Tandis que Poutine joue au chat et à la souris MAGA, sa grandeur protégée de dieu rêve de conquêtes territoriales sous des prétextes les plus divers. L’un de ses objectifs est le Groenland. En attendant il détruit la confiance de ses alliés dans les Etats Unis.

Rédaction : Cadfael

Le monde vu comme un supermarché

Lancé sur une trajectoire néo-impériale, Trump persiste dans sa volonté d’empocher le Groenland, « pour des raisons de sécurité internationale » et surtout pour les richesses que recèle son sous-sol. Ce territoire autonome fait partie du royaume du Danemark depuis 1721 : la justice, la politique monétaire, les affaires étrangères, la défense et la sécurité sont gérées par Copenhague. Que le Danemark soit membre fondateur de l’OTAN, en principe un allié, semble oublié. L’île verrouille un espace maritime stratégique comprenant l’Islande, les îles Féroé et le Royaume-Uni, et constitue un passage obligé de la mer de Norvège vers l’Atlantique Nord. Cette voie logistique et marchande est vitale aux économies des États-Unis et des pays de l’OTAN. Alors, Copenhague dit non, mais se déclare prêt au dialogue. Comme le souligne une historienne danoise à la télévision suisse : « Pendant la guerre, quand le Danemark était occupé par l’Allemagne, les États-Unis se sont saisis du Groenland. D’une certaine manière, ils ne l’ont jamais quitté. » En maintenant une présence militaire sur les îles danoises, ils ont même offert 100 millions de dollars en or pour l’achat du Groenland en 1946. Washington fera des propositions analogues en 1955, 2019 et maintenant, sous-tendues de menaces.

Un doute se lève

En 2008, avec l’annexion d’une partie de la Géorgie, et plus encore en 2022, les classes politiques des pays de l’OTAN auraient dû comprendre où se situe l’ennemi et quelles sont ses ambitions. Depuis peu, la question de savoir quels sont les membres fiables de l’OTAN semble avoir trouvé une réponse. Dans ce contexte, le Groenland, porte d’accès à l’Atlantique Nord, a retrouvé un intérêt stratégique majeur.

Les moyens de surveillance aérienne, terrestre et maritime sont en cours de renforcement, tout comme les dispositifs de contrôle et de lutte anti-sous-marine, afin d’assurer un monitoring efficace des activités russes et chinoises dans la région. Dans un climat de méfiance croissante à l’égard de l’allié américain, les flottes militaires des membres du Conseil de l’Arctique — un organe de coopération — deviennent essentielles pour limiter la zone d’influence russe.

Selon Statista, en 2025, les marines militaires les plus importantes de l’OTAN en dehors des États-Unis seront, par ordre décroissant : celles de la Suède, de la Finlande, de l’Italie, du Portugal, de la Grèce, de la Turquie, de l’Espagne, de la France et du Royaume-Uni. Face aux ambitions de Poutine, un réarmement sans précédent est en cours.

Une terre suscitant des convoitises

En 2019, les États-Unis signaient un mémorandum concernant l’exploitation des ressources naturelles. Les Européens suivaient en 2023 avec un accord de collaboration. Les sols groenlandais sont extrêmement bien cartographiés, ce qui a permis d’établir une carte détaillée des ressources. Bruxelles a ainsi identifié 25 des 34 minéraux figurant sur sa liste officielle des matières premières essentielles, y compris les terres rares.

Une tentative de la Chine de prendre le contrôle de la plus grande mine de fer de l’île a été bloquée en 2021. Aujourd’hui, Pékin tente une opération similaire en prenant une participation dans une société australienne exploitant le plus grand gisement de métaux rares. La Chine importe également pour 350 millions de dollars de poisson du Groenland chaque année. Parmi les accords de coopération scientifique, on note l’ouverture, en 2023, d’une représentation officielle du Groenland à Pékin.

Malgré tout, l’attitude de la Chine reste prudente, même si la signature, en 2022, d’un accord avec la Russie portant sur la coopération maritime dans les routes du Grand Nord suscite des interrogations. Ces routes étaient jusqu’alors considérées comme relevant exclusivement des prérogatives souveraines russes. Il en va de même d’un accord de coopération signé entre les garde-côtes russes et chinois, qui renforce le potentiel d’activités militaires dans l’Arctique.

Pour l’Europe, confrontée à ces enjeux cruciaux, la géopolitique de l’Arctique reste une terre inconnue. Les experts notent une fois de plus l’absence d’une stratégie claire, même si les relations avec les pays nordiques sont bonnes. Cela semble se limiter à une sécurisation des routes de transport maritime et au règlement de problèmes liés aux quotas de pêche, tout en gardant un œil attentif sur l’exploitation minière et les terres rares.

La présence de l’Inde dans le jeu arctique est récente. Avec ses ambitions mondiales, elle a communiqué en mars 2022 sur ses objectifs dans la région. Pour l’instant, cela se limite à de multiples partenariats scientifiques. Son engagement futur devra être analysé à la lumière de l’évolution des rapports de force dans la région, avec, à l’instar des États-Unis, une attention particulière portée à la Chine.

Et les natifs

Occupant l’île depuis près de deux millénaires, les Inuits du Groenland ont connu une tutelle danoise marquée par des hauts et des bas. Cette communauté, forte d’environ 60 000 personnes, est bien consciente qu’elle est assise sur d’immenses richesses minérales. Une éventuelle exploitation de ces ressources aurait un impact significatif sur leur mode de vie traditionnel, fondé sur la pêche et la chasse.

Les sirènes chinoises — et autres puissances — pousseront sans doute le Danemark à repenser encore davantage son approche vis-à-vis des premiers habitants de l’île. Dans un sondage de février de cette année, 85 % des natifs ont déclaré ne pas vouloir faire partie des États-Unis, l’offre de Trump étant perçue comme une menace directe.

Cela n’empêche pas, cette semaine, l’épouse du numéro deux américain, accompagnée d’une délégation, d’effectuer une visite au Groenland pour assister à une course de traîneaux à chiens et « célébrer la culture et l’unité du Groenland ». Une initiative à relativiser, d’autant que son mari venait tout juste de déclarer au journal britannique The Independent que Trump se moquait de l’opinion des natifs.

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