Une vallée des anges mâtinée de sidérurgie. Une bande de jeunes. Quelques bouteilles. Des soirées s’égrènent. Dans Jeunesse Maelstrom, Brice Reiter, jeune auteur né dans la Grande Région désormais expatrié à Londres, nous plonge dans les méandres d’une jeunesse un peu paumée.
Jeunesse Maelstrom est son premier roman, auto-édité, pour être présenté au concours de la Plume francophone sur Amazon, est sorti début juin. Nous l’avons rencontré.
Bonjour Brice, peux-tu commencer par te présenter?
A ma naissance, mes parents ont hésité entre Brice et Dimitri. Finalement, ça a été Brice. Je suis né à Thionville, mais j’ai grandi dans ce petit et attendrissant village au doux nom de Basse-Ham. J’ai étudié à Thionville, dans l’établissement public Hélène Boucher. J’ai obtenu mon bac in extremis avec une moyenne de 10 sur 20. La philosophie m’a sauvé la mise. J’avais choisi la filière scientifique. Aujourd’hui encore, je considère ce choix comme l’une des plus grosses erreurs de ma vie. J’étais juste bon pour écrire et je ne faisais que lire à cette époque. Donc, les maths et la physique chimie, c’était un cauchemar pour moi. J’ai continué mon cursus à l’université de Lorraine. J’ai opté pour une licence en Information et Communication, puis j’ai fini avec un Master en Gestion de projets numériques. Ce master m’a également permis de faire de la recherche universitaire. Mon sujet d’étude portait sur la relation existante entre l’auditeur et l’artiste sur les réseaux sociaux et son point d’orgue a été la mise en évidence de ce que j’avais nommé le lien d’influence. C’était ma petite découverte scientifique à moi, mais je pense que tout ceci est tombé aussitôt dans l’oubli. A présent, je vis à Londres. Ça va faire maintenant trois ans.
A la base, tu t’es expatrié pour Londres pour faire de la musique. Comment en es-tu arrivé à l’écriture?
La musique est le métronome de ma vie, alors que l’écriture est ma catharsis ou mon pharmakon, je ne sais pas trop. C’est mon remède et mon poison. J’ai toujours aimé les mots. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé lire et écrire. Mon premier acte d’écriture, c’était à l’école primaire. Un concours de poésie. J’avais huit ans. Je l’avais gagné, il me semble. C’était un haïku sur une horloge cherchant le sens du temps. Au collège, j’adorais les écrits d’invention, c’était mon péché mignon. L’une de mes professeurs a même dit de moi que j’étais un petit Victor Hugo, un jour lorsqu’elle nous rendait nos rédactions (sourire). Cela peut sembler prétentieux, mais aujourd’hui ça me fait sourire.
En fait, j’ai vraiment commencé à écrire de manière intense au lycée. Tout a commencé quand j’ai rejoint l’équipe du blog Street Art et le magazine de musique 90BPM. Je couvrais des événements artistiques d’abord et j’ai voyagé dans de nombreuses villes françaises pour parler d’art urbain et faire des reportages d’expositions. Plus tard, de la première à la terminale, j’écrivais principalement sur les blogs. Je n’en avais pas. En fait, j’écrivais dans la partie Commentaires des blogs, sous un pseudonyme. Je rédigeais de longues critiques pour dire aux gens à quel point leur égocentrisme était pernicieux. C’était comme des admonitions, au sens littéraire du terme. J’aimais faire ça. Je ne me l’explique toujours pas aujourd’hui, mais c’était comme une drogue. Je rentrais des cours et je me mettais sur Internet. Je passais tous les blogs en revue et quand il y avait un article avec une photo trop narcissique, j’écrivais quelque chose. Ce n’était jamais injurieux, toujours argumenté. A ce moment de ma vie, je lisais beaucoup de Guy Debord, Roland Barthes, Sartre et Baudrillard…Tous ces auteurs influençaient mon jugement à l’égard de cette nouvelle société de l’image et de cette mise en avant de soi sur Internet. Ça me révoltait. Je ne comprenais pas pourquoi… Lorsque mon pseudonyme a été découvert, j’ai tout arrêté: d’écrire et de lire. Je me suis seulement tourné vers la musique. C’est à l’université, vers ma deuxième année, après deux trois ans de hiatus, que j’ai recommencé à écrire. L’université m’a beaucoup apporté. J’avais accès à la bibliothèque avec énormément de choses merveilleuses à lire. Je me suis intéressé à la sémiologie, la linguistique, l’écriture de scénario, de documentaire, à des nouveaux styles d’écritures comme l’écriture spontanée, l’écriture minimaliste, etc. J’expérimentais beaucoup. J’écrivais partout, sur des serviettes au restaurant, sur les tables des amphithéâtres, sur mes cours. Après mon départ à Londres, j’ai laissé tout ça. Puis les mots m’ont rattrapé. J’ai commencé ce premier roman un soir de juin 2015. Je ne savais pas que j’écrivais un roman. J’écrivais seulement ce texte comme on raconte une histoire à un ami.
Revenons à Jeunesse Maelstrom, tu y dépeins une jeunesse un peu paumée, qui ne rend pas vraiment service à la région. Pourquoi avoir pris ce parti pris de la noirceur?
Mon idée n’a jamais été de dénigrer ma région. Néanmoins, je comprends que tu en viennes à parler de «parti pris de la noirceur». En fait, c’est un constat. Et il s’avère que c’est assez global. Je ne pense pas que le tableau d’une jeunesse paumée soit spécifique au décor de mon histoire, je pense qu’on le retrouve partout. On a tous connu ou l’on connaît tous des jeunes un peu perdus, un peu ennuyés, qui traînent, qui se droguent et font n’importe quoi pour fuir la monotonie du quotidien. Mon idée n’a jamais été de choisir la noirceur comme vernis de ce tableau. Je pensais seulement que c’était en parfaite adéquation avec le sujet du roman. C’était assez révélateur finalement. Avec cette histoire, je voulais juste décrire un malaise. Je ne prend ni parti pour la jeunesse ou quelqu’un d’autre, je donne juste une idée de pourquoi les choses peuvent finir comme cela et à quoi cela est dû. Je sais que mon explication semble un peu scabreuse, mais il est difficile de faire comprendre mon idée sans dévoiler des éléments de l’histoire. Quand j’ai écrit le dernier chapitre du livre, je me suis juste dit: Il faut que ce soit pédagogique, non pas moraliste. Jusqu’à présent, il est assez intéressant de voir comment le livre est réceptionné et compris. Différentes personnes avec des backgrounds divers et variés ont eu l’occasion de le lire. J’ai eu des retours très intéressants et parfois le décodage par les lecteurs va même au delà de ce que j’aurais pu imaginer.
Ton livre raconte «l’inertie de l’habitude». Peux-tu m’expliquer?
J’ai emprunté ce terme à Oscar Wilde, il l’utilisait pour décrire la fidélité. Dans mon livre, l’inertie de l’habitude est également une image. Je vois dans l’habitude quelque chose de subversif, quelque chose de sédatif. L’habitude nous entraîne vers l’ennui, c’est vrai, mais elle apporte aussi quelque chose qui nous rassure: le connu, le confort et la sécurité. Et l’humain, en général, s’y sent bien car l’inconnu l’effraie. Du coup, la routine se définit pour moi comme une inertie de l’habitude, car c’est un état inerte qui t’emporte à toujours effectuer la même chose.
Dans mon livre, tu as cette bande de potes qui, chaque week-end, effectue la même chose, les mêmes rituels. C’est leur inertie de l’habitude. Ils le savent. Ils s’en plaignent, mais ne font rien. Ils essaient pourtant, parfois, de sortir de ça avec l’alcool ou la drogue, pour voir les choses différemment. Ils s’en extasient mais reviennent toujours à ce tourbillon, à ce tourner-en-rond quotidien. C’est l’image.
L’histoire est-elle autobiographique? Jusqu’à quel point?
Il y a des éléments autobiographiques. Dans chaque chapitre même. Mais tout est extrêmement romancé. Il est difficile t’expliquer à mes proches aujourd’hui la part de réel et de fiction, mais tout est tiré de petits détails liés à mon adolescence et d’épisodes vécus. Après ça reste une histoire et ce que l’on comprend lors du dernier chapitre ne s’est, bien heureusement, jamais passé!
On remarque quelques formules récurrentes «vous savez» qui s’imposent comme un refrain ou une ritournelle, qui me font notamment penser au style de Nick Hornby. Fait-il partie de tes sources d’inspiration?
Je ne connais de Nick Hornby que ses essais sur la musique pop et ses très intéressants écrits sur la culture de la mixtape. Je n’ai jamais lu aucun de ses livres cependant. Non, pour dire vrai, il y a deux sources d’inspiration qui viennent s’immiscer dans mon livre. La première est Salinger, l’auteur de L’Attrape Cœur. Ca peut sembler un peu cliché, mais ce livre a été un véritable choc dans mon adolescence. En lisant ce livre, je me suis senti très proche de Holden Caulfield (le personnage de l’histoire), de sa façon de penser et sa façon de voir le monde. Dans ce roman, Salinger use justement d’un langage parlé, un peu approximatif parfois, et je trouvais justement très intéressant et pertinent d’adopter cette posture rédactionnelle pour transmettre l’histoire de ce jeune garçon perdu dans New York. Ensuite, il y a Tom Spanbauer. Tom Spanbauer est derrière ce que l’on appelle l’écriture périlleuse (ou Dangerous Writing). Dans ce concept d’écriture, Spanbauer rappelle qu’il est intéressant dans une histoire d’avoir un «chœur» ou un «refrain» qui revient et interpelle. Du coup, j’ai associé l’idée de Salinger à un élément de l’écriture périlleuse. Et, étant donné que mon livre se positionne comme un ami te racontant une histoire, je voulais une interpellation récurrente qui attire le lecteur et lui rappelle que sa présence et son écoute sont importantes.
Qui sont tes auteurs favoris, justement?
C’est une bonne question. Mes auteurs préférés, durant mon adolescence, étaient Salinger, Chuck Palahniuk, Philip K Dick, Bret Easton Ellis et Douglas Coupland. Plus tard, je me suis ouvert à des lectures plus classiques comme Oscar Wilde, Sade, Victor Hugo ou Baudelaire, ou plus moderne comme Annie Ernaux (et son bouleversant Une Femme) ou Régis Jauffret.
J’adore la philosophie aussi. Je suis un grand fan d’Alain, mais aussi Jean Paul Sartre, Descartes ou encore Nietzsche. J’ai dévoré tous les écrits de Roland Barthes également et puis tous les autres auteurs que j’ai cités plus haut.
Jeunesse Maelstrom est le premier tome d’une trilogie. A quand la suite?
J’ai commencé la suite, ainsi que trois autres livres. Pour te donner un peu plus de détails, ce sera bel et bien une trilogie, mais il n’y aura que des liens indirects entre les différentes histoires. Disons qu’un élément du premier livre va influencer l’histoire de l’autre. Il y aura des croisements et probablement l’apparition de certaines personnages du premier roman dans le deuxième et troisième mais ça ne sera pas une suite à proprement parlé. Sinon, d’ici la sortie du deuxième tome, j’espère finir mon recueil de poésie illustrée. Je relis énormément de Dylan Thomas en ce moment et je m’efforce d’écrire une poésie par jour. J’en ai déjà une trentaine, le reste devrait suivre assez rapidement. Puis, j’avance sur différents projets comme le scénario d’un film – c’est mon projet un peu fou -, un livre composé des différentes nouvelles de mon personnage James Du Candel (que j’avais posté sur mon ancien blog) et quelques autres trucs comme des concours littéraires. Ça fait beaucoup de choses, mais j’ai besoin de faire sortir tout ça de ma tête!
Jeunesse Maelstrom, Brice Reiter, disponible sur amazon.