Texte par CADFAEL

 Un déconfinement à risques

Le terme de déconfinement revient souvent ces derniers jours avec une inconnue majeure qui s’appelle Covid-19, ce virus aux effets pour le moins mal maîtrisés. Des inconnues comme immunisation, effets à long terme, transmission enfants-parents, deuxième et troisième vague (comme celle que Singapour vit en ce moment) font de ce micro organisme, un ennemi redoutable dont les experts s’accordent pour affirmer que nous n’en avons pas encore terminé avec lui. Comme le disait très récemment un médecin hospitalier, spécialisé en maladies internes et confronté quotidiennement au problème. « C’est une belle saloperie. Tous les jours on découvre une nouvelle facette »

En date du 19 avril le Dr. Van Kerkove, directrice des maladies émergentes à l’OMS déclarait que les tests sérologiques ne donnaient aucune preuve que des personnes ayant eu le Covid-19, soient immunisées et puissent de ce fait, retourner sans risques à leurs occupations professionnelles. De plus Marc Ryan, directeur exécutif à l’OMS demandait aux pays d’être prudents tout en précisant qu’il ne fallait pas sur base des résultats de ces tests conférer un statut aux personnes testées.

Virus, venin, poison

D’ailleurs virus vient du latin venin, poison, un poison non seulement pour le corps humain mais également pour nos sociétés. L’Union européenne aura du mal à réparer les dégâts du venin.
Dans certains pays le terme d’ « union » est devenu synonyme de trahison à en juger par les réactions en Italie et en Espagne qui ont vu des équipes russes et chinoises venir les soutenir, là où ils attendaient des européens.

Comme l’écrivait le site de Bloomberg en date du 20 avril, lorsque l’Italie était touchée par la pandémie, son gouvernement s’est tourné vers les partenaires européens. En réponse indirecte l’Allemagne et la France ont interdit l’exportation de matériel de protection et la française Christine Lagarde de la Banque Centrale Européenne leur a tourné le dos. La Commission européenne était aux abonnés absents, laissant les diverses capitales prendre les décisions qui leur semblaient bonnes sur le plan national. Les divers secours se négocient sur une base bilatérale, de pays à pays. Entretemps des promesses de financement ont été faites par Bruxelles et des excuses présentées, mais comme le souligne Bloomberg, le mal est fait et laisse de profondes blessures. Et de citer un sondage de ce mois où 59% des italiens interrogés disent que l’UE telle qu’elle se présente maintant ne fait pas de sens. Dans un autre sondage cité par Bloomberg, les italiens décrivent les chinois comme leurs amis. La moitié des sondés classe les allemands en ennemis.

S.O.S. Europe

L’Italie dans sa demande d’aide est rejointe par le Portugal, la France et l’Espagne qui suggèrent la mise en place d’un mécanisme de soutien financier européen, qu’on appelle Eurobonds ou Covid bonds. D’autres pays vont suivre même ceux englués dans des voies allant vers des régimes de type autoritaire.

Les Français qui sont enfouis dans une gestion de crise non seulement sanitaire mais également politique, ont tendance à se crisper sur des valeurs nationales. Les Hongrois, les Polonais et Grecs se voient confirmés dans leur politique de fermeture des frontières face au vide des instances bruxelloises.

En contraste l’Autriche et l’Allemagne, du fait d’une économie solide et d’un système sanitaire en excellent état avec une gestion décentralisée à large autonomie sous l’autorité des Länder s’en sortent très bien.
Le gouvernement de Berlin a rapidement mis en place pour son économie, une aide de mille milliards dont la plupart sous forme de garanties et deux cents milliards en aide directe. Le même type de politique est prévu en Autriche.

Mme Merkel n’est pas une adepte de la solution des Eurobonds, son collègue autrichien non plus. Il en va de même du hollandais M. Mark Rutte, premier ministre des Pays Bas qui s’est exprimé de manière peu diplomatique contre ce type de soutien. Le premier ministre hollandais a d’ailleurs envoyé son ministre des finances Wopke Hoekstra afin de bloquer toute demande de ce type. Celui- ci s’est fait traiter « d’agressif, d’ignorant et d’arrogant » par un membre espagnol du Parlement Européen. L’ambiance n’est guère paisible dans les limbes européennes.

Covid-19, la voie royale vers les populismes ?

Matteo Salvini, ancien vice Premier ministre, représentant d’une droite populiste et autoritaire, rassemble sur son parti 30% des d’intentions de vote, dans un pays où la grande majorité des électeurs garde toujours sa confiance dans la coalition gouvernementale de l’indépendant Guisseppe Conte, qui réclame un soutien massif de l’Union Européenne. Salvini se fera un plaisir de capitaliser des voix sur les faiblesses de Bruxelles. Il a commenté récemment en disant que « l’Europe n’est pas une union mais un nid de serpents et de chacals. D’abord nous vaincrons le virus et ensuite nous repenserons l’Europe. Si cela peut aider nous dirons au-revoir mais pas merci. » Les membres de l’Union Européenne, réunis à Bruxelles ce jeudi décideront ou non de casser cet engrenage infernal en activant un mécanisme de type Eurobonds ou pas, la survie de l’Europe des traités de Rome est à ce prix. En tout cas le déconfinement n’est pas à l’ordre du jour en Italie comme l’a annoncé le Premier ministre, de nouveaux cas prolifèrent dans toute l’Italie.

Une solidarité intelligente émergera-t-elle ?

Comme le regrettait publiquement notre Premier Ministre dans l’une de ses dernières conférences de presse, « tous les efforts faits pour trouver une voie commune ont échoué » face aux politiques des égoïsmes nationaux.

Afin de remettre l’Union Européenne sur la voie qu’elle ne devrait jamais avoir quittée, le 9 avril le président du DWI, (Deutsches Wirtschafts Institut), dans un blog très commenté, regrettait l’absence de toute politique coordonnée et soulignait le coût énorme en vies humaines du cloisonnement européen. Il considère la libération de fonds européens de soutien comme un pas fondamental vers une nouvelle politique commune tout en notant que cela ne suffira pas une relance des économie européennes.

Il souligne les responsabilités de l’Allemagne dans la reconstruction de l’Europe et indique qu’une marche en solitaire ne peut pas fonctionner. Il convient aux nations fortes, d’insuffler une nouvelle dynamique par la reconstruction. Celle-ci pourrait en partie provenir d’un mécanisme de type Eurobonds.

Cela constituerait un fondement à une stabilisation à long terme de l’économie européenne en permettant aux unités les plus fragiles d’avoir accès à des financements au même coût que les économies fortes. Et de conclure que le tout devra être, accompagné de mesures rapides et à court terme permettant d’éviter aux populations, le spectre du chômage de masse afin de retourner à une croissance économique. Une solidarité intelligente est la seule manière de s’en sortir au prix d’un endettement à long terme maîtrisable afin d’éviter une catastrophe majeure.

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