En cette année de 20e anniversaire de l’Université de Luxembourg, la question de la place des femmes dans l’enseignement, la recherche et les sciences de manière plus générale se pose plus que jamais. Mais les choses évoluent et des initiatives fortes et fédératrices sont en mouvement… Au sein de cet atout indéniable qu’est l’Université pour le rayonnement du Grand-Duché, les femmes sont en tout cas bien représentées dans le cycle de conférences exceptionnel proposé pour ce semestre scolaire forcément unique. Mais cette présence est-elle une tendance ou une évolution plus structurelle… ?

Par Fabien Rodrigues

Celle qui se définissait en août 2003, lorsque la loi portant sur sa création a été adoptée, comme une « start up académique » a aujourd’hui bien grandi ! Se voulant orientée sur la recherche, internationale et multilingue, on lui confie alors le rôle d’attirer des talents au Luxembourg et d’offrir des études supérieures dans des domaines d’intérêt pour le pays et la société en général. Vingt ans plus tard, l’institution publique est « restée fidèle à ses principes originels » comme elle le déclare, mais peut également se targuer d’être devenue une force vive du pays et un pôle d’excellence reconnu bien au-delà de ses frontières.

Au sein de ses trois campus, L’Université compte aujourd’hui quelque 6,000 étudiants, dont 1,000 doctorants auxquels s’ajoute un millier de participants aux formations continues. Au total, ce ne sont pas moins de 130 nationalités qui y sont représentées. La structure emploie plus de 2,400 personnes et son réseau de diplômés compte 14,000 alumni, qui travaillent au Luxembourg et à l’étranger. Sans oublier les réalisations de ses ambitions en matière de renommée, ses efforts plaçant l’Université de Luxembourg à une jolie 25e place mondiale dans le prestigieux classement des jeunes universités du Times Higher Education – une progression remarquable en quelques années puisqu’elle ne pointait qu’à la 193e place en 2015…  « Aujourd’hui, l’Université est au service du pays et est un partenaire stratégique qui aide le Luxembourg à façonner son avenir. Elle est aussi l’un des plus grands employeurs du Grand-Duché », résume ainsi le recteur Jens Kreisel sur le site de l’Université.

Un cycle de conférence ambitieux…et divers !

En cette année anniversaire qui marque également la nomination de son nouveau recteur Jens Kreisel, ancien vice-recteur pour la recherche et secondé entre autres par Catherine Léglu, vice-rectrice académique, l’Université de Luxembourg a décidé de mettre plus que jamais en lumière le travail de ses chercheuses et chercheurs grâce à un cycle de conférences publiques, gratuites, portant sur un large éventail de sujets de recherche et figurant un nombre peu anodin de femmes chercheuses parmi les « têtes d’affiche » de ce programme. Le tout dans une sélection de lieux variés à travers le pays. Rien qu’en ce mois d’octobre, ce sont trois conférencières expertes qui dévoileront le fruit de leurs recherches à cette occasion.

Ainsi, le 16 octobre à l’Abbaye de Neunünster, la doctorante Véronique Faber expliquera l’approche de son travail de recherche historique et sociale sur l’emblématique Schueberfouer et invitera le public à se plonger dans les années 1960 en visitant une foire des années 60, qui présentait alors des attractions bien différentes que celles qui nous sont familières aujourd’hui ! Un travail qui s’effectue dans la cadre du projet Popkult60 visant à approfondir l’histoire de la Schueberfouer durant la longue période des années 1960 et à mettre en évidence les imbrications nationales, transrégionales et transnationales ainsi que les transformations de cette manifestation populaire et identitaire du Grand-Duché, et dont les origines remontent à 1340…

Huit jours plus tard, le 24, le Dr Elisabeth Letellier présentera quant à elle au sein de la Faculté de Science, Technologie et Médecine où elle exerce, les avancées des recherches effectuées sur le cancer colorectal. Deuxième cause de décès liés au cancer dans le monde, le « CCR » semble toujours plus inquiétant, avec une incidence et une mortalité prévue en hausse dans les prochaines années par de nombreuses études. Au Luxembourg, et plus spécifiquement au sein du Département Sciences de la Vie et Médecine de l’Université, l’accent est tout particulièrement mis sur l’identification de nouveaux biomarqueurs ainsi que sur le développement de nouvelles thérapies.

Enfin, le 30 octobre à la Maison des Sciences humaines de Belval, la Professeure Djamila Aouada s’attaquera à la très actuelle Intelligence Artificielle (IA) dans une conférence se voulant comme une « invitation à embarquer pour un voyage à travers la vision d’un ordinateur alimentée par l’IA ». En parcourant des tâches telles que la reconnaissance d’images ou la détection d’objets, elle présentera des applications réelles, en soulignant les dernières réussites, mais aussi les défis techniques qui restent à résoudre ainsi que des questions importantes concernant les limites de l’IA, le respect de la vie privée et les considérations éthiques qui font couler beaucoup d’encre de nos jours ! Notons également en 2024 la plongée dans le monde quantique proposée par la Professeure Aurelia Chenu le 24 janvier ou encore la réflexion sur le futur de la robotique présentée le 29 février par le Dr Réka Markovich et qui viendra clore ce cycle varié et inclusif.

Plus loin encore grâce à la collaboration

Ainsi, même si les femmes sont loin d’être absentes de ce programme et donc, in extenso, de la recherche au Luxembourg, la promotion des sciences auprès du public féminin reste un aspect à stimuler encore et toujours. C’est entre autres le but d’une initiative générée par Research Luxembourg, entité collaborative formée par des professionnels.lles provenant de l’Université de Luxembourg, du Fonds national de la Recherche (FNR), du Luxembourg Institute of Health (LIH), du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) et du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST). Research Luxembourg a par exemple récemment publié une vidéo nommée « You’ve come to the right place » dans le but de promouvoir le secteur de la recherche et de l’innovation et d’attirer de nouveaux talents, dans laquelle nous suivons le parcours d’une jeune femme tout au long de la journée, métaphore de son un entretien d’embauche.

Mais la structure collaborative va encore plus loin, toujours par le biais de la vidéo, avec une nouvelle saison 2023 de la série « Women & Girls in Science », réalisée en collaboration avec le ministère de l’Égalité des chances (MEGA), qui présente des femmes inspirantes dans le domaine des sciences  dans le but d’encourager l’inclusion féminine dans les sciences et la recherche. Forte du succès d’une première saison en 2022 – avec un engagement remarquable sur les réseaux sociaux et plus de 215,000 vues sur Youtube – la campagne est donc de retour en 2023, toujours pour mettre en lumière le récit de diverses femmes scientifiques luxembourgeoises, leurs réalisations et leurs parcours personnels. L’objectif est lui aussi inchangé : donner aux femmes et aux jeunes filles les moyens de s’investir dans la recherche, de briser les barrières – et ce fameux « glass ceiling » encore perçu comme très présent dans le domaine ;  de faire fi des stéréotypes et de participer à la création d’un paysage scientifique plus inclusif, tout en célébrant le fait que la science est ouverte à tous…et à toutes !

Car il reste encore du travail en matière d’inclusion, notamment au Luxembourg et dans certains domaines comme l’ingénierie ou les computer sciences, pour lesquels le Grand-Duché se place parfois dans le bas du tableau européen. « Il est donc crucial de favoriser une communauté de recherche inclusive et innovante et il est du devoir de l’écosystème de recherche luxembourgeois d’abolir les barrières, de lutter contre les inégalités et les stéréotypes, d’atteindre les minorités et de rendre les sciences ouvertes et accessibles à tous, tout en célébrant toutes les formes de diversité, que l’on parle de disciplines, d’origines, d’âges ou encore de métiers possibles », affirme ainsi avec conviction l’équipe coordonnatrice du projet.

Un projet plein d’ambition puisqu’une 3e saison est déjà prévue et qu’il était nominé lors de la cinquième édition des Diversity Awards, organisés par IMS Luxembourg le 28 septembre dernier au Kinepolis Kirchberg. À l’heure où nous imprimons ces pages, nous ne connaissons pas le résultat final dans la catégorie « Communication, valeurs de l’organisation », mais il est à parier que peu importe le verdict du jury, le message parfaitement résumé par une des douze femmes mises en scène – Denisa Naidin, chercheuse en géographie économique au LISER – soit passé avec succès : « Comme je peux être une scientifique, une mère, une photographe et une randonneuse, vous pouvez être une microbiologiste et une artiste, une ingénieure et une danseuse, une spécialiste des fusées et une femme ! ».