Le 26 septembre dernier, la Commission Fédérale du Commerce américaine (Federal Trade Commission américaine – FTC) ainsi que les procureurs généraux de 17 états américains se sont associés pour introduire une plainte contre le géant Amazon sur base d’abus de position dominante.
Par Cadfael
L’amazone qui n’a pas peur du géant
Créée par le président Woodrow Wilson en 1914, la FTC est une agence fédérale chargée de la défense des consommateurs contre des pratiques commerciales illégales et des distorsions de la concurrence. Après des années d’enquête concernant les divers domaines d’activité d’Amazon, la très médiatique Mme Lina Khan, présidente de la FTC, a informé qu’Amazon a violé les lois, non pas par sa taille, mais parce qu’elle a appliqué une politique d’exclusion visant à empêcher toute croissance de ses concurrents tout en bloquant l’émergence de nouveaux concurrents.
« Notre plainte concerne la manière dont Amazon a appliqué toute une gamme de tactiques punitives et coercitives afin de préserver son monopole […] et de s’enrichir en gonflant les prix et en dégradant ses services au détriment de dizaines de millions de familles américaines qui y font des achats et de centaines de milliers d’entreprises qui ont besoin de cette plateforme pour atteindre leurs clients. » A-t-elle déclaré. Mme Khan était précédemment professeur de droit associé à la Columbia Law school. Etudiante à Yale elle s’est fait connaître par ses travaux sur les lois anti-trust, son étude traitait déjà d’Amazon.
Trop gros pour un recadrage ?
L’objectif de la FTC selon Khan n’est pas de démanteler la méga structure d’e-commerce, mais d’interdire à Amazon ses pratiques illégales et à neutraliser « son contrôle monopolistique du marché afin de restaurer une concurrence ». Il s’agit de « rendre Amazon, responsable pour ses pratiques, et de retrouver la promesse perdue d’une concurrence libre et équitable ». La plainte vise la politique des frais élevés appliqués aux commerçants tiers, la baisse de la qualité des services prestés tant aux commerçants tiers qu’aux clients, les algorithmes de recherche qui privilégient les produits Amazon, même de moindre qualité, et la difficulté d’échapper à « Amazon Prime » ou de résilier un abonnement. Aux États-Unis où Amazon n’est pas loin de contrôler 40 % du marché, les coûts qu’Amazon facture à ses marchands associés sont passés de 19 % en 2014 à 35 % en 2020.
En 2022, le géant contrôlait 13% du marché mondial, générant un revenu de 514 milliards de dollars, dont 31 milliards en revenus publicitaires. Presque un quart de ses produits vendus le sont par des vendeurs tiers qui, en Europe, représentent 1,4 million d’entreprises. Avec 1.6 million d’employés dans le monde, la multinationale désert 310 millions de clients et gère 2300 plateformes de distribution. En France elle posséderait une part de marché de 22 %.
Être au-dessus des lois se gère
En mai dernier, Amazon a conclu un accord avec la justice américaine afin d’échapper à une condamnation. En payant une amende civile de 25 millions de dollars, le groupe a réglé une plainte concernant Alexa et une tromperie vis-à-vis des parents à qui Amazon avait promis d’effacer toutes les données concernant leurs enfants. Alexa, c’est ce mouchard qui exécute vos ordres sur commande vocale et qui en même temps enregistre tout. Et ce n’est probablement pas terminé ! Amazon a investi 4 milliards dans une participation minoritaire dans « Anthropic », une start-up spécialisée en intelligence artificielle des grands modèles linguistiques visant à produire des solutions-réponses couvrant autant de domaines que possible. Le produit « Anthropic » serait capable de dialogues sophistiqués, de raisonnements complexes et d’instructions détaillées créant une Alexa 2.0. La démarche de la FTC devrait donner à réfléchir aux responsables européens. On peut légitimement se poser la question si le corpus légal de Bruxelles est à la hauteur des capacités collatérales de nuisance des méga groupes.