Le restaurant du petit ami d’Emily in Paris, l’école Poudlard de Harry Potter près de Londres, la capitale du royaume des Sept Couronnes de Game of Thrones à Dubrovnik : le tourisme des lieux de tournages de séries s’est développé de façon exponentielle ces dernières années. Un phénomène qui va de pair avec la multiplication des diffusions sur des plateformes audiovisuelles.

À Paris, Julia Kabalkin, 15 ans, a les yeux grand ouverts devant le restaurant Terra Nova dans le 5e arrondissement, lieu de tournage de la série Emily in Paris. Arrivée le matin même de Chicago, elle découvre la capitale française pour la première fois et vient de se prendre en photo devant la porte de l’immeuble où vit l’héroïne de sa série favorite.

“Je lui ai fait la surprise de ce tour. Elle ne savait pas”, explique sa grand-mère, Robin Golden qui l’accompagne et n’a pas vu la série au succès international racontant les aventures d’une jeune Américaine à Paris.

Depuis un an, Fabien Buonavia propose ce tour sur les traces d’Emily, d’une durée de deux à trois heures, ponctué d’anecdotes historiques sur Paris, “parce que si c’est juste voir les lieux de tournage, ils peuvent le faire eux-mêmes”, selon lui. Le jeune homme a eu cette idée parce qu’il avait lui-même “fait le tour Sex and the City à New-York”.

Selon une étude de l’organisation mondiale du tourisme (OMT) menée avec la plateforme Netflix, le nombre de voyageurs choisissant des destinations en lien avec des films et des émissions de télévision a doublé au cours des cinq années avant la pandémie, pour atteindre près de 80 millions de personnes en 2019.

Le film Crocodile Dundee avait fait augmenter les visas touristiques pour l’Australie de 40% entre 1984 et 1989, explique le rapport publié en octobre. Entre 2000 et 2006, la trilogie du Seigneur des Anneaux avait fait grimper de 40% les visites annuelles en Nouvelle-Zélande. Et de 2011 à 2013, la série Harry Potter a dopé de 230% le nombre de visiteurs sur les sites de tournage, permettant d’injecter 9 millions de livres sterling (9,96 millions d’euros) supplémentaires dans l’économie du comté de Northumberland (nord de l’Angleterre).

Revers de la médaille

Ces dernières années, les voyages moins chers combinés à la multiplication des plateformes (Netflix, Amazon Prime Vidéo, Disney Plus…) donnant une visibilité mondiale aux séries et films ont amplifié le phénomène.

À Paris, en plus des deux Américaines, Fabien Buonavia comptait ce jour-là dans son groupe, deux autres Américains, une Australienne et deux Coréennes. L’une d’elles, Choonae Kim, 47 ans, en transit entre Cuba et Séoul a choisi de s’arrêter à Paris plutôt qu’à Londres “pour le tour Emily in Paris“. Guide touristique, elle pourrait s’en inspirer de retour chez elle.

À Londres, la magie Harry Potter agit toujours. Delphine Dugué, 39 ans, s’est rendue spécialement aux studios situés à 1H30 de la capitale anglaise lors du week-end de l’Ascension, pour les 10 ans de son fils Valentin. Un cadeau reporté depuis deux ans pour cause de pandémie.

“Il est fan. Entre neuf et dix ans, il a lu tous les tomes et après il a regardé les films”, raconte-t-elle, satisfaite de la visite : “la banque de Gringotts, on a l’impression d’être dedans, on est dans le film !”.

Son compagnon Steven et sa fille Anna de 8 ans n’ont pas eu cette chance, les tarifs (94 livres le billet, 110 euros) étant trop élevés, ils sont restés à Londres.

C’est la première fois que Delphine Dugué faisait du tourisme audiovisuel. “Quoique, l’été dernier en Camargue, on a attendu devant le portail de la série Ici tout commence pour voir les acteurs”, reconnaît-elle.

Face au succès du tourisme audivisuel, l’OMT met en garde contre le revers de la médaille, la trop forte affluence. Comme à Maya Bay en Thaïlande, destination popularisée par le film La Plage qui a dû fermer un temps pour protéger son écosystème. Ou comme à Dubrovnik, en Croatie, submergée par les fans de Game of Thrones rejouant la “marche de la honte” dans les étroites rues de la ville.