L´été est une période détestable pour nos amis les quadrupèdes qui sont abandonnés par centaines de milliers en Europe
Par Cadfael
Spot est un chien très particulier, impressionnant lorsque l’on le voit se mouvoir. Il vous en coutera 74.500 dollars pour en devenir propriétaire sans oublier les 8000 dollars en pièces de rechange et d’accessoires. A cela il convient de rajouter 19.800 dollars, le prix d’une assurance maintenance pour un an. Une fois commandé il sera livré dans un délai de 6 a 8 semaines. Spot, le chien robot, est fabriqué par la société américaine « Boston Dynamics ». Selon la presse spécialisée Boston Dynamics est une firme qui aurait bénéficié de grosses subventions en matière de recherche issus de fonds de la défense américaine. La société qui appartenait initialement a la maison mère de Google, Alphabet, a été revendue à « Softbank » conglomérat japonais investissant dans les technologies de pointe qui vient de céder une participation majoritaire de Boston Dynamics (80%) à « Hyundai Motor Company » pour un montant de 880 millions de dollars.
D’après ses concepteurs Spot est un robot pacifique, une plateforme qui peut servir à des fins multiples. Contrôlé par des humains elle a le potentiel d’agir de manière autonome sous condition d’être équipée de modules d’intelligence artificielle ad hoc. Le robot fait ce qu’on lui demande de faire, ni plus ni moins. Ses atouts majeurs sont de pouvoir grimper intuitivement des marches ou de maitriser des obstacles en terrain difficile. Pour le reste ses propriétaires peuvent l’équiper de caméras, senseurs et modules de toutes sortes. D’après ses concepteurs il y aurait actuellement 500 Spots de par le monde. Ils seraient utilisés pour inspecter des sites de construction, des exploitations minières, des usines ou des zones de haute tension électrique. Toujours d’après Boston Dynamics l’atout majeur de Spot est de préserver l’être humain face aux risques. La firme précise que dans le cadre de ses règles éthiques Spot n’est pas armé.
Il en va tout autrement de leur concurrent Ghost Robotics. Leurs cibles sont clairement affichées : les marchés tant civils que militaires. Leur chien mécanisé devient un véhicule à technologie duale, doté des logiciels adaptés et tactiquement utilisable tant sur des champs de bataille que sur des sites civils.
Les droits citoyens individuels menacés.
Le cœur du problème est le potentiel de militarisation des chiens robot.
La capitale de l’état d’Hawaï, Honolulu en a fait les frais. Cet État américain du Pacifique qui est la terre natale du président Obama, a testé certaines caractéristiques de Spot à savoir celles de pouvoir scanner les locataires d’un home étatique pour SDF sur l’île. Cette solution qui semble intéressante a soulevé selon la presse américaine du 30 juillet un certain nombre de points d’éthique qui méritent que l’on s’y attache.
Dans un contexte de tensions raciales, l’association américaine des libertés civiles thématise ce traitement à deux niveaux en demandant si le fait d’être sans domicile fixe autorise de se faire scanner les yeux et mesurer la température de manière déshumanisée, c’est-à-dire par un robot. Spot est également utilisé pour interroger à distance les SDF testés positifs. Cerise sur le gâteau, les 150.000 dollars investis par la police de Honolulu ont été pris sur la ligne budgétaire destinée à des actions sanitaires en matière pandémie. Cette dernière information a tordu le cou au projet. La police de New York a également dû stopper l’utilisation de Spot rebaptisé « digidog » pour des motifs liés à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes. Un sénateur démocrate a conclu en avril que « cette stratégie à la Robocop était idiote ».
Un espace juridique en risque ?
Spot et ses camarades sont le symbole des nouveaux espaces que le législateur doit anticiper car ils sont potentiellement générateurs d’effets pervers sur les droits de l’homme et les libertés citoyennes. L’introduction d’outils automatisés militaires et de maintien de l’ordre dans les sociétés civiles fait que les défenseurs des droits et les jurisconsultes se penchent sur ces outils, résultats du génie humain. Ils s’interrogent sur les risques entrainés par ses machines qui, munies d’algorithmes d’aides à la prise de décision, décideront de la vie et de la mort et pourront éventuellement agir de manière totalement autonome.
Démocratie et algorithmes, une collision évitable ?
La robotisation et l’utilisation d’Intelligence artificielle ouvrent des marchés colossaux et vont progresser. Ils seront invasifs des périmètres de la société civile et concerneront les droits et libertés individuelles. Dans une contribution très remarquée sur « ZD net » du 3 août dernier il est question d’une déclaration du Pentagone qui affirme tester des algorithmes qui anticipent les actions de la partie adverse, algorithmes que des armées européennes testent depuis quelques années. Très souvent les technologies militaires se retrouvent et dans le civil et dans les domaines touchant à la sécurité interne. L’application de ce type d’algorithme au monde de la démocratie politique est plus que questionnable. Est-ce encore évitable ?
Dans une très récente contribution de la « Brookings institution », think tank américain libéral fondé en 1916, il est demandé au président Biden d’interdire « l’informatique affective » qui emploie des algorithmes analysant le langage du corps, du visage, de la voix et de l’état d’esprit. Il y est souligné que les forces de l’ordre commencent à les tester en vue de détecter des comportements illégaux. D’après l’auteur ces technologie recèlent une menace énorme pour les droits et libertés civiles.
Toujours est-il que Spot est utilisé avec satisfaction par la police hollandaise. Il a été mis à contribution pour sur un site où un laboratoire de fabrication de drogues avait explosé afin de sécuriser le terrain.
Toujours est-il également que « Revelock » société espagnole utilisant des algorithmes de biométrie comportementale et prédictive permettant selon eux d’anticiper des fraudes financières vient d’être acquise par « Fedzai », structure californienne active dans 190 pays, qui devient le réseau le plus puissant à proposer des services de biométrie prédictive anti-fraude.
Comme quoi la peau de chagrin existe : notre espace privé.