien.
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