« Ni langage, ni image » : qui était Pierre Soulages ?

L’artiste et peintre français Pierre Soulages s’est éteint, ce mercredi 26 octobre 2022, à l’âge de 102 ans. Créateur sans compromis, il n’a cessé d’explorer les mystères de ce pigment et de peindre. Retour sur sa vie et son œuvre.

Par Fanny Muet

Passionné par l’art roman et l’art préhistorique, le jeune Pierre Soulages développe un goût particulier pour le domaine artistique. Né à Rodez la veille de Noël 1919, il y grandit et doit quitter cet environnement du Sud de la France pour la capitale à 18 ans. Au premier abord, c’est pour une bonne raison. Il intègre l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Pourtant, au bout de quelque temps, le jeune homme quitte la vie parisienne pour retourner peindre dans son cocon à Rodez.

Faisons un bond jusqu’en 1947. Il participe au Salon des Surindépdendants. C’est lors de ce rassemblement d’artistes qui existe depuis 1928 à Paris que Pierre Soulages rencontre ceux qui influenceront son œuvre et sa carrière. Notamment Hans Hartung, peintre et futur ami de l’artiste. Trois ans plus tard, Soulages est exposé au Salon de Mai aux côtés de ce dernier et d’autres grands noms de son temps comme Jean Leppien, Marie Raymond ou encore Gérard Schneider.

Comment qualifier le courant de Pierre Soulages ? Comment définir son œuvre ? Pour cet homme imprégné des paysages et de l’artisanat du pays de Rouergue, son œuvre avait pour but d’aller toujours plus loin, de pousser les limites si ce n’est les dépasser en utilisant toujours les mêmes outils si ce n’est pas en en maniant de moins en moins. Faire le maximum avec le minimum. Ainsi, peut-être pouvons-nous dire que Pierre Soulages appartenait au courant du minimalisme en y apportant son essence et sa couleur personnelle : le maximalisme. Artiste pluriel, il est difficile de mettre Soulages dans une case. Pourtant, il y a bien une particularité qui le démarque.

Noir

Comme le Bleu de Klein, peut-être est-ce pertinent de parler du Noir de Soulages. Ou bien, comme l’appelait lui-même l’artiste dès 1979, l’Outrenoir. Pierre Soulages est l’un des pionniers de l’Abstraction lyrique. Par cette expression, Soulages s’oppose à l’abstraction géométrique, au constructivisme de son temps post-Seconde guerre mondiale. Il recherche alors l’expression, de façon directe, de l’émotion individuelle rattachée à l’art informel. Aussi, le peintre use de la couleur noir sous toutes ces formes. Bannies sont les couleurs et les jeux de lumières nettement discernables, Soulages joue avec les textures, les reflets et les reliefs. Chaque mouvement de couleur a son outil, chaque outil a sa fonction. Pierre Soulages disait à Vanity Fair que si l’outil dont il a besoin n’est pas présent dans son atelier, alors il l’invente, le crée et continue son œuvre. C’était donc cela, l’art selon Soulages : la trace du geste, l’émotion de l’œuvre et le jeu du noir.

Succès et reconnaissance

Rapidement, Pierre Soulages est exposé aux Etats Unis, à New York et ailleurs. Il est même exposé à Sao Paulo très tôt dans sa carrière. En 1979, il présente une exposition personnelle où il expose des œuvres monochromes : c’est la naissance de l’outrenoir. Il joue avec la lumière et le noir, avec le lisse et le relief, avec le doux et le rugueux. En mai 2014, sa ville natale, Rodez, inaugure le musée Soulages l’exposition Outrenoir en Europe, musées et fondations. 

En 1959, Pierre Soulages réussit à vendre une œuvre sur toile pour près de 9,6 millions d’euros. Un record pour l’époque. Cependant, ce n’est pas le seul record que l’artiste réalise. Le 15 novembre 2021, une de ses toiles en noir et rouge, peinte en 1961, est vendue pour 17,7 millions d’euros par Sotheby’s, à New York.