Sociologue de formation, directrice du Cercle de Coopération des ONGD depuis 2020, Nicole Etikwa Ikuku foule depuis longtemps les terrains de la solidarité internationale. Administratrice chez Frères des Hommes et Neimënster, elle est aussi engagée chez Déi Gréng”. Cette quarantenaire joviale, fan de salsa, qui dit avoir beaucoup d’amour autour d’elle (elle a 7 neveux et est 5 fois marraine), est une féministe déterminée et impliquée. Rencontre dans la bonne humeur le 8 mars dernier au Indie’s Café.

Nicole, où êtes-vous née, où avez-vous grandi ?

Je suis née à Lokutu, à l’Est de la RDC, région de ma grand-mère mais je suis arrivée au Luxembourg dès 1983, à 6 ans, avec mes grands-parents maternels et mon grand frère. Ma petite sœur et ma mère nous ont rejoints en 1990. Mon père est décédé, je ne l’ai pas connu. J’ai donc grandi avec mes grands-parents et deux de mes oncles. J’étais entourée de garçons, il fallait se battre (rires).

Pourquoi cette arrivée au Luxembourg ?

Mon grand-père était Luxembourgeois, il a fait partie de cette histoire coloniale racontée il y a peu dans une expo au MNAHA. Comme de nombreux Luxembourgeois, il est parti au Congo avec la colonie belge après la guerre, il y est tombé amoureux de ma grand-mère, y est resté et a ouvert là-bas une usine de casseroles. Mais mes grands-parents voulant que leurs 5 enfants bénéficient d’une éducation occidentale, ils sont venus au Luxembourg tout en projetant de retourner en RDC car ils y avaient une belle vie, des amis, des proches, ce qu’ils ont fait. Il y a eu le même projet d’éducation pour nous.

L’intégration a-t-elle été difficile ? Quels liens gardez-vous avec la RDC ?

J’y suis allée en vacances en 2011 avec des amis mais ma famille est ici, au Luxembourg et en Belgique. Pendant mes études à Liège, j’ai côtoyé des Congolais, cela m’a apporté beaucoup en termes identitaires, grâce à eux j’ai pu continuer à parler le lingala et à valoriser le métissage. Ce qui n’avait pas été le cas ici à l’école primaire, on n’était accepté ni par les Africains, ni par les Européens. Les inégalités sont partout, aujourd’hui encore il y a plein de préjugés. Alors soit, vous combattez tout le temps, soit vous profitez de cette richesse qui vous est offerte.

Qu’est-ce qui vous a poussée vers la sociologie ?

Je voulais être traductrice, je trouvais incroyable de pouvoir entrer facilement en contact avec les gens pourtant à Liège j’ai suivi des cours d’assistante sociale, ça me parlait. Mais quand j’ai compris qu’on privilégiait un système d’assistanat, j’ai décidé de ne pas y contribuer. J’ai fini mon cursus et me suis réorientée vers la sociologie. Elle permet de comprendre les phénomènes sociaux et de toucher aux causes qui créent les inégalités.

Puis vous êtes revenue au Luxembourg…

Oui, je suis passée par le CEDIES avant un remplacement au SNJ, puis je suis partie 6 mois à Dubaï pour enseigner l’anglais. Je ne regrette pas cette expérience même si j’ai découvert l’envers du décor, notamment le travail insoutenable des Asiatiques.

 À quand remontent vos premiers pas sur le terrain de la solidarité internationale ?

À Dubaï, j’ai eu la visite d’une amie bénévole à l’ASTM qui m’a appris que l’association cherchait un coordinateur. Un défi que j’ai eu envie de relever, attirée par ses valeurs, ses actions et ses projets. J’y ai été coordinatrice de 2004 à 2020 avant de rejoindre comme directrice, en mai 2020, en pleine pandémie, le Cercle de Coopération des ONGD. J’étais déjà impliquée dans le travail du Cercle, il permet de développer des coopérations, d’impulser des projets, d’avoir des formations…

Et pourquoi un engagement politique ?

Si en tant qu’association on est apolitique, lutter pour l’égalité et le respect des droits humains veut dire se positionner dans la société et faire des choix politiques pour contribuer au bien-être de tous. Déi Gréng fait attention à la parité et à l’équité et je côtoyais déjà les Verts avant qu’on vienne me chercher. Je suis Luxembourgeoise mais j’ai un pied dans d’autres communautés, c’est un plus, je suis fière de pouvoir le thématiser. Je me suis présentée aux élections communales à Luxembourg, c’est ma ville. On devrait consulter les citoyens avant de prendre des décisions, remettre l’humain au centre, ce serait tellement plus harmonieux et on pourrait y rendre la vie plus agréable. L’indice du bien-être social ne se résume pas au pouvoir d’achat.

Quid de la culture pour vous qui avez un mandat d’administratrice à Neimënster ?

 La culture, c’est ce qu’on vit, c’est nous. J’ai été honorée d’être appelée dans ce lieu de rencontre et de partage. J’y ai organisé pas mal de concerts, de conférences. J’aime aussi le cinéma. Hier, dans le cadre du LuxFilmFest, j’ai vu « The New Man », film cap-verdien, poétique et fort, soutenu par la coopération luxembourgeoise. C’est l’histoire d’un vieil homme qui a refusé de quitter son village, il témoigne de l’exode climatique. Le débat qui a suivi portait sur les moyens d’initier de vrais échanges culturels, de promouvoir les films africains alors qu’on a notamment une extraordinaire communauté de Cap-Verdiens.

 Y a-t-il une rencontre marquante que vous aimeriez partager ?

Celle avec Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture au Mali, que nous avions invitée à Neimënster. Cette femme dénonce la mondialisation, l’hégémonie occidentale, les relations de pouvoir avec une telle force ! J’étais très émue. Et celle avec Fatou Diome rencontrée lors d’une lecture au lycée Aline Mayrisch.

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