Les dirigeants européens poursuivent leurs discussions dans l’espoir de trouver un accord sur un plan de relance post-coronavirus, au quatrième jour d’un sommet laborieux, marqué par une grande tension et de profondes dissensions.
Après une journée complète de discussions dimanche, puis une longue nuit d’échanges, la session entre les 27 dirigeants de l’UE a été suspendue à 6 heures. Elle reprendra à 16 heures aujourd’hui, lundi 20 juillet.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, médiateur du sommet, doit présenter un nouveau projet de compromis aux capitales. De source concordantes, il devrait proposer de revoir à la baisse la part de subventions dans le plan de relance à 750 milliards d’euros: 390 milliards, contre 500 milliards dans la proposition initiale. Le reste serait constitué de prêts.
Il s’agit d’un nouveau pas en direction des pays dits “frugaux” (Pays-Bas, Suède, Danemark, Autriche) et de la Finlande, qui bloquent tout accord depuis le début du sommet vendredi. “Des négociations difficiles viennent de s’achever et nous pouvons être très satisfaits du résultat d’aujourd’hui”, a twitté le chancelier autrichien Sebastian Kurz à la levée de la séance.
“Il y a désormais une piste d’accord”, a affirmé une source diplomatique.
Selon une source française, “le couple franco-allemand a tout fait pour amener les plus réticents autour de 400 milliards” d’euros de subventions, qui constituaient jusqu’alors leur ligne rouge. Les frugaux n’étaient, à l’inverse, pas disposés à aller au-delà de 350 milliards de subventions, selon une source européenne.
“Passe très dure”
La journée de dimanche a été marquée par la prise de parole, au dîner, du président français Emmanuel Macron, qui est sorti de ses gonds pour dénoncer la mauvaise volonté et les “incohérences” des frugaux, selon des sources concordantes. Il a fustigé le comportement de Sebastian Kurz, lorsque ce dernier a subitement quitté la table pour prendre un appel téléphonique. Selon une source européenne, l’Autrichien s’est senti “offensé” par la remarque.
Le Français a aussi comparé le Néerlandais Mark Rutte à l’ex-Premier ministre britannique David Cameron, adepte lui aussi d’une ligne dure lors des sommets européens, soulignant que “ce genre de positionnement finissait mal”. Le conservateur avait fini par perdre le référendum sur le Brexit.
Emmanuel Macron a aussi rappelé aux 27 que c’était la France et l’Allemagne qui allaient “payer ce plan”, dans “l’intérêt de l’Europe, quand les frugaux ne font aucune concession”, a rapporté une source proche des discussions. “Il y a eu une passe très dure. Le Président français, suivi par la chancelière allemande Angela Merkel a tapé du poing sur la table”, a-t-on indiqué de source française.
Au moment où une récession historique frappe l’Europe, les réticences des frugaux menacent de faire capoter un plan massif de soutien à l’économie, qui profiterait avant tout aux pays du Sud comme l’Italie et l’Espagne, les plus touchés par l’épidémie.
“Europe faible”
Sur la table des négociations, un fonds constitué par une capacité d’emprunt de 750 milliards d’euros pour relancer l’économie européenne, adossé au budget à long terme de l’UE (2021-2027) de 1 074 milliards d’euros. L’unanimité nécessaire des 27 Etats membres rend un accord particulièrement difficile.
Lors du dîner, Charles Michel a exhorté les 27 à s’entendre pour ne pas présenter le “visage d’une Europe faible, minée par la défiance”. Il a multiplié tout au long du sommet les gages en faveur des frugaux, par exemple en tentant de répondre à la demande de Mark Rutte de valider à l’unanimité des 27 les plans de relance nationaux présentés par chaque pays en contrepartie des aides.
Une telle configuration, qui équivaudrait de facto à un droit de veto pour chaque capitale, inquiète Rome et Madrid, qui craignent d’être soumis à un programme de réformes (marché du travail, retraites…) imposé.
Le Belge a présenté un mécanisme plus nuancé, permettant à un pays qui aurait des réserves sur le plan d’un autre Etat d’ouvrir un débat à 27.
Parmi les autres points de discorde, le lien entre le versement des aides et le respect de l’Etat de droit, une mesure soutenue par La Haye, mais qui hérisse Budapest et Varsovie, actuellement dans le collimateur de l’UE.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’y est vivement opposé dimanche, accusant même son homologue néerlandais de vouloir le “punir financièrement” et de le “détester” lui et la Hongrie.