Quitter un géant international des cosmétiques pour créer une marque de beauté française, naturelle et régénérative, plus en adéquation avec ses attentes. C’est le défi que s’est lancé Priscille Charton, cofondatrice de la marque Eclo, qui s’est depuis associée avec Julien Callede et Marin Susac pour proposer du maquillage biodégradable et compostable. Une première. Alors que la campagne de financement participatif lancée sur Ulule touche à sa fin, l’entrepreneure revient sur la genèse de cette nouvelle aventure, et nous explique en quoi Eclo fait toute la différence.

Comment est née Eclo ?


J’ai passé douze ans dans l’industrie des cosmétiques dans l’une des plus grandes entreprises de beauté au monde. C’était grisant, mais au fil des années a grandi en moi l’envie de faire les choses différemment pour répondre aux nombreux enjeux écologiques de notre époque, ainsi qu’aux besoins des consommateurs. Cette envie a été accentuée par un voyage que j’ai fait en 2014. J’ai pris une année de congé sabbatique, et je suis partie en voilier sur l’Atlantique, et ce que j’ai vu flotter tous les jours au milieu de l’océan ne m’a forcément pas laissée indifférente. Je me suis fait la promesse d’innover différemment dans les cosmétiques à mon retour, mais j’avais beau évoluer et proposer de nouvelles choses, il était trop compliqué de faire les choses autrement. La pandémie est passée par là, et j’ai voulu me lancer, alors j’ai pris contact avec Julien Callede, cofondateur de made.com, pour obtenir des conseils sur l’entrepreneuriat, et sa réponse a été assez claire : ‘quand on veut, on peut’. Cela a suffi à me convaincre, d’autant plus qu’il était intéressé par mes idées, et qu’il est devenu, quelques mois plus tard, mon associé. 

Qu’aviez-vous alors en tête pour cette nouvelle aventure ? 


J’avais en tête l’idée de faire une marque de maquillage avec la même exigence pour la peau et la planète. Cela s’est traduit par des formules biodégradables qui peuvent s’écouler dans l’eau sans dégrader les écosystèmes, et des produits sans aucun plastique car la question de l’emballage est primordiale dans le secteur des cosmétiques. Nos produits sont entièrement biodégradables et compostables, et c’est une grande fierté. Il s’agissait aussi, bien évidemment, de remplir le contrat de base d’un produit de make-up, à savoir le rendre pleinement satisfaisant pour la consommatrice. Donc l’idée était de proposer des formules bio, certifiées Cosmos Organic, mais sans faire de compromis sur la texture, la tenue, ou les couleurs. 

En quoi Eclo se distingue-t-elle d’autres marques de maquillage plus classiques ?


Eclo est la première marque de maquillage 100% naturelle, de la formule à l’emballage, et on se définit également comme la première marque de make-up régénérative. Il n’était pas pour autant question de sacrifier la sensorialité au profit du ‘clean’, bien au contraire. Les formules ont été pensées pour s’appliquer au doigt, ce qui est aussi très innovant, et très agréable car les textures sont fondantes. Les produits Eclo répondent à différentes attentes, que ce soit en termes d’efficacité, et de respect pour la peau comme pour la planète, mais il fallait aussi que cela reste un moment de plaisir. C’est notre objectif.

Qu’est-ce qu’une marque de maquillage régénérative ? 


C’est une agence de conseil en sustainability qui m’a familiarisée avec le concept de la régénération. Et les bienfaits de l’agriculture régénérative, qui permet notamment de restaurer la biodiversité des sols dégradés, nous ont forcément intéressés. On collabore aujourd’hui avec l’association Pour une Agriculture du Vivant, avec laquelle on joue le rôle de ‘transformateur’. Cela signifie que l’on va faire de la pédagogie auprès de tous les acteurs de la filière d’approvisionnement de l’industrie cosmétique. Cela va de notre laboratoire, qui est basé en Bretagne, au fournisseur de matières premières en passant par les producteurs. Avec l’agriculture régénérative, l’objectif est de redonner les pleins pouvoirs à la terre, remettre le vivant au cœur de l’écosystème, et lutter naturellement contre l’excès de CO2 dans l’atmosphère puisqu’une terre régénérée est une terre qui a la capacité de capturer plus de carbone. Mais tout cela est un chantier sur du long terme, et à court terme nous avons déjà choisi de nous intéresser aux ingrédients qui ont des bienfaits pour la peau comme pour les sols.

Justement, quels sont les principaux ingrédients utilisés pour cette ligne de maquillage ?


On a choisi le chanvre pour l’ombre à paupières, car il est connu pour ses bienfaits hydratants et apaisants, et a également la capacité de nettoyer et dépolluer les sols. Pour le blush, on utilise du seigle, qui vient de Haute-Loire, dont la particularité est de donner un effet bonne mine naturel, et dont les racines sont immenses; ce qui permet de favoriser la restauration de la biodiversité. Et pour le dernier produit, le rouge à lèvres, on a opté pour l’algue, que l’on trouve en Bretagne, connue pour ses vertus lissantes et repulpantes, et qui n’est autre que le maillon essentiel de l’écosystème marin. Ce sont vraiment les ingrédients que l’on met en avant dans les trois familles de notre première gamme. On a les ingrédients d’un côté, et les pratiques agricoles de l’autre, mais on aimerait aussi travailler avec des agriculteurs qui travaillent déjà la terre de cette matière pour nos développements futurs.

Contrairement au skincare, le maquillage clean et éco-responsable n’est pas encore la norme. Est-il aujourd’hui difficile de formuler des produits green en make-up ?


Oui, car le cahier des charges est technique, exigeant, et il nous limite forcément dans ce que l’on peut utiliser ou non dans les formulations. Il y a d’innombrables allers-retours pour aboutir à un résultat optimal.

Peut-on vraiment faire rimer éco-responsabilité et diversité, que ce soit en termes de teintes, de textures, ou de références ? 


Oui, c’est tout à fait possible. L’inclusivité est une question très importante, car il faut que chacun y trouve son compte. Nous travaillons actuellement sur une gamme de fond de teint correcteur, et nous nous posons forcément ces questions, mais je suis plus d’avis de développer une formule qui puisse couvrir le maximum de carnations. Tout est question de modularité et de couvrance de la formule. Si elle est très couvrante, il faudra effectivement la décliner en cinquante teintes, mais si elle est modulable, et que l’on peut doser l’effet naturel, seconde peau, ou plus couvrant, on pourra se permettre d’avoir une palette plus courte mais qui conviendra à un plus large panel. Au final, avec dix teintes, on peut tout à fait répondre aux besoins de peaux très claires ou très foncées. Si on pousse d’ailleurs la logique jusqu’au bout, sortir cinquante teintes de fond de teint n’est absolument pas écologique.

La campagne de financement participatif lancée sur Ulule s’achève le 6 mai prochain. Où en êtes-vous ?


Cela se passe très bien, puisqu’on en est à plus de 2.000% de préventes sur un objectif initial de 100%. C’était pour lancer la production, donc on est très contents. 

Quelles sont les prochaines étapes pour développer Eclo ?


Il va y avoir l’ouverture d’un e-shop dans le courant du mois de mai, puis la livraison de tous les participants à la campagne Ulule au mois de juin, ainsi que la distribution en retails quasiment au même moment. On est approché par de nombreux concept-stores, donc c’est génial. Et puis nous planchons évidemment sur de nouvelles familles de produits, mais nous en reparlerons…