En cette rentrée littéraire, aux côtés des habitués de l’exercice, Aurélien Gougaud, qui publie chez Albin Michel, son premier roman, Lithium.
Une parution qui n’est pas passée inaperçue puisque le livre est en lice pour le Prix de la Vocation, ainsi que pour le Prix Révélations de la Société des Gens de lettres.
Lithium, c’est l’histoire d’Elle, 23 ans qui vit sans se préoccuper du lendemain, et de Lui jeune trentenaire qui s’ennuie dans un quotidien morne. Jeunes Parisiens désabusés, perdus et désenchantés, dont l’auteur fait s’entremêler les voix dans un texte crépusculaire. Entretien avec Aurélien Gougaud, qui aborde les dessous de son texte.
On se sent comment quand on publie son premier roman?
Heureux et soulagé, évidemment. J’essaie de savourer ces instants sans oublier qu’il n’y a rien de plus éphémère que l’intérêt que peut susciter un premier roman lors d’une rentrée littéraire.
Aviez-vous tenté d’être édité avant Lithium?
Non, du tout. Jamais je ne m’étais essayé à un exercice de cette ampleur.
Vous évoquez la jeunesse parisienne désabusée. Un thème mainte fois éclusé par la littérature contemporaine. N’aviez-vous pas peur de tomber dans les écueils, les clichés?
Peur, non, car je n’ai pas écrit avec l’ambition de révolutionner quoique ce soit. Ceci dit, je me suis quand même attaché à éviter deux écueils: la drogue dure et l’opulence. Cette jeunesse parisienne à laquelle vous faites allusion est souvent représentée comme une bande d’héritiers désœuvrés, tuant le temps à coup de coke, et de bouteilles hors de prix achetées dans des clubs élitistes. Je voulais éviter cette vision dépressive et sensationnaliste.
Qui a inspiré vos deux personnages principaux?
Tout le monde et personne à la fois.
Pourquoi avoir choisi de ne pas les nommer?
Pour qu’ils restent un poil impersonnel et donc le plus universel possible. Je crois, à tort ou à raison, que l’on s’identifie plus librement à un personnage de cette manière. Peut-être aussi pour le défi formel que cela représentait.
Votre roman fait alterner leur deux voix, chacun leur tour, et l’action se déroule sur une semaine. Qu’est-ce qui a motivé le choix de cette structure narrative?
Ce n’est pas vraiment un choix, le livre est né de cette idée de symétrie. La structure narrative, c’est le point de départ. J’avais écrit la soirée d’une fille, puis celle d’un mec, et c’est à partir de cette alternance que j’ai pensé la suite de l’histoire. L’avantage de ce schéma était aussi qu’il me permettait d’avancer sans forcément trop savoir où j’allais.
Quelle part de vous avez-vous mis dans ce premier roman?
Une part importante de ma vie et de moi même, ce pourquoi je ne suis pas très objectif fasse aux commentaires du type « le désespoir d’une jeunesse désabusée», car je suis loin d’être aussi dépressif que la lecture que certains font de mon livre.
Lithium, c’est un clin d’œil à Nirvana?
Du tout. Nevermind est un grand album que j’ai beaucoup écouté il fut un temps. Donc le fait que certains établissent un lien ne me dérange pas. Mais dans mon esprit, il n’y en a aucun.
Le portrait, très juste, que vous faites de la génération Y est très sombre. N’avez-vous aucun espoir pour notre jeunesse?
J’ai l’âge de mes personnages et suis parisien tout comme eux, donc je n’ai pas le recul d’un analyste. Ensuite je n’aime pas parler de ma génération comme d’une entité homogène. Qu’est ce qui nous lie? Les nouvelles technologies et une certaine forme de précarité, d’incertitude. Autrement dit, l’époque à laquelle nous vivons. Mais je crois qu’il serait malhonnête et erroné de parler d’un ensemble de personnes aussi vaste et de leur attribuer des aspirations et des problématiques communes. Si l’on commence par mes deux personnages, eux-mêmes ont des philosophies de vie très différentes. À vrai dire, je ne trouve pas ce portrait si sombre que ça. Certes, mon livre ne sera pas adapté par Walt Disney (sourire), mais au delà du cynisme, il y a du rire, de la vie, de la légèreté parfois, et une profonde volonté de changement. Ne serait-ce pas là l’inverse du désespoir?
Et lundi, il se serait passé quoi, finalement?
J’ai ma petite idée mais après avoir lu la fin, je pense que vous comprendrez que je préfère la garder pour moi…
Aurélien Gougaud, Lithium, aux Editions Albin Michel
Crédit photo: F. Stucin