Parmi les nombreuses résolutions – ou c’est peut-être la seule – prises en ce début d’année 2025, il y a sûrement celle de mettre fin à son célibat pour bon nombre d’entre nous. Mais flirter au Grand-Duché, ce n’est pas comme avant : multiculturalisme, promiscuité, présence temporaire et évolution des mœurs sont autant de défis à relever pour qui veut se caser – et bien. L’application parfaite pour ce faire est-elle enfin sur la toile ? Le web est-il le meilleur moyen de trouver chaussure à son pied ? La révolution numérique de la drague est bien là, mais l’est elle pour rester ? Pas si sûr…
Texte : Fabien Rodrigues
Meetic, AdopteUnMec, Tinder, Bumble, Happn, Badoo… ces sites et applications sont le cadre des rencontres les plus inattendues, mais aussi des anecdotes les plus juteuses de nos entourages depuis maintenant quelques bonnes années, voire décennies. Les sites et applications de rencontre se sont multipliés et leur utilisation par les célibataires du monde entier s’est tout à fait démocratisée. Pourtant, en 2023 en France, seuls 16 % de la population interrogée par un sondage Statista confiaient avoir rencontré pour la première fois leur partenaire sur internet – contre 19 % dans le fameux « cercle amical » ou encore 17 % au travail.
DES SPÉCIFICITÉS LOCALES
Il suffit toutefois de tendre l’oreille sur une terrasse bien remplie en été ou un chalet à raclette très convivial en hiver – sans parler des confessions plus ou moins bienvenues de nos proches en toute occasion : les rencontres en ligne sont légion, notamment au Luxembourg. Difficile de trouver des chiffres officiels sur le sujet, mais certaines raisons de cet atavisme local semblent évidentes : les gens sont souvent de passage, pour des missions plus ou moins courtes ; ils pratiquent encore et toujours le télétravail, voyagent beaucoup ou habitent hors du pays, ce qui n’aide clairement pas l’entretien d’un terrain amical et/ou professionnel propice aux rencontres amoureuses. Et lorsque c’est le cas, il s’agit souvent de flirt sans intention sérieuse…
C’est d’ailleurs ce que l’on a pu voir dans les témoignages publiés par le compte star « Memes of Luxembourg » en début d’année, lors d’un sondage impromptu sur les habitudes de dating au Luxembourg, un terrain de jeu que cette satiriste acerbe affectionne tout particulièrement…
Installée au Luxembourg depuis plus de cinq ans, Leslie – jeune cadre dans la finance – a, elle aussi, beaucoup de mal à trouver son prince charmant, sans pour autant désinstaller ses outils de rencontre numérique, comme elle nous le confie, installée avec des amies à la table d’un bar branché de la capitale : « C’est très facile de rencontrer un mec si on sait ce que l’on veut, mais il faut être consciente qu’il y a 9 chances sur 10 que ce ne soit que pour une relation sans lendemain. On a l’impression que vu qu’ils doivent faire plus attention que jamais à la manière de nous aborder dans la vie réelle, comme ici dans un bar par exemple, les applications sont le dernier endroit où ils se sentent en sécurité, où ils ne vont pas se prendre une réflexion ou un me too ! Du coup, ça entraine le tout vers plus d’éphémère, moins de sérieux. Je crois encore au coup de foudre au détour d’une soirée réussie, mais j’avoue que je continue à aller sur les apps, ne serait-ce que pour me rassurer sur ma capacité à séduire ». L’évolution des rapports hommes-femmes semble en effet avoir eu un certain effet sur la drague « classique », face à face. Les hommes, mais aussi les femmes – ont-ils/elles vraiment plus peur qu’avant de faire le premier pas, sous peur de passer pour un.e … ? Probablement. Ce qui explique l’affect pour un filtre numérique, qui dédramatise toute expression, dans les relations amoureuses et affectives comme dans tout le reste…
« On a l’impression que vu qu’ils doivent faire plus attention que jamais à la manière de nous aborder dans la vie réelle, les applications sont le dernier endroit où les mecs se sentent en sécurité, où ils ne vont pas se prendre une réflexion ou un me too »

RAYA, LA NOUVEAUTÉ QUI PEUT TOUT CHANGER – OU PAS ?
Rencontrer en ligne, quoi qu’on en dise, ça marche parfois, c’est indéniable. Nous avons toutes et tous autour de nous ce couple marié, visiblement heureux avec deux jolis enfants et qui rougit à l’unisson à chaque fois que quelqu’un leur demande « et vous vous êtes rencontrés comment, sinon ? »… Ça fait toujours plaisir à voir, ça donne de l’espoir. Mais alors quelle est la solution miracle qui fera oublier les échecs du passé ? Se trouve-t-elle dans Raya, le réseau social le plus exclusif en la matière, rendu célèbre par les personnes qui le sont tout autant. Le Tinder des VIP. Le Cercle Munster du flirt. Véritable club privé auprès duquel il faut montrer patte blanche – à savoir, au moins un compte Instagram certifié, au mieux le parrainage de membres déjà en place – Raya promet des rencontres premium moyennant un abonnement de minimum 20 euros par mois pour la formule de base une fois accepté.e par la plateforme. Kosima, professionnelle dans la mode et l’édition, a testé tout cela au Luxembourg… et ne semble pas encore convaincue à 100 % lorsqu’elle nous raconte son expérience en ligne : « J’ai eu envie de tester Raya après avoir vu la hype autour de cette app, notamment dans une série Netflix récente. J’en avais déjà entendu parler par une amie proche et il était important pour moi d’éviter les faux comptes.
C’est d’ailleurs un des grands points positifs de la plateforme, puisque chaque profil, après acceptation, est relié à notre compte Instagram. Mais une fois connectée, le panel de célibataires a été assez difficile à appréhender : certains sont sur d’autres applications, d’autres sont à des milliers de kilomètres et il s’est avéré relativement difficile d’entamer une conversation intéressante ! ». Donc même via un processus de présélection très strict, trouver un partenaire grâce à internet au Luxembourg ne semble pas chose aisée, ni à présent, ni demain a priori…
AGENCE MATRIMONIALE IS THE NEW APP
Devant cette efficacité toute relative de la cyberrencontre amoureuse, un certain « retour aux sources » en la matière pourrait bien se produire dans les années à venir, avec une approche bien plus personnalisée. Une spécialisation que certaines applications ont tentée en mode « niche », comme Mektoube pour la communauté musulmane ou encore la légendaire AgriFlirt, spécialisée dans les rencontres en milieu rural et sponsor de l’incontournable Amour est dans le Pré le temps d’une saison et disparue depuis ; tandis que Mektoube se targue d’un pool de « trois millions de célibataires musulmans et non musulmans à la recherche d’une rencontre sérieuse ».
Cette dynamique adaptée à chaque célibataire, avec un éventail de possibilités déjà édité et calibré sur sa situation, ses envies et sa personnalité, ça ne vous dit pas quelque chose ? Oui, dingue, c’est exactement ou presque ce que faisait naguère une agence matrimoniale !
Au temps de la VHS, avait-on déjà compris ce qui marche finalement pour unir les tourtereaux égarés de 2025 ? C’est ce que l’on imagine sans mal lorsqu’on voit le regain d’intérêt pour la formule. En atteste une vidéo virale d’annonce récemment postée par la marieuse en chef de la chaîne M6, Karine Lemarchand : cette dernière promet en effet le lancement en mai d’un nouveau concept de « slow dating » au sein du Domaine des Belles Âmes, en Provence.
À cette occasion et forte du succès de sa célèbre émission déjà évoquée un peu plus haut, elle explique sa vision : « C’est nouveau. L’idée est de créer une agence matrimoniale 2.0. Les gens en ont marre des applications, de se faire choisir avec un index, de se faire ghoster, d’interagir avec des profils pas sincères… On va donc créer des rencontres slow dating, le temps d’une journée entière, avec peu de monde – une centaine de personnes au maximum présélectionnées par notre équipe et avec toutes les étapes de vérifications nécessaires à des rencontres honnêtes ! L’idée est de parler, de remettre l’église au milieu du village en abordant la séduction ».
Remettre l’humain au cœur de la quête amoureuse, dans une démarche saine et sereine et dans un dialogue bienveillant, c’est aussi le crédo de Sabine Pasquier – fondatrice et directrice depuis onze ans de l’agence Atoutcoeurs Luxembourg. Un leitmotiv, mais aussi une raison qui explique, selon elle, le regain d’enthousiasme pour ces structures loin d’être has been : « Nous travaillons avec toutes les tranches d’âge et il est indéniable que des profils de plus en plus jeunes nous rejoignent pour leur recherche affective. L’accompagnement, mais aussi notre rôle de filtre et notre expertise sont des atouts décisifs pour celles et ceux qui ne se retrouvent pas ou plus sur les sites et les applications de rencontre » – et qui semblent de plus en plus nombreux !
Article initialement publié dans Femmes Magazine n°263 édition de février 2025, à retrouver ici.