Par Cadfael
Les campagnes de vaccination trainent. Ces lenteurs permettent l’émergence de questionnements pertinents, non résolus et politiquement dangereux.
Astra Zeneca, le mal aimé
« Le personnel médical et les soignants ne devraient pas être vaccinés avec le produit d’Astra Zeneca ». C’est ce que déclarait il y a quelques jours le très conservateur président de l’ordre mondial des médecins, Frank Ulrich Montgomery selon le journal financier allemand Handelsblatt du 16 février. Ce qui est en cause n’est pas la sécurité du vaccin, mais son taux d’efficacité. « Voilà la raison pour laquelle je pense qu’il est indispensable de vacciner le personnel médical avec des vaccins plus efficaces » il comprend le personnel médical refuse de se faire vacciner avec le vaccin d’Astra Zeneca. Et il rajoutait : « il doit y avoir une possibilité de choix afin que l’acceptation de se vacciner demeure élevée ».
Et de préciser : « Malheureusement ce vaccin a un problème d’image ce qui entraine ce sentiment d’insécurité que tout le monde voulait éviter ». En RFA les autorités ne recommandent ce vaccin uniquement pour des gens de moins de 65 ans. L’efficacité des vaccins de Moderna et de Biontech est respectivement de 94 et de 95% comparé à celui d’Astra Zeneca qui d’après une étude récente n’aurait un taux de d’efficacité que de 76% après la première injection et de 82 pour cet après la seconde.
Une nette progression des attitudes négatives
En Allemagne le refus de se vacciner grandit, malgré les déclarations rassurantes des politiques qui tentent de rassurer une opinion publique méfiante, mais rien n’y fait. On retrouve le même phénomène en Suisse, en Autriche et en France et probablement également chez nous, même si c’est de manière moins prononcée.
Ainsi, selon une étude Ipsos Global Advisor de l’année dernière, seuls 43 % des Russes et 53 % des Sud-Africains sont prêts à se faire vacciner. Arrivent ensuite le Japon (60 %), l’Italie et l’Espagne (62 %), puis l’Allemagne (65 %). À l’opposé, la Chine est en tête des pays où les personnes interrogées sont les plus enclines à se faire vacciner (80 %), devant le Brésil (78 %) et le Royaume-Uni (77 %). En RFA ce chiffre a baissé et actuellement seulement 59.5% de la population est prête à se faire vacciner.
Parmi les sceptiques 13.6 % seraient enclins à le faire s’ils avaient des réponses à leurs questionnements. Avec de telles attitudes, nous ne sommes pas prêts d’atteindre cette immunité collective tant recherchée. Selon une étude publiée en janvier par le magazine le Point, seuls 4 Français sur 10 seraient encore enclins à se faire vacciner. En octobre dernier ce furent encore 54%.
L’étude mondiale de la revue médicale « The Lancet » couvrant l’année 2020 montre qu’au Luxembourg à la question « je pense que les vaccins sont sûrs » ceux qui agréent et les sans avis se départagent moitié moitié. Ces attitudes risquent fort d’être amplifiées par l’apparition de souches mutantes du virus et les réponses actuelles données par les fabricants de vaccins.
Beaucoup de questions et peu de réponses
Un sondage fait entre le 18 janvier et le 2 février qui vient d’être publié, nous renseigne de manière plus approfondie sur ce malaise des citoyens qui aimeraient se faire vacciner, doutent et ne trouvent pas de réponses factuelles rassurantes. Il est le résultat d’une étude de la fondation « KENUP » en collaboration avec la « Banque européenne d’Investissement » et les « Académies Suisses des Sciences ». Elle constate que les résultats couvrent des tendances identiques en Suisse et en Autriche et sont proches de valeurs européennes. Il nous dit qu’en RFA pratiquement 29.6 % de la population est contre la vaccination. 84.2 % de ce groupe n’étaient pas opposés à une vaccination avant la pandémie. Cela fait 13.7 millions de nouveaux venus dans le monde de l’antivaccin.
69.3 % des sceptiques disent vouloir changer si les pouvoirs publics et sanitaires leur apportent des informations objectives. Parmi les trois points qui posent le plus problème, il y a en premier lieu la rapidité avec laquelle les vaccins ont été mis au point et approuvés. Cette question est manifestement la plus sensible. Le flou des réponses officielles a fait passer un certain nombre de personnes d’une attitude positive vers un questionnement qui s’est élargi aux éventuels dommages à long terme et aux conséquences sur la santé et in fine sur l’efficacité des vaccins.
L’étude constate d’ailleurs une certaine identité entre les anti vaccins à long terme et ceux qui nient depuis le début l’importance et les dangers de la pandémie. Une proportion importante des sceptiques se dit prête à se faire vacciner si on leur fournit les réponses à leurs questions. Au Royaume-Uni existe une adresse web officielle qui s’appelle « Coronavirus Yellow Card Reporting Site » qui permet aux citoyens de signaler des effets négatifs et de s’informer.
Un sujet éminemment politique
L’étude note parmi les opposants au vaccin que pratiquement 90% sont d’avis que la politique décide de choses qui les affectent, mais sur lesquelles elles n’ont aucune influence. En ce qui concerne l’appartenance politique des opposants au vaccin, ce sont en premier lieu en RFA et par ordre décroissant les populistes, les « libéraux » du FDP et les sympathisants de « Die Linke », parti dont les racines remontent au parti communiste d’Allemagne de l’Est et que certains analystes politiques considèrent comme des populistes de gauche. Cette ventilation est probablement proche des réalités politiques européennes.
Il faut se faire vacciner, sans aucun doute et sans aucune hésitation, nous le devons à nous-mêmes et à nos concitoyens. Il est également du devoir de nos dirigeants de répondre aux angoisses de leurs citoyens de manière factuelle et correcte et de leur laisser le choix. C’est comme le beurre au chocolat, on l’aime, mais certains le préfèrent sans huile de palme.