L’ombre de l’empire soviétique plane toujours. Par à-coups, il cherche à se reconstituer, comme en témoignent actuellement les tensions en Roumanie et en Géorgie. Une situation qui constitue un sérieux avertissement pour l’Union européenne et l’OTAN.
Par Cadfael
La Roumanie et l’homme de Moscou
C’est ainsi que la BBC surnomme Georgescu, candidat enraciné dans l’extrême droite roumaine, qui brigue actuellement la présidence de la République roumaine dans un processus électoral incluant 13 autres candidats. Après l’ère sinistre de Ceausescu, dictateur porté par le système soviétique, la Roumanie, membre de l’Union européenne et de l’OTAN, a développé une démocratie dynamique. Sa position stratégique, avec 448 km de frontières communes avec la Hongrie et 257 km avec la Serbie, deux pays pro-russes, est essentielle. S’ajoutent 139 km de frontière commune avec la Bulgarie, également membre de l’Union européenne depuis 2007, où un parti pro-russe proche de l’AfD allemande a noué des alliances inquiétantes et exige de repousser l’adhésion à la zone euro à 2043. Enfin, demeurent les 274 km de frontière avec l’Ukraine.
La coalition gouvernementale actuelle, pro-européenne, tente de gérer un pays en crise économique, marqué par une corruption persistante et des protestations de masse. Très actif, le parti AUR, d’extrême droite et pro-Poutine, promet un avenir prospère en capitalisant sur le mécontentement. Anti-establishment, il prône une sortie de l’OTAN. Selon une analyse récente de l’université Johns Hopkins à Bologne, ce parti véhicule dans son programme tout ce que ses homologues européens colportent de raciste, antidémocratique, anti-LGBT et antisémite. À cela s’ajoute un culte pour des figures historiques liées à la collaboration avec les nazis.
Pratiquement inconnu de la scène politique nationale roumaine, le candidat de cette extrême droite, Georgescu, ancien haut fonctionnaire, ex-directeur exécutif de l’ONU pour le développement durable, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme et éminent théoricien du complot, a bénéficié d’une campagne hors normes sur TikTok ainsi que de financements importants, retracés jusqu’à un entrepreneur douteux dont les domiciles ont été perquisitionnés par les forces de sécurité. Vendredi, le président en exercice, Klaus Iohannis, a déclassifié des analyses des services de renseignement roumains révélant des attaques hybrides massives ayant visé le processus électoral en faveur de Georgescu, des manipulations pointant directement vers la Russie. La Cour constitutionnelle roumaine a alors annulé tout le scrutin. La Commission européenne est intervenue en exigeant que TikTok cesse ces manœuvres et sécurise les données problématiques.
La Géorgie une tentative de déstabilisation de plus
Déjà en 1800, le tsar Paul Ier, sous prétexte d’une hypothétique demande unilatérale du roi géorgien de l’époque, proclamait l’intégration de ce pays dans l’empire russe, suscitant mécontentements et conflits sanglants. L’histoire moderne a vu la répétition de ce scénario visant à maintenir la Géorgie dans l’orbite russe. Rappelons que Joseph Staline, ancien séminariste, est lui-même né en Géorgie.
Au moment de la dissolution de l’Union soviétique, les provinces géorgiennes d’Abkhazie, avec son accès à la mer Noire, et d’Ossétie du Sud se déclarèrent indépendantes de facto après une guerre sanglante qui dura jusqu’en 1992. En 2008, les troupes russes, après une « provocation » orchestrée et sous prétexte de maintien de la paix, occupèrent les deux provinces sécessionnistes. Les négociations de paix menées par Nicolas Sarkozy, alors président de la République française, aboutirent à une acceptation de l’occupation russe de ces territoires géorgiens. Ce scénario, encouragé par la mollesse des réactions occidentales, se répéta en Crimée via un pseudo-référendum, avant de culminer dans l’agression contre l’Ukraine.
Aujourd’hui, un autre chapitre se déroule. Les élections parlementaires géorgiennes du 26 novembre dernier ont été marquées par des irrégularités flagrantes. Deux jours plus tard, le Premier ministre géorgien pro-russe suspendait brutalement les négociations d’adhésion avec l’Union européenne. Précédemment, il avait fait adopter plusieurs lois d’inspiration moscovite renforçant l’autoritarisme et l’orientation anti-occidentale du pays. En réponse, l’Union européenne et les États-Unis ont bloqué toute aide financière, pourtant essentielle à la survie économique de la Géorgie.
Les manifestations qui ont suivi ont mis en lumière le soutien massif à la présidente géorgienne, pro-occidentale et libérale, soutenue par 80 % de la population aspirant à une adhésion à l’Union européenne. Ces protestations ont été violemment réprimées par le Premier ministre, un populiste pro-russe. Sous son contrôle, la Géorgie est devenue un rouage clé de l’axe d’évasion Chine-Iran, permettant à Moscou de contourner les sanctions occidentales.
Après la chute du régime syrien et l’humiliation subie par la Russie, contrainte de se retirer face à l’effondrement de sa stratégie régionale, Vladimir Poutine cherche plus que jamais à restaurer son image. Mais les Occidentaux soutiendront-ils la présidente géorgienne face aux pressions russes, ou céderont-ils, comme ils l’ont déjà fait, dans un contexte marqué par l’éventuel retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis ?
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