C’est bien simple : lorsque nous avons raccroché avec Marie Courroy, fondatrice de Modetrotter, nous avons hésité à lui faire une request sur Facebook pour devenir sa copine. En l’espace d’une heure de joyeux bavardage, Marie nous a captivées, nous a émues, nous a bluffées, mais surtout nous a fait rire.
Rencontre avec une jeune entrepreneuse / créatrice désarmante de coolitude, et profondément inspirante.
Il y a 10 ans, Marie Courroy assiste à l’avènement de l’ère Internet, et avec elle des blogs et du e-commerce. Si elle est totalement séduite par le concept, elle déplore leur manque d’originalité : « on trouvait les mêmes marques partout ». Une expérience de commerciale chez Ba&Sh lui permet de voir l’essor fulgurant des sites de vente en ligne et lui donne une idée. Elle crée son propre site, sur lequel elle vend des créateurs qu’elle adore. Forcément, on se dit que Marie rêvait de travailler dans la mode depuis ses premières poupées Barbie. «Alors là, pas du tout ! Je voulais faire du marketing. Je n’avais aucune idée de ce que ça voulait dire, mais le mot me faisait rêver (rires). Je suis partie un an à Madrid. Mon appartement était situé juste au-dessus d’une boutique Vanessa Bruno. La marque cartonnait à cette époque. Un pur hasard, mais surtout un sésame, qui m’a ouvert de nombreuses portes.» Du coup, on se dit que l’aventure Modetrotter est une success-story de A à Z. Encore raté. «Si c’était à refaire, je ferais exactement pareil. En revanche, j’aurais aimé que l’on me dise qu’il fallait avoir le cœur bien accroché (rires). En 10 ans, je suis passée par tous les états, toutes les étapes. Croyez-moi, je n’en ai raté absolument aucune ! Des pleurs, des grandes joies, des peurs.» C’est ainsi qu’elle évoque la chance des débuts, suivie de mauvaises rencontres, une notamment, qui aurait pu faire que l’histoire s’arrête du jour au lendemain. C’est sans compter sur les trésors d’inventivité que Marie déploie alors afin que sa petite entreprise survive à la crise. Elle en ressort grandie, non pas indemne, mais moins naïve. Et armée pour la suite.
J’aurais aimé que l’on me dise qu’il fallait avoir le cœur bien accroché.
«Quitte à bosser pour soi, autant faire ce que l’on aime.» Quand elle ne parvient pas à renouveler son cheptel de petits créateurs fétiches – à l’instar d’Heimstone ou Roseanna, qu’elle a contribuées à propulser sur le devant de la scène – elle décide de se lancer et de créer sa propre marque. Difficile quand on n’est pas styliste soi-même ? Pas si l’on est bien entourée. Et la radieuse et chanceuse Marie l’est. À ses côtés, la même team, depuis les débuts, ou presque. Bon, elles ne sont que quatre, mais c’est déjà beaucoup. Marie confesse : «Sans elles, rien ne serait possible ». Derrière Modetrotter, il y a bien sûr Marie. Mais aussi Laura, son bras droit, présente depuis les premières heures. Anissa, la modéliste qui donne vie à ses idées. Et Astrid, qui l’a rejoint il y a un an et demi. « Nous formons une petite famille. Sans elles, Modetrotter, ça aurait duré quoi ? Un mois et demi ? » Elle rit, émue. Nous aussi.
Nous embrayons alors son inspiration, l’essence de Modetrotter. Depuis le lancement de la marque, il y a un an, Marie choisit une destination par saison. « Au début, je voulais changer le nom. Et puis, nous avons eu cette idée : une ville par collection. Cela faisait sens. Et je ne voulais pas que l’on m’enferme dans un style, cela me permettait aussi de suivre mes envies.»
La cliente Modetrotter, qui est-elle ? « Je crois qu’elle nous ressemble beaucoup. C’est une femme qui aime les couleurs, qui est gaie et a le sens de l’humour. Qui aime faire des blagues douteuses (sourire). Légère, lumineuse, qui ne se prend pas la tête. Le matin, J’y vais au feeling. Parfois, je mets mon costume orange à paillettes, juste pour venir au bureau, parce que j’en ai envie. Et si vous me voyiez aujourd’hui, je suis en noir, alors que ça n’arrive jamais. On croirait que j’ai un rendez-vous ultra important. Pourtant non, je rentre chez moi dès que je sors du bureau. »
La fille Modetrotter est surtout solaire. « Peu de risque de voir naître un jour une collection Copenhague ou Oslo (rires). » Ce printemps, elle nous invite à nous envoler du côté de Mexico, pour une collection aussi hétéroclite que gaie, pleine de couleurs, qui joue avec les matières. « C’est notre quatrième saison, la plus aboutie, celle qui nous ressemble le plus. » Ensuite ? Ce sera Los Angeles, dès le mois de juin. Et puis une seconde capsule avec le chanteur français Benjamin Biolay. Et puis une autre avec Le Monde Sauvage. Un projet avec UNICEF, aussi. Ah oui, des baskets avec VEJA. Et un premier point de vente aux Galeries Lafayettes. Voilà 10 ans qu’elle est lancée. Et rien ne semble l’arrêter.
Crédit photo (portrait de Marie): ©Alice Balas