Malgré les alertes répétées, des décisions judiciaires récentes montrent que les victimes de violences sexuelles au Luxembourg continuent de faire face à un système qui privilégie encore trop souvent les droits des auteurs. L’association La Voix des Survivant(e)s appelle à une réforme urgente de la loi et à un recentrage sur la protection des victimes, en particulier des enfants.
Le 2 juillet dernier, lors d’une intervention à la Chambre des députés, l’association La Voix des Survivant(e)s asbl avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur plusieurs jugements jugés problématiques dans le traitement des violences sexuelles. Trois mois plus tard, deux nouvelles affaires viennent confirmer l’urgence d’une réforme en profondeur du système judiciaire luxembourgeois.
Affaire de matériel d’abus sexuel d’enfants : la parole des enfants encore ignorée
Dans une enquête rapportée par Reporter.lu le 25 septembre 2025, un père a été soupçonné de possession, téléchargement et diffusion de matériel d’abus sexuel d’enfants (CSAM). Les faits, signalés par Europol, ont révélé qu’il avait téléchargé et partagé des contenus pédopornographiques via une adresse luxembourgeoise — parmi lesquels un photomontage réalisé à partir d’une photo de son propre enfant.
L’homme a été détenu préventivement pendant deux mois avant d’être libéré sous conditions strictes : interdiction de contact avec des mineurs, y compris ses enfants, et obligation de suivre une thérapie. Ces mesures ont ensuite été assouplies, autorisant des visites encadrées au Service Treff-Punkt, malgré la réticence exprimée par les enfants et les inquiétudes de leur mère, qui réclame une évaluation indépendante par l’association Alupse.
Pour La Voix des Survivant(e)s, cette décision illustre la lenteur des procédures et la prééminence persistante accordée aux droits parentaux, au détriment de la sécurité et du bien-être des enfants. L’association déplore également le manque d’écoute accordé à la parole des mineurs, même face à des éléments matériels d’une extrême gravité.
Un policier reconnu coupable d’agression sexuelle… toujours en fonction
Autre affaire révélatrice : celle d’un policier condamné en août 2025 pour agression sexuelle sur une femme, lors de la fête du vin Picadilly à Stadtbredimus.
Les faits, relatés par L’essentiel, RTL et Virgule, se sont produits en août 2024. L’homme, qui ne connaissait pas la victime, l’a saisie par le corps, les fesses et les parties génitales malgré sa résistance. Il n’a cessé son geste que lorsqu’un agent de sécurité est intervenu.
Reconnu coupable, il a écopé de 15 mois de prison avec sursis intégral, d’une amende de 5.000 euros et du versement de 3.000 euros de dommages et intérêts à la victime.
Mais selon la législation actuelle, cette condamnation ne lui fait pas perdre son statut de policier — la révocation n’étant prévue que pour des peines fermes d’au moins un an.
Un verdict jugé incompréhensible par La Voix des Survivant(e)s, qui dénonce le manque de fermeté de la justice face à des actes commis par un représentant de l’autorité publique. L’association rappelle qu’au-delà de la sanction, la crédibilité des institutions repose sur l’exemplarité.
Des réformes urgentes pour une justice réellement protectrice
Face à ces dérives, La Voix des Survivant(e)s appelle les autorités à passer des mots aux actes. Parmi ses principales revendications :
- La suspension automatique de l’autorité parentale et du droit de visite en cas de soupçon ou de condamnation pour violences sexuelles ;
- La suppression du sursis automatique pour les auteurs de violences sexuelles, afin de rétablir le caractère dissuasif et réparateur de la peine ;
- Le renforcement du dispositif d’accueil et d’accompagnement des victimes, fondé sur la centralisation, la pluridisciplinarité et l’écoute spécialisée ;
- Une prise en compte effective de l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que de la voix des victimes dans toute décision judiciaire.
L’association soutient également la recommandation de l’Ombudsman pour les droits de l’enfant, Charel Schmit, qui plaide pour une évaluation systématique des risques dans les affaires impliquant du matériel d’abus sexuel d’enfants.
Mettre fin à l’impunité, reconstruire la confiance
Ces deux affaires récentes ne sont, selon l’association, que la partie émergée d’un système défaillant.
« Tant que l’impunité perdurera, les victimes continueront de se sentir trahies par la justice censée les protéger », avertit La Voix des Survivant(e)s, qui appelle à une réforme de la loi claire, dissuasive et préventive.
L’enjeu est de taille : redonner confiance aux victimes, adultes comme mineures, et bâtir une société où la protection prévaut sur la complaisance.
Car comme le rappelle le collectif, « une justice qui protège les victimes, c’est une société qui se protège elle-même ».
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