Propos recueillis par Karine Sitarz
Cheffe de la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg depuis 2016, Yuriko Backes vient d’être nommée Maréchale de la Cour, par son Altesse Royale le Grand-Duc.
Alors que la diplomate prendra ses fonctions le 1er juin 2020 en remplacement de Lucien Weiler, elle se livrait dans notre numéro d’avril, sur son rôle de conseillère au près de deux Premiers ministres, une carrière partagée entre ce Japon qui l’a vue naître et grandir et le Grand-Duché où elle officie à présent. Une interview sans faux-semblant.
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Quels liens entretenez-vous avec ce Japon lointain ?
Je suis née au Japon et, après sept années en Allemagne, ma famille y est retournée pendant onze ans. C’est le pays de ma jeunesse, celui de mon bac dans une école internationale. Je suis Luxembourgeoise mais j’ai un lien très fort avec le Japon. C’est un beau pays, avec une culture très riche, j’y ai lié des amitiés profondes et fidèles. J’adore y retourner et c’était mon choix d’y aller en poste en 2006. C’est ainsi que mon second fils est né à Tokyo et, comme l’avaient fait pour moi mes parents, je lui ai donné un prénom japonais.
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Qu’est-ce qui vous a incitée, jeune femme, à choisir la voie de la diplomatie ?
J’ai grandi très loin de mon pays, et dès mon plus jeune âge, j’ai eu le sentiment de le représenter. Les échanges internationaux, l’histoire, les langues me passionnaient et vivre dans un milieu multiculturel m’a inspirée. J’ai quitté le Japon pour étudier à Londres les relations internationales puis l’histoire et l’économie japonaise avant un master au Collège d’Europe à Bruges.
A ce moment-là, j’ai opté pour la diplomatie luxembourgeoise et ai passé les concours. Bien représenter mon pays et ses intérêts, promouvoir les échanges de façon pacifiques et harmonieuse, contribuer à mon échelle à un monde meilleur, c’est ce que je voulais.
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Après plusieurs postes à l’étranger, vous êtes rentrée au Luxembourg. Le désir de vous fixer ?
Lorsqu’on m’a proposé un poste au Ministère des Affaires étrangères et européennes, je ne pensais pas être encore là douze ans plus tard ! Mais en 2010, Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre, m’a demandé d’être sa conseillère diplomatique, ce qui était un honneur, et en 2013 Xavier Bettel, à son tour Premier ministre, m’a demandé de rester. Ces années au Ministère d’Etat, un job de 24h/24 pourtant, ont été une expérience incroyable.
En 2016, j’ai accepté un nouveau défi et suis devenue Représentante de la Commission européenne au Luxembourg, un job qui me passionne. Mais je n’exclue pas de reprendre un jour ma carrière diplomatique.
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La politique, la diplomatie sont des domaines encore assez masculins. Y avez-vous rencontré des difficultés ?
Plus jeune, j’ai eu quelques expériences, non pas graves, mais désagréables. Mais dans l’ensemble, pour moi, être une femme a été un atout ; en tout cas cela ne m’a jamais empêchée de faire ce que je voulais. J’essaie de mon côté de soutenir des femmes parfois très performantes, mais qui n’osent pas, il faut les aider à avoir confiance que les hommes ont plus naturellement. Avec les nouvelles générations, cela est en train de changer.
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Ce parcours a-t-il été facilement conciliable avec une vie de famille ?
Il fallait deux conditions : être organisée et avoir le soutien de ma famille. Mon mari m’a appuyée et les décisions ont été prises ensemble. Quant à mes enfantes, ils ont vu leur mère travailler et voyager, mais je crois qu’ils n’ont pas trop souffert. J’étais présente aux moments importants et j’ai fait en sorte qu’ils soient encadrés et qu’ils puissent s’épanouir. J’espère aussi être un bon exemple pour eux.
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La Commission a aujourd’hui une Présidente. Vous êtes la première femme Cheffe de sa représentation au Luxembourg. Un commentaire ?
J’ai eu des chefs qui préféraient travailler avec des femmes parce que, selon eux, elles sont plus systématiques, plus organisées. Il ne faut pas généraliser, femme ou homme, chacun a son style… Madame Von Der Leyen est une femme intelligente, bosseuse, passionnée par ce qu’elle fait, elle a les qualités dont on a besoin pour être un leader. Je crois qu’elle va assumer son rôle avec beaucoup d’intelligence et de professionnalisme.
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Parmi les sujets sur lesquels vous travaillez, lesquels vous intéressent le plus ?
Ceux dont on peut voir les résultats ! Celui qui doit tous nous préoccuper, c’est le climat, la neutralité carbone d’ici 2050, soutenir la biodiversité et l’économie circulaire. La Commission a des propositions très concrètes sur lesquelles on va travailler. Il faut du courage politique, c’est un investissement pour l’avenir et si cela a un coût, ne rien faire coûterait beaucoup plus. Un autre sujet très concret, c’est le soutien aux entreprises. Et puis, il y a ceux touchant à la gender equality, aux femmes et aux jeunes. Je sens chez ces derniers une énergie positive qui me motive.
Questions à la volée
- Un livre de chevet : “Un petit livre formidable ‘Stupeur et tremblements’ d’Amélie Nothomb, née dans la même maternité que moi au Japon.”
- Une personnalité : “Simone Veil pour ce qu’elle a fait pour les femmes et pour l’Europe. Nelson Mandela pour son combat contre l’apartheid et son parcours jusqu’à la Présidence de l’Afrique du Sud.”
- Un coup de coeur artistique : “Le Alvin Ailey American Dance Theater que j’ai découvert à New-York et revu chaque année pendant mes années américaines”.