Passer une soirée avec Tessa, une jeune et brillante avocate, ça vous dirait ? C’est ce que nous offre actuellement le Théâtre du Centaure avec la pièce « Prima Facie » de la dramaturge australo-britannique Suzie Miller, nous racontant l’itinéraire, ou plutôt le chemin semé d’embûches rencontré par Tessa…
Texte : Karin Santer / Photos : Bohumil Kostohryz
Cette jeune femme, issue d’un milieu modeste, va réussir à gravir tous les échelons pour accéder à la meilleure université, celle de Cambridge, afin d’étudier son droit et devenir un ténor du barreau de Londres dont la spécialité est de défendre des hommes accusés d’agressions sexuelles en tous genres.
Cette redoutable pénaliste apprend à connaître très vite tous les ressorts du métier, la conduisant à gagner toutes ses affaires, menant les interrogatoires et les enquêtes à la baguette, en réussissant à déstabiliser voire à discréditer les victimes, sans pourtant ne jamais poser de questions à ses clients…C’est la règle !
C’est une battante, une gagnante à qui tout réussit jusqu’au jour où… tout va basculer…
Commence alors le combat de Tessa qui, connaissant le système judiciaire et son fonctionnement sur le bout des doigts, va pouvoir constater à ses dépens, que les lois établies il y a des siècles par les hommes, leur sont largement favorables…
Elle ne va pourtant rien lâcher, se débattant pour faire valoir ses droits.
Cette pièce puissante et haletante, sous forme de monologue, est portée par Céline Camara, dont l’interprétation est époustouflante et magistrale.
Dans cette pièce dense et émouvante, traitant d’un sujet plus que d’actualité, la talentueuse comédienne n’a pas peur de se lancer dans un puissant plaidoyer pendant une heure trente, nous tenant ainsi en haleine, et réalise une performance aussi difficile qu’incroyable, montrant que l’on peut à la fois réussir et devenir une des plus grandes avocates de Londres pour, en pleine ascension, chuter et se retrouver à la place de celles qu’elle parvenait avec une aisance désarmante et déconcertante à décribiliser sans aucun scrupule !
Dans une mise en scène toute en finesse, épurée et subtile de Marja-Leena Junker, assistée d’Antoine de Saint Phalle, l’actrice, vêtue d’un costume masculin ou de sa robe d’avocate, est éclatante dans un décor sobre, composé d’étagères métalliques surchargées de dossiers, démontrant ainsi l’avocate sollicitée, ne sachant plus ou donner de la tête… Etagères qui, vidées des dossiers, vont devenir son refuge suite à un évènement inattendu…
La scénographie de Laurent Peckels et le jeu de lumières d’Antoine Colla l’encadrent avec précision, passant de l’éclat à l’ombre en fonction de l’itinéraire de Tessa…
Une magnifique et percutante pièce qui pousse le spectateur à s’interroger sur les fondements de cette machine judiciaire dans le cadre des affaires d’agressions sexuelles et de viols… qui pousse à réfléchir sur la question du ou des consentements afin de faire évoluer ce système en faveur des victimes…
Car ce système, rappelons-le, a été écrit il y a des siècles et est encore totalement marqué par le patriarcat !
- Une pièce à voir absolument qui sera encore jouée les 08 et 18 mai à 18h30 heures ainsi que les 6, 7, 13, 16, et 17 mai à 20h00 heures.