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Texte par Cadfael

La perte de recettes force de nombreuses institutions muséales à avoir recours à des solutions qui ne sont pas du goût de tout le monde.

Michelangelo victime du virus ?

Au royaume de sa gracieuse majesté, la question était devenue publique et brûlante à la fin de l’année dernière :  la « Royal Academy of Arts » pouvait-elle vendre son Michelangelo pour couvrir ses dépenses ? Face à l’urgence de la situation, l’académie avait besoin de 8 millions de livres afin de ne pas mettre au chômage 150 personnes hautement qualifiées. Évaluée à quelques 150 millions de livres, cette œuvre créée par Michelangelo Buonarroti il y a plus de cinq siècles, avait été offerte en 1829 à l’académie royale afin qu’elle serve d’objet d’études à ses étudiants. Institution privée dont les entrées des visiteurs et les dons composent ses principales ressources, l’académie dispose d’une certaine liberté d’agir. Face au tollé et aux jeux d’influence, la question est momentanément passée aux oubliettes.

Pour la petite histoire, la villa de Michelangelo Buonarroti acquise en Toscane en 1549 et ayant appartenu à la famille jusqu’en 1867, était en vente début 2018 pour un montant légèrement supérieur à 9 millions de dollars, avec le certificat d’acquisition original signé par l’artiste !

Les Anglais tiennent à leur patrimoine

La cession d’œuvres relevant du domaine public, directement ou indirectement, est un sujet extrêmement sensible au Royaume-Uni. En 2014, la ville de Northampton avait mis en vente une statue égyptienne de 75 cm de haut, de la cinquième dynastie (2494-2345 avant JC) afin de rassembler les fonds pour construire une aile supplémentaire au musée. Malgré des pressions de toutes parts ainsi que l’intervention du ministère égyptien des antiquités, elle a été adjugée à un prix record pour 15,76 millions de livres chez Christie’s à un collectionneur privé et n’a jamais plus été revue depuis. La part revenant au musée était de 8 millions de livres.

Le musée a été lourdement sanctionné par les instances nationales et éjecté de l’Association Nationale des Musées pour mauvaise gestion de ses collections. De ce fait, il a perdu son accréditation au « Arts Council of England » et l’a coupé de toutes subventions futures pour une période de 5 ans.

Israël ne lâche pas ses œuvres

La Haute Cour de Justice israélienne a stoppé in extremis en novembre dernier, la vente d’un lot d’artefacts islamiques de grande valeur qui devait passer sous le marteau de Sotheby’s en provenance du L.A. Meyer Museum d’Art Islamique après avoir provoqué l’ire publique. La vente était destinée à couvrir les pertes dues au Covid. Selon la loi israélienne, est antiquité tout ce qui est produit après l’an 1700. Une antiquité est soumise aux lois draconiennes d’exportation. Les frais de 200.000 livres pour l’annulation de la vente facturés par Sotheby’s s’ajouteront au déficit du musée.

Cranach, Corot, Courbet

Le Brooklyn Museum, considéré comme l’un des plus grands musées encyclopédiques, a mis en vente à la fin de l’année dernière une douzaine d’œuvres dont un Cranach, un Corot et un Courbet. Les sommes recueillies sont destinées à être placées dans un fonds utilisé pour couvrir les frais de stockage, de restauration, de conservation et éventuellement aux paiements des salaires.

Aux Etats-Unis, on appelle cette activité, une « désaccession » d’œuvres d’arts, qui suit une certaine tradition. Avant la pandémie, il n’était pas rare que les grands musées vendent aux enchères des biens dans le cadre d’une stratégie d’achat rigoureuse de nouvelles œuvres. Avec la Covid, cette situation a changé et s’est transformée en un acte de survie contrôlé par la très puissante « Association des directeurs de musées d’art » qui condamnait jusqu’à présent toutes ventes destinées à payer « des factures d’électricité ». Cette position s’est libéralisée pour les deux prochaines années selon The Art Newspaper afin de permettre une certaine flexibilité financière aux musées.

Les solutions du musée Rodin

L’année dernière, le musée Rodin à Paris a dû procéder à la réalisation d’une réplique d’une des œuvres du sculpteur à des fins de vente. En effet, puisque sur les 500 000 visiteurs annuels, plus de 70% viennent de l’étranger, cette ressource s’est tarie et le musée Rodin étant une institution privée, ce dernier n’est pas éligible à l’aide directe issue des 614 millions promis par le président Macron.

En France, l’état est propriétaire de tout

En France, la situation est régie par la loi de 2002 et la loi sur les musées qui rend les œuvres d’art des collections publiques inaliénables. L’État est en propriétaire et non les musées, excepté pour les institutions privés. La politique est tout aussi stricte en Allemagne. En 2015, un rapport de l’Assemblée nationale défendait la vente limitée de certaines œuvres d’art entassées dans les réserves de l’État, souvent mal conservées et insuffisamment sécurisées faute de moyens. Les réserves inondables du Louvre contiendraient ainsi 250 000 œuvres, dont « la Venus du Pardo » de Titien, comme le notifiait le rapport. Ce tableau de quatre mètres sur deux aura voyagé de Venise où il a été peint, en passant par Madrid, où le roi était son premier propriétaire, lui qui a longtemps oublié de le payer au Titien. Ensuite, le tableau passe à la cour anglaise pour être enfin acheté en 1649 par Mazarin et atterrir dans les réserves du Louvre pour y attendre une restauration de 14 ans qui permettra de le rendre visible au public en 2016.

En 2020 le marché de l’art mondial pesait quelques 50.1 milliards de dollars, une baisse de 22% par rapport à 2019. Un tiers va au marché chinois, les Etats-Unis gardant une position de leader. Malgré ces montants colossaux certains musées se battent pour survivre afin de présenter leurs pièces à un grand public et les artistes souffrent misère dans la plupart des pays du fait d’une politique inadaptée de soutien de la main publique.

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