Texte : Cadfael
De l’infiniment petit
Elle s’appelait Rosalind Franklin, scientifique à Cambridge. Ses collègues lui ont volé son prix Nobel. Née en 1920, elle est issue de la haute bourgeoisie anglaise. Elle réalisera toutes ses études avec brio. Pendant la guerre, elle lâche bourse et études pour travailler sur les charbons utilisés dans les masques à gaz. En 1945 elle passera son doctorat en physique-chimie à Cambridge Impressionnée par la France et son ouverture par rapport aux femmes, elle ira à Paris ou le Prof. Jacques Mering la formera aux technologies liées à la cristallographie des rayons X. En 1950, de retour à Cambridge au King’s College elle fera des recherches sur l’ADN, domaine largement inexploré. Appliquant les techniques apprises à Paris, il en résultera en 1952 la fameuse « Photo 51 » qui constitue le premier indice de la structure hélicoïdale à double brin de l’ADN, la base de notre patrimoine génétique.
Pionnière de l’ADN elle mettra à jour e.a. la densité de cette molécule, calculera le pas de l’hélice de cette structure hélicoïdale. Son côté brillant créait beaucoup d’ombre dans l’ambiance de sexisme rampant régnant à Cambridge. Les femmes y avaient au mieux, le statut d’assistantes. En 1953 elle quitte le Kings Collège. Ses travaux seront récupérés par ses collègues hommes qui en 1962 accepteront le prix Nobel de physique-chimie sans même mentionner son nom.
De 1953 jusqu’à la fin de sa vie elle fera de la recherche au très renommé Birbeck College de l’Université de Londres sur la structure du virus et de l’acide ribonucléique. Elle recevra une bourse de Berkeley, la plus importante jamais émise pour un projet sur la polio. En 1958 à 37 ans elle décède d’un cancer des ovaires probablement lié aux expositions fréquentes aux rayons X.
En 1968 un de ses anciens collègues prix Nobel la décrira dans une autobiographie comme une vieille fille acariâtre. Il semblerait que cette dernière crapulerie ait été le déclencheur d’un mouvement lancé par d’anciens élèves qui réussiront à rétablir la vérité. Aujourd’hui son rôle primordial est reconnu et honoré dans la communauté scientifique anglo-américaine. Le prix Nobel ne peut être remis à titre posthume, mais les grands centres de recherche mondiaux l’honorent encore aujourd’hui par des reconnaissances prestigieuses.
À l’infiniment grand
Elle s’appelle Diana Trujillo Pomerantz et dirige l’équipe d’ingénieurs « Jet Propulsion Laboratory » de la Nasa. Elle est en charge du bras robot du véhicule « Perseverance » qui se « promène » actuellement sur Mars. Lancé le 30 juillet 2020, il a atterri sur cette planète le 18 février. Même si pour l’instant les petits bonshommes verts demeurent cachés, cette mission demeurera non seulement hautement symbolique et reste potentiellement porteuse de découvertes importantes.
Sur le site de la Nasa on peut lire d’elle que née en Colombie en 1980 elle est arrivée aux États-Unis à 17 ans avec 300 dollars en poche ne parlant pas anglais, mais avec une volonté farouche d’accéder à son rêve, la chasse à la vie sur d’autres étoiles. Motivée par un article de revue sur les femmes et la recherche spatiale ainsi que d’une confiance absolue dans ses capacités mathématiques elle s’est financée les études au collège en travaillant e.a. comme femme de ménage.
Reçue à l’Université de Floride elle sera également membre d’un programme formation académique de la Nasa. Elle passera ensuite à l’université du Maryland où ses domaines seront la robotique et l’espace. De retour à la NASA elle est actuellement chef de mission en charge du fameux bras robotique synthèse du savoir mécanique et de l’intelligence artificielle.
Sur son site de la Nasa elle écrit que « tout relève de notre enthousiasme, de notre passion et de la détermination de faire ce qu’on désire faire dans sa vie. On finira par trouver sa voie. » Elle est activement engagée dans diverses initiatives permettant de motiver de jeunes femmes d’Amérique latine et Afro-Américaine de s’engager dans des carrières de la science et de l’ingénierie.
Vers l’eau, source de vie
Sam Davie est née en 1974. Cette bretonne de nationalité anglaise est une intoxiquée de la mer. Les gènes du long cours sont dans la famille, ne serait-ce que par son grand-père qui était commandant de sous-marins. Diplômée en ingénierie de Cambridge, elle se lance à 24 ans sans sa première compétition en mer.
Depuis elle s’est fait remarquer pour ses performances dans plus de 25 transatlantiques et deux courses autour du monde. Durant le Vendée Globe en décembre dernier avec des vents de 30 nœuds dans une mer lourde son bateau heurte un objet non identifié. Les dommages à la quille sont tels que continuer sans réparer est impossible. Escale en Afrique du Sud, mais selon les règlements du Vendée Globe la course est terminée pour elle et son équipe. Elle continuera malgré cela une fois le bâtiment réparé. « Pour moi-même, mais également pour « Initiatives Cœur » afin de soutenir la chirurgie cardiaque pour les enfants. » Il s’agit de mener à bonne fin une initiative qui implique qu’à chaque fois qu’un clic est fait sur son site pendant le Vendée Globe un don d’un euro est versé par les sponsors de son bateau à « Mécéna-Chirurgie-Cardiaque ». Grâce à la persévérance de Sam Davies 103 enfants ont pu être opérés.
« Mécénat-Chirurgie -Cardiaque » : encore une femme
Fondée par le Dr. Francine Leca, première femme chirurgienne cardiaque en France cette association est le symbole d’une vocation, celle de réparer les cœurs, surtout de ceux qui sont dans le besoin.
« Dès lors, rien ne l’arrêtera : ni la maladie, ni les voyages aux quatre coins du monde pour sauver des enfants, ni les cas désespérés, comme celui du petit Abdel qu’elle doit renoncer à opérer, ni les échecs, avec la mort, toujours terrible, jamais apprivoisée. » /…/ “Francine Leca, une femme hors du commun, qui a fait de la chirurgie un combat ; du cœur humain une croisade et qui trouve les choses bien plus intéressantes à réaliser quand elles paraissent impossibles…” peut-on lire sur elle.
Toutes ces femmes ont un point commun : leur volonté de croire en leurs rêves et de les réaliser et surtout de ne jamais abandonner. Que ces lignes se lisent comme un hommage à toutes les femmes, libres ou dans les fers, dans leur combat quotidien, face au Covid, au découragement et aux machismes sous toutes ses formes.