Depuis plusieurs décennies l’église a du mal à recouvrir d’un suaire pédophilie et agressions sexuelles. Le scandale d’envergure planétaire resurgit en permanence et semble loin d’être résolu.

Par Cadfael

Une institution marquée au fer blanc

En octobre 2021 la France, « fille aînée de l’église » est scandalisée par la découverte des chiffres issus d’une enquête officielle : 3 000 pédocriminels – prêtres, religieux, laïcs au service de l’Église – ont été recensés en l’espace de 70 ans. Et surtout environ 330 000 victimes. L’épiscopat exprime sa honte, son effroi et demande pardon aux victimes, une tirade que l’on entendra trop souvent et en quasi toutes les langues de la planète. Elle ne signifie pas la fin du phénomène.  En Allemagne en 2018, des universitaires, financés par l’Église, mais sans accès aux archives, avaient conclu « qu’au moins 3 677 enfants, en majorité des garçons de moins de 13 ans, ont été victimes en Allemagne de violences sexuelles entre 1946 et 2014, commises par 1 670 religieux dont la plupart n’ont jamais été condamnés ». Les victimes demandent une complète collaboration avec la justice afin que les responsables soient punis. Les progrès en ce sens sont très lents. L’état des lieux est pratiquement identique en Belgique qui s’est attaquée depuis les années 2010 au problème sans trouver de solution satisfaisante.

Selon Euronews de février dernier, en Espagne, il aura fallu depuis 2018 plusieurs années d’enquête de journaux de renom comme « El Païs » avant que la hiérarchie ecclésiastique et politique ne se réveille. Il y aura une première enquête en 2022. L’église y recense 506 victimes lorsque les journaux en mentionnent plus de 1700.

L’Italie est du même calibre. En novembre 2022, l’église italienne publie son premier rapport et recense 89 cas depuis 2019. En février 2023, des associations dénoncent 418 prêtres condamnés ou accusés d’abus sexuels lors des treize dernières années, chiffre considéré comme inférieur à la réalité. Elles demandent la constitution d’une commission indépendante pour enquêter sur ces faits, sans grand succès.

Une culture du double langage

Le même modèle de comportement se retrouve poussé aux extrêmes au Portugal, où la hiérarchie religieuse, avec une expérience consommée du double langage, fait tout pour occulter les faits, à tel point que le Président de la République, pourtant proche des milieux démocrates-chrétiens, s’est déclaré être déçu de l’attitude de l’église en la matière et met la pression à la hiérarchie catholique. Les résultats des travaux d’une « commission indépendante pour l’étude des abus sexuels de l’église » ont établi sur base de témoignages des victimes une liste de « suspects ». Cette liste est envoyée, avec la sérénité nécessaire (synonyme de lenteur) à chaque diocèse qui est censé prendre les décisions qui s’imposent. Et la presse nationale de rappeler que des ecclésiastiques sur cette liste sont toujours en poste. Elle vient de révéler qu’un prêtre condamné en 2015 pour pédophilie exerce toujours. Les divers évêques concernés par ces cas se refusent à tout commentaire ou pratiquent un enfumage fielleux. Ainsi la semaine dernière l’évêque de Beja a-t-il déclaré publiquement que les prêtres qui se sont repentis doivent être réintégrés. Face au tollé provoqué, il change de musique et claironnant qu’ils n’ont plus leur place dans l’église.

Dans la quasi-majorité des pays avec des filiales du Vatican, double morale, violence et pédophilie font tache. Le premier rapport rédigé par des théologiens sur la situation aux États-Unis en 1985 est demeuré sans grandes conséquences malgré une multiplication des dénonciations amenant des décennies plus tard la chute de certains cardinaux. Pour la période 1950 à 2002 selon le rapport du John Jay College of Criminal Justice de New York, quatre pour cent des membres du clergé pratiquaient ce genre de crime, ce qui représente 13.000 abus sexuels concernant 10.000 victimes et 5.000 prêtres agresseurs, un processus sans fin. Depuis 2020 plus de 11.000 plaintes nouvelles auraient été enregistrées rien qu’aux États-Unis. A cela se rajoute la violence faite dans des orphelinats au Canada, en Irlande et dans d’autres pays ainsi que ceux des religieuses mises ont mal par leurs confrères hommes. Le Luxembourg n’est pas exempt de ces révélations et la hiérarchie ecclésiale joue la carte d’une certaine transparence avec de nouveaux cas signalés annuellement.

Les spécialistes soulignent que Jean Paul II, pape conservateur par excellence, savait et que Ratzinger, pape à la retraite, se mouvait dans les mêmes eaux. On s’étonnera toujours des efforts faits par la hiérarchie ecclésiale pour protéger une minorité toxique ? Le pape François aura manifestement le plus grand mal à nettoyer ces écuries d’Augias. Lucide, il vient de reconnaître indirectement que les pulsions sexuelles non maîtrisées de son personnel représentent un problème majeur et que le célibat des prêtres n’était pas quelque chose d’inamovible.

Après les pédophiles, les homosexuels

Au même moment en ce début de mars, le Washington Post dévoilait un nouveau scandale : dans le Colorado une association catholique d’extrême droite qui se nomme « laïcité catholique et prêtres pour le renouveau » a investi au moins 4 millions de dollars afin d’acquérir une application web permettant de tracer et d’identifier les prêtres qui utilisent des sites de rencontre homosexuels. Ces données sont ensuite partagées avec les évêques du pays. Selon les recherches du Washington Post, le but officiel de cette acquisition est de « renforcer l’église dans l’exécution de sa mission en offrant aux évêques des données factuelles pouvant amener une amélioration dans la formation des membres du clergé ». Un chercheur de la Duke University a découvert que diverses unités police et des groupuscules antiavortement achètent des données sur les clients des cliniques pratiquant l’avortement dans les états où celui-ci est interdit. Une nouvelle ancienne culture de l’espionnage, de l’ostracisation et de la délation se renforce dans certains segments du peuple de dieu. Comme le disait le philosophe : je respecte Dieu, mais je n’ai guère confiance dans ses apôtres sur terre.