Des visions plus ou moins messianiques ont marqué le monde, souvent dans la douleur. Après la Bible, Marx ou le Flower Power, le nouveau messie selon les “Silicon boys” de San Francisco s’appelle cryptomonnaie, promesse d’une humanité meilleure.
Par Cadfael
L’IA, un progrès pour l’humanité ?
En mars 2023, Goldman Sachs affirmait que l’IA pourrait remplacer 300 millions d’emplois. Selon eux, l’intelligence artificielle générative, celle qui permet de créer des contenus indiscernables de ceux générés par le travail humain, constituait un progrès majeur (surtout pour leur bilan de fin d’année, diront les esprits chagrins). À en croire leurs estimations, 46 % des tâches administratives et 44 % des emplois dans le juridique seraient automatisables, mais très peu dans la construction et la maintenance. La faiblesse des réactions de la classe politique européenne laissait pantois. La semaine dernière, le Parlement européen a adopté un texte tentant d’encadrer l’IA, un premier pas sur la longue voie d’une réglementation plus stricte. Le principe actuellement défendu est de réguler l’IA en fonction de sa capacité à nuire : les applications qui porteraient atteinte aux droits fondamentaux seraient interdites, de même que celles impliquant le traitement de données biométriques. On notera que la France, pour les jeux olympiques à venir, mise sur ces dernières en matière de sécurité.
Worldcoin : une utopie de plus ?
La société mère de Worldcoin, “Tools for Humanity”, a été fondée en 2019, entre autres, par Sam Altman, fondateur d'”OpenAI” dont est issu “ChatGPT”. Il fait partie de la même cohorte de Silicon Valley que les Zuckerberg, Musk et autres. Personnage haut en couleur, de 38 ans, gay, végétarien, survivaliste, financier de Joe Biden, il avait Musk comme partenaire, à ses débuts. Leur relation est devenue rapidement toxique et s’est poursuivie devant les tribunaux. Altman prône travailler pour le bien de l’humanité avec son écosystème Worldcoin, dont le siège est à Berlin et à San Francisco. Sa société utilise les outils développés par “Tools for Humanity”, dont les propriétaires et fondateurs sont toujours Altman et Cie. Les activités ont débuté en juillet 2023. Grâce à la cession d’un scan biométrique de l’iris, destiné à “préserver et garantir l’identité humaine”, on devient membre et actionnaire. La technologie du scanner, baptisé “Worldcoin orb”, serait unique. Chaque scan est converti en un algorithme crypté qui devient la clé d’accès au système, une sorte de passeport digital mondial. Les participants reçoivent une somme en cryptomonnaie baptisée Worldcoin, le socle d’un futur revenu de base universel.
Une nouvelle église à base de données biométriques ?
La société gère actuellement 2 000 points de “recrutement” dans 36 pays. Certains de ces pays sont traditionnellement très perméables aux mouvements de type sectaire, surtout lorsque le chômage est élevé, le salaire minimum très bas, et avec peu ou pas de subventions aux étudiants. De longues files se forment devant des stands attrayants pour se faire scanner les yeux en échange de 10 unités de cryptomonnaie, actuellement d’une valeur d’environ 9 dollars chacune. Selon la presse, Worldcoin compterait plus de 4 millions d’adhérents de 120 nationalités différentes. En septembre dernier, le Kenya ordonnait l’arrêt des opérations et la confiscation du matériel ; l’Allemagne enquête. En France et au Royaume-Uni, des plaintes ont été déposées. Au Portugal, malgré un début de réaction des autorités, plus de 300 000 personnes sont déjà digitalisées. L’Espagne vient d’ordonner une cessation des activités pour trois mois ainsi qu’un gel des données collectées jusqu’à ce qu’une enquête parvienne à définir clairement l’utilisation qui est faite des données récoltées. Dans le préfinancement, on trouve la société de capital-risque californienne « Andreessen Horowitz », spécialiste de ce type de marché. Marc Andreessen, qui n’en est pas à son coup d’essai avec Altman, a fait les gros titres de la presse en 2022 en s’achetant la propriété la plus chère jamais vendue à Malibu pour 177 millions de dollars et en bloquant la construction d’un lotissement de 131 unités multifamiliales dans le voisinage. Sauver l’humanité n’a pas de prix, surtout lorsqu’il s’agit de données biométriques, le ciment de base de toute dictature de nouveau style. La Chine et l’oppression des Ouïghours constituent une illustration parfaite de l’IA connectée aux données biométriques.
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