Trente ans qu’une rétrospective n’avait pas été consacrée en France à l’architecte finlandais Alvar Aalto. Une exposition à la Cité de l’architecture à Paris retrace le parcours de ce maître du mouvement moderne, égal d’un Le Corbusier ou d’un Mies van der Rohe.
En 50 ans de carrière, Alvar Aalto (1898-1976) a construit quelque 200 bâtiments et conçu 300 autres projets, en Finlande principalement et dans 18 autres pays. Il est plus célèbre encore comme designer et certaines de ses créations sont devenues des icones: ainsi le vase Savoy aux contours sinueux et dont le titre originel était “Pantalon en cuir d’une femme esquimau”
L’exposition (ouverte jusqu’au 1er juillet) entend “dépasser la lecture traditionnelle de l’architecte dont la production design comme les bâtiments étaient rapprochés par leurs formes organiques des paysages finlandais”, explique Stéphanie Quantin-Biancalani, responsable de l’adaptation française de l’exposition présentée dans plusieurs pays.
Cette inspiration organique est aujourd’hui considérée comme moins littérale et davantage en lien avec certains artistes ou modes d’expression comme la peinture, la sculpture, la photographie ou le cinéma.
A la fin des années 20, Aalto conçoit des salles de cinéma standard, susceptibles d’être déclinées dans tout le pays, et imagine pour le siège d’un quotidien une façade sur laquelle serait projetée la une du jour.
Il est également marqué par les photogrammes abstraits de son ami Laszlo Moholy-Nagy, et se passionne pour les “Constellations” de Jean Arp aux fortes connotations organiques. ll se lie aussi d’amitié avec Calder, et Fernand Léger lui dédicace une “Compostion murale”.
Un festival de matière
L’exposition s’organise autour de quelques bâtiments emblématiques comme la bibliothèque de Vipuri terminée en 1935 (aujourd’hui en Russie). Aalto accorde une attention toute particulière à la lumière avec des puits de jour en verre conique, évitant toute illumination directe, et à l’acoustique avec un plafond ondulé en bois, solution qu’il reprendra dans d’autres projets.
Autre jalon essentiel de la carrière du créateur finlandais, le sanatorium de Paimio terminé en 1933. Cet édifice de neuf étages, construit en pleine forêt au bord d’un des innombrables lacs finlandais, va lui conférer une reconnaissance internationale.
L’historien de l’architecture Siegfried Giedion le considère comme l’un des trois bâtiments les plus importants du mouvement moderne. Aalto a conçu tout le mobilier et les éclairages et accordé une attention particulière aux détails: profil des marches, dessin des poignées de porte, lavabo où l’eau s’écoule en silence….
L’architecte finlandais n’a construit qu’un seul bâtiment en France, la maison du collectionneur et galeriste Louis Carré dans les Yvelines (terminée en 59). Un choix surprenant de la part du commanditaire, qui était proche de Le Corbusier.
Découplées du toit en pente de la villa, les ondulations d’un plafond de bois clair réunissent dans un même espace l’entrée, qui sert de galerie d’art, la salle à manger et le séjour.
L’exposition met en regard une autre résidence de collectionneur, celle du couple Harry et Maire Gullichsen, grand promoteur de l’art moderne en Finlande.
Isolée en pleine forêt, bâtie sur un plan en L dans un esprit expérimental, la villa Mairea (1939) est une des oeuvres phare d’Aalto. Elle combine plusieurs matériaux: teck, pin, céramique, brique, schiste, osier, dans un “festival de la matière et du bois”, explique Stéphanie Quantin-Biancalani, et marque l’adhésion d’Aalto à un style beaucoup plus organique.
Organisée par le Vitra Museum et le musée Alvar Aalto, sous la direction de Jochen Eisenbrand, l’exposition présente 150 oeuvres dont 60 dessins, une vingtaine de maquettes et des pièces de mobilier. Après des escales à Madrid, Barcelone et Helsinki notamment, et maintenant à Paris, elle doit se rendre au Japon.