Zuza Jakubiak, qui fête ce mois-ci ses 34 printemps, est architecte au sein du bureau de Christian Bauer. Passionnée d’art, elle dessine et aime faire se rencontrer architecture et nature. La jeune Polonaise a rallié il y a deux ans le Luxembourg traçant son bonhomme de chemin depuis Poznań, via Bari, São Paulo et Londres. Rencontre sympathique sur la terrasse ensoleillée du Paname avec cette jeune femme – yogiste, sensibilisée au développement durable – qui rêve de l’Antarctique.

Par Karine Sitarz

Pouvez-vous nous brosser en quelques traits votre jeunesse en Pologne ?

Je suis née et j’ai grandi à Poznań. Mon père était marin et ma mère directrice d’université. Elle aussi était très sportive et, en famille, nous avons beaucoup voyagé, sillonné la Pologne, fait de nombreuses randonnées en montagne. Comme mon père, mon petit frère et moi avons été scouts. Je garde aussi le souvenir d’un grand-père talentueux qui construisait avec ses mains, restaurait des antiquités, qui a fait, seul notre maison de campagne, tout en bois, et le jardin. Il avait vraiment la main verte, tout comme ma grand-mère d’ailleurs. Je suis d’une famille proche de la nature, cela m’a inspirée.

Quand est née votre passion pour les arts plastiques ?

Je m’y suis intéressée très jeune, j’avais des cours après l’école et puis un jour j’ai vu une expo sur l’impressionnisme, j’ai adoré ! J’ai toujours voulu être artiste, mais avec le désir de bâtir quelque chose. A la maison, je dessinais beaucoup et j’ai toujours construit des choses, à commencer par la maison de mon hamster (rires).

Quand avez-vous su que vous étudierez l’architecture ?

C’est venu naturellement comme plus tôt mes choix scolaires, l’art, la physique, les maths, la géométrie… J’ai commencé mes études à l’Université de technologie de Poznań, mais, alors que j’avais toujours adoré dessiner, j’ai tout à coup détesté à cause des examens qui étaient si carrés ! Je me suis alors tournée vers le digital, ce qui a été une bonne chose. Grâce à Erasmus, j’ai pu étudier un an à Bari où je suis tombée amoureuse de l’Italie et de son architecture classique avant de partir pour un stage d’étude d’un an à São Paulo. Je me suis intéressée au brutalisme et à de fameux architectes comme Bo Bardi ou Niemeyer. Edith Piaf a chanté la beauté de Rio, São Paulo, elle, est une ville immense qui s’est développée de manière anarchique. En tant qu’architecte-urbaniste, tu vois vraiment la différence entre une ville planifiée et une ville sans contrôle, c’était très intéressant.

Puis vous êtes revenue en Pologne ?

Juste le temps de déballer et de réemballer mes affaires avant de mettre le cap sur Londres, d’abord pour l’Université de Greenwich pour mon master puis celle de Westminster. Là j’ai retrouvé mon envie de dessiner. Concevoir avec la main et concevoir avec un ordinateur est très différent, le dessin est plus immédiat et plus artistique aussi, il traduit vraiment ce que l’on veut. A cette époque, mon projet portait sur la question de la nourriture dans le futur. J’ai fait trois grands dessins représentant un vaste réseau avec équipements pour sécher et conserver la nourriture, « Greenwich (Food) Preservation Kitchens ». Ce projet m’a permis de trouver un boulot…

Est-ce cela qui vous a amenée au Luxembourg ?

Après l’université, j’ai travaillé pendant cinq ans sur différents projets pour le bureau d’architecture Hawkins Brown à Londres : une école, un projet résidentiel plus technique, un édifice public du début du XXe siècle permettant un dialogue avec le passé. Puis, il y a eu la pandémie de Covid-19… Avec mon ami architecte luxembourgeois, nous sommes venus ici en 2021, j’ai cherché un travail… et suis entrée chez Christian Bauer, un architecte qui, lui aussi, aime beaucoup le dessin.

Sur quels projets travaillez-vous ? Lesquels vous intéressent tout particulièrement ?

En ce moment un projet à Belval. Avant, il y a eu le concours pour le Centre de congrès à Sarrebruck et un projet avec les ingénieurs de A+P Kieffer qui est une vraie réflexion sur le travail dans les bureaux et la nécessité d’en améliorer les conditions. De manière générale, j’aime les projets où je peux me projeter dans l’avenir.

Et où en sont vos projets artistiques ?

Ils évoluent en parallèle, mais l’architecture est – comme la nature et souvent intégrée dans cette nature – toujours au centre de mes dessins. Pendant la crise du Covid-19, j’ai dessiné à partir de photos un triptyque en lien avec les fameuses serres royales à l’architecture victorienne de Kew Gardens qui, à Londres, abritent tous les jardins du monde. Ici, je m’intéresse beaucoup à l’architecture traditionnelle, je vois que nombre de bâtiments sont en train d’être détruits et qu’il y a de vrais manques en matière d’architecture. Je projette de dessiner les édifices de la capitale, mais pour cela il me faut du temps.

Avez-vous souvent exposé ?

L’an dernier, j’ai participé à la Biennale d’art contemporain de Strassen (ndlr : Zuza y a reçu le Prix spécial du Jury) et exposé des dessins architecturaux au Lëtzebuerg City Museum dans le cadre des Museum Days. J’ai aussi exposé des œuvres lors d’un événement solidaire organisé par le Gin Club Luxembourg pour récolter des fonds pour l’Ukraine.

Quels liens gardez-vous avec votre pays natal ?

Je retourne très régulièrement en Pologne pour rendre visite à mes parents, à ma famille, à mes ami(e)s. Cette année, j’y suis déjà allée trois fois !