Anxiété, tristesse, sentiment d’inutilité ou de nullité… Les adolescents passent leurs journées à échanger sur les réseaux sociaux, mais ils sont nombreux à souffrir de solitude. L’hyperconnectivité est d’ailleurs l’une des causes de cette douleur indicible, voire inaudible, qu’il importe de ne pas prendre à la légère à l’heure où ils se « construisent ».
Les ados passent leurs journées (et leurs nuits parfois) le nez rivé sur leurs écrans de smartphones à papoter, à s’envoyer des selfies et autres vidéos. Pour un oui, pour un non. Pour ne rien dire, bien souvent. Malgré ses échanges intenses et ces multiples connexions, certains d’entre eux souffrent de solitude. L’adolescence est une période un peu compliquée, qui bouscule. Le passage de l’enfance à l’âge adulte s’accompagne de mille questions, de doutes, d’inquiétudes, de changements (psychologiques et physiques), de complexes et d’émotions qui perturbent leur « construction ». D’un sentiment lancinant d’être incompris, aussi. Les adultes d’ailleurs ont peut-être trop tendance à minimiser ce dernier sentiment partant du principe que l’on est tous passés par là et « ça ne durera pas ». Ce ne sont pas les réseaux sociaux et leurs cortèges de commentaires et images superficielles – pour ne pas le dire autrement – qui sont de nature à « rassurer », bien souvent. Surtout qu’en ligne, le « jeu » consiste essentiellement à se comparer aux autres qui sont « plus beaux, plus riches, plus intelligents, plus séduisants… » Bien évidemment, cette solitude peut aussi résulter de conflits ou de problèmes familiaux ou relationnels, d’un manque d’acceptation sociale, de harcèlement scolaire ou être en lien avec un « déracinement », à la suite d’un déménagement, par exemple. Les explications sont nombreuses et se bousculent entre elles.
La solitude, ce n’est pas être seul
Quand elle est subie et qu’elle est vive, la solitude a des impacts sur la santé. La déprime (voire la dépression) fait partie des risques comme le fait de ne pas prendre soin de soi. Certains se réfugient dans l’alcool, la drogue, dans la délinquance ou bien encore dans les jeux en ligne à s’en faire exploser les yeux. D’autres dépendances peuvent se développer au regard de la nourriture ou de la pornographie. La souffrance en lien avec la solitude est aussi propice aux idées suicidaires. Elle attise parfois une volonté de plaire sans bornes et peu importe ce que cela implique. Bien évidemment ces maux et ces addictions ne sont pas sans impacter les résultats scolaires, ce qui s’accompagnera de sentiments et réactions qui reviennent parfois à souffler sur les braises. Autant de maux et de réactions qui confirment si c’est nécessaire que la solitude des jeunes ne se caractérise pas uniquement par de la tristesse, de l’apathie ou de longs silences, prostrés dans un coin.Ils peuvent souffrir de solitude, entourés des « autres » tout en étant très « actifs ». Elle est en ce sens différente de celle des personnes âgées qui sont « isolées ».
Que faire en tant que parents pour aider son ado à en sortir ?
Tenter de dialoguer, tout d’abord, pour mettre des mots sur les maux. Si les ados ont besoin de se sentir indépendants et autonomes pour se « construire », ils ont aussi besoin que l’on s’intéresse à eux, à qui ils sont, à ce qu’ils aiment. Il s’agit de leur accorder du temps tout en trouvant la bonne distance. Le dialogue, ce n’est pas uniquement poser des questions, c’est aussi partager sa propre expérience ainsi que ses propres émotions. C’est faire passer des messages, notamment le fait que pour recevoir, il faut aussi savoir donner et oser faire le premier pas en direction des autres, même si ce n’est pas facile et que « prendre des râteaux », fait partie du jeu. Dans un registre différent, il importe peut-être de lever les freins qui le coupent de ses amis ou l’empêchent de faire des activités partagées. L’ado qui vit dans un village peut souffrir de solitude tout simplement, car il est « isolé », ne peut pas passer du temps avec ses amis après l’école ou profiter des installations sportives et de loisirs, durant le week-end, par exemple. Des solutions pour faciliter ses déplacements sont à imaginer. Il ne suffit parfois de pas grand-chose pour qu’en enfant se sente mieux…
Luxembourg : de plus en plus de jeunes concernés
Durant chaque trimestre de l’année 2021, le STATEC a demandé aux résidents d’attribuer une note sur dix à la satisfaction de leur vie actuelle, de leur bonheur actuel, et à la satisfaction de leur vie future. Dans son « bilan », l’organisme indiquait que la solitude devenait un problème important pour la partie plus jeune de la population. « Elle touche 15.5% des 16-24 ans, mais uniquement 5% des 50-64 ans. Parallèlement, on observe une baisse de la satisfaction dans la vie et du sentiment de bonheur chez les 16-24 ans », précise le document. Certes, nous étions alors en pleine crise sanitaire et nul doute que la période était compliquée pour tout le monde. Mais il importerait peut-être de savoir ce que disent ces jeunes, aujourd’hui afin de déterminer si cette période a marqué profondément les « esprits ». Partir du principe que les jeunes ont su surfer sur la vague de la fameuse reprise, reste à vérifier. Ne serait-ce que parce que ce dynamisme économique qui s’accompagne de bien des incertitudes « invite » les adultes, donc les parents, à s’investir un peu plus encore dans leur carrière professionnelle. Au détriment de la vie de famille et de leur propre équilibre ? À voir. En France, une étude de l’association Astrée qui œuvre depuis 35 ans pour restaurer le lien social et rompre la solitude à tous les âges met en lumière qu’en 2022, 19 % des Français se sentaient seuls. C’était 13 % il y a deux ans, 18 % il y a un an.
La solitude est aussi une richesse
Ce n’est pas parce qu’un ado passe beaucoup de temps seul qu’il est malheureux, se sent rejeté ou est dépressif. Au contraire même, la solitude peut aussi être choisie et recherchée. Elle lui permet alors de se consacrer à des activités, de réfléchir, de s’exprimer via des activités artistiques, par exemple. Autant de « pauses » qui peuvent être douces, régénératrices ou enrichissantes pour celui les prend. Elles participent notamment à favoriser l’acceptation de soi. Cette solitude qui est presque inquiétante à une époque où la grande majorité des jeunes sont en permanence sollicités sur les réseaux sociaux, peut tout simplement être nécessaire pour se sentir bien, pour apprendre à apprécier les autres et mieux profiter de leur compagnie, à d’autres moments.