Avec ses musées iconiques, de nouveaux lieux dédiés à l’art contemporain et l’arrivée en force de galeries internationales, Paris revient sur le devant de la scène mondiale d’art contemporain et moderne, estiment des acteurs du secteur.

“Paris est plus que jamais attractive pour les collectionneurs et acteurs du monde de l’art”, dit Justine Durret, directrice senior à Paris de la galerie Zwirner, également implantée à New York, Londres, Hong Kong et bientôt Los Angeles.

Elle attribue ce “retour sur le devant de la scène” à “la multiplication de nouveaux lieux dédiés à l’art contemporain (Fondation Louis Vuitton, Lafayette Anticipations, Bourse de Commerce…) dans un écosystème institutionnel déjà très fort”, porté par des musées comme le Centre Pompidou ou le Palais de Tokyo.

Outre une “programmation forte”, Mme Durret évoque aussi un “dialogue unique entre l’historique et la création contemporaine, non seulement dans l’art mais aussi dans la mode, la gastronomie, le luxe, et l’art de vivre de manière générale”.

En moins de deux ans et malgré la crise sanitaire, une dizaine de galeries internationales se sont installées à Paris, dont plusieurs “anglo-saxonnes et américaines, ce qui est assez nouveau”, confirme Marion Papillon, présidente du comité professionnel des galeries d’art, qui en représente plus de 300.

Impact du Brexit

“Le Brexit a accéléré les choses (nombre d’acteurs ont quitté Londres, ndlr) mais il y a une vraie dynamique: les galeries françaises s’exportent mieux et sont aussi plus visibles à l’international”, ajoute-t-elle. Autre signal fort de ce nouvel âge d’or: l’arrivée dès l’automne à Paris d’Art Basel, leader mondial des foires d’art contemporain.

Paris, qui avait perdu progressivement de son aura depuis les années 50, “redevient une place extrêmement forte dans la cartographie de l’art contemporain et moderne. Londres se morfond et New York craint la place que prend la Ville Lumière”, observe Kamel Mennour, galeriste international qui représente une quarantaine d’artistes parmi lesquels Daniel Buren, Ann Veronica Janssens, Anish Kapoor ou Martin Parr.

Des visiteurs VIP réguliers

Cette nouvelle ère attire jusqu’aux célébrités. Féru d’art et d’architecture, l’acteur américain Brad Pitt fait partie de ces visiteurs VIP réguliers. Après s’être rendu à la Fondation Louis Vuitton pour découvrir le bâtiment réalisé par l’architecte Frank Gehry, il a récemment arpenté la toute nouvelle Bourse de Commerce.

Inauguré en mai au coeur de Paris, le bâtiment restauré par l’architecte japonais Tadao Ando abrite la collection privée d’oeuvres d’art de l’homme d’affaires François Pinault. Il accueille jusqu’en juin, avec le centre Pompidou, une rétrospective consacrée au sculpteur contemporain américain Charles Ray. “Aux yeux des Américains, des Chinois ou des Allemands, Paris est extrêmement bien lotie et désirable, c’est the place to be“, insiste M. Mennour.

“Juste après New York”, renchérit Chris Dercon, président de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMN-GP), à l’origine du choix d’Art Basel à Paris sur le créneau d’octobre qu’occupait traditionnellement la Foire internationale d’art contemporain (Fiac), dont le devenir reste en suspens.

Capitale culturelle

En exportant sa marque en France, dotée d’un budget culturel de 3,818 milliards d’euros en 2021 (hors audiovisuel public) que beaucoup lui envient, Marc Spiegler, directeur mondial d’Art Basel, dit vouloir s’appuyer sur le “dynamisme” et “l’importance culturelle” de Paris, qu'”aucune autre ville européenne ne réunit aussi bien” pour créer un événement “du plus haut niveau international”.

“Paris devient plus internationale que Londres”, estime Nicolas Bourriaud, curateur et critique d’art, qui vient de créer une nouvelle structure, Radicants, à mi-chemin entre la galerie et le centre d’art. Objectif ? “Produire des expositions dans le monde entier à partir de Paris et répondre à une demande de sens mettant en relation les oeuvres du passé avec les sujets émergents”.

Côté marché, si la France reste au quatrième rang mondial derrière le Royaume-Uni, la Chine et les Etats-Unis avec seulement 7% du total cumulé des ventes, “les résultats de 2021 montrent une vraie attention renouvelée pour l’activité parisienne”, indique la maison de vente aux enchères Christie’s Paris.

Avec un total de 409 millions d’euros, dont 78,8 millions pour l’art contemporain (65,5 millions en 2020), elle affiche son “deuxième meilleur résultat en 20 ans”, avec 316 nouveaux clients (123 en 2020) et des enchérisseurs venant de 63 pays (49 en 2020).