Quelles démarches novatrices le Luxembourg et les acteurs du secteur proposent-ils dans leurs offres touristiques ? Le directeur de l’École d’Hôtellerie et de Tourisme du Luxembourg (EHTL) de Diekirch revient sur la dynamique actuelle de la destination Luxembourg. Selon lui, la modernité, l’innovation et l’ambition sont des valeurs essentielles dans les domaines de l’hospitalité que sont le tourisme et la gastronomie.
Par Marc Auxenfants
Tourisme de mémoire, tourisme actif et nature, vélo et randonnées, tourisme culturel… Ces dernières années, le Luxembourg multiplie les initiatives novatrices pour proposer des offres touristiques attractives et différenciatrices. Michel Lanners, le directeur de l’École d’Hôtellerie et de Tourisme du Luxembourg (EHTL) de Diekirch, revient sur la dynamique actuelle de la destination Luxembourg, ses attractions majeures et ses acteurs.
Michel Lanners, quel état des lieux dressez-vous de l’offre touristique luxembourgeoise actuelle ?
Elle n’est pas une ; elle est plurielle ! Il existe en effet une pluralité d’offres, de la part de multiples acteurs du secteur, en réponse à la multitude d’intérêts et de demandes touristiques. Certains visiteurs pratiquent le tourisme de mémoire, écologique ou géographique pour découvrir la nature. D’autres le tourisme des capitales ou sportif. D’autres encore viennent spécifiquement au Luxembourg pour participer à des événements comme l’ING Night Marathon Luxembourg ou le DKV Urban Trail Luxembourg. La liste n’est pas exhaustive. Aussi, le pays essaie d’être présent dans de multiples créneaux touristiques : sport, nature, sites historiques, valorisation du patrimoine… Comme Esch capitale européenne 2022 qui a valorisé les anciennes friches industrielles du Sud. Il existe donc une dynamique multicanal pour mettre en valeur les atouts du Luxembourg, y compris en innovant. Par exemple, via les technologies de réalité virtuelle ou augmentée, pour les visites de sites et de musées.
Peut-on également parler de tourisme hôtelier et gastronomique au Luxembourg ?
Un tourisme de la gastronomie existe certainement : comme avec le meilleur restaurant végétal du monde, La Distillerie, au château de Bourglinster. Son chef René Mathieu est un attracteur touristique qu’on ne peut ignorer. Mais ce tourisme gastronomique existe aussi à un niveau moins exceptionnel : je pense par exemple aux efforts des responsables du Gault et Millau pour promouvoir la gastronomie au Luxembourg. C’est pour nous une démarche extrêmement utile et précieuse. Des adresses sont ainsi mises en valeur, même si ce n’est pas le très haut de gamme . Pour moi, le touriste gastronomique recherche avant tout l’exceptionnel. Et René Mathieu est certainement l’adresse exceptionnelle du Luxembourg.
Comment décririez-vous la créativité des propositions touristiques luxembourgeoises ?
Je compare souvent le Luxembourg à d’autres pays d’Europe. L’Écosse se met ainsi en valeur avec très peu d’atouts comme le whisky ou la beauté des paysages. Ses acteurs touristiques y arrivent très bien grâce à une cohérence et à une logique dans l’offre, que vous retrouvez aussi dans leurs guides touristiques. De même, les Suisses savent vendre leur pays. Tout simplement à travers une certaine constance dans la présentation de l’attractivité touristique.
Depuis quelques années, le Luxembourg réussit à établir un fil conducteur clair dans son offre touristique. La marque touristique Luxembourg est désormais beaucoup plus visible. Dans les années 70’ nous étions des « touristes » dans l’activité touristique. Depuis 10-12 ans, la démarche s’est véritablement professionnalisée, avec une professionnalisation du pilotage du secteur. La promotion du Luxembourg avec son slogan « Let’s make it happen » diffuse les valeurs du pays. Son logo (X tricolore), est désormais aussi identifiable que la croix blanche sur fond rouge suisse.
Comment l’EHTL s’inscrit-elle dans cette démarche de professionnalisation touristique ?
Après le COVID, les cursus en tourisme étaient morts : vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre d’étudiants qui ne se sont plus inscrits dans les filières touristiques ! Que ce soit au Portugal, en France, en Allemagne… Partout cela a été la catastrophe, les classes ont fondu comme neige au soleil.
Une de mes plus grandes satisfactions est d’avoir en très peu de temps réussi à rénover et à simplifier la formation initiale en tourisme : en allongeant aussi sa durée à 4 ans, en élargissant son champ d’intérêt à la communication et en y intégrant plus d’ambition. Avec la nouvelle formation rebaptisée « Tourisme et Communication », nous avons réussi à endiguer ce désintérêt, en associant ces deux compétences, qui se marient très bien. Car un pays qui ne sait pas communiquer ne peut être touristiquement attractif.
Dans ce contexte, en tant que directeur de l’EHTL, quel modèle d’école vous inspire ?
Nous n’essayons pas de poser une alternative supplémentaire aux démarches des autres acteurs du tourisme. Mais plutôt de comprendre et d’adhérer, aussi d’associer ou d’impliquer, d’intégrer au maximum le modèle de la politique du ministère du Tourisme dans notre école. Mon objectif est d’être cohérent avec la politique décidée et mise en place au niveau national. Au Luxembourg, le secteur compte toutefois beaucoup d’acteurs. Et j’espère que le ministère du Tourisme, qui est responsable de la politique touristique du Luxembourg, arrive à piloter tout cet écosystème.
Quelles valeurs l’École transmet-elle sur le tourisme, notamment à travers ses formations ?
Notre devise est ‘Striving for excellence’ (ambitionner l’excellence). Nous essayons d’être modernes, innovants et ambitieux. La modernité : ne pas compter sur les savoirs d’hier, car tout change sans cesse. L’innovation, ce n’est pas seulement être réceptif, mais c’est aussi être critique. Et savoir se positionner dans une démarche constructive. Pour susciter l’ambition, l’École doit donner un maximum d’opportunités aux jeunes, afin qu’ils puissent être motivés durant leur apprentissage et envisager des carrières professionnelles intéressantes. Cela nous a jusqu’à présent bien réussi.
Qu’est-ce que l’innovation en hôtellerie et en tourisme selon vous ?
La créativité se cultive ; elle ne se décrète pas ! Surtout chez les jeunes : il faut leur faire comprendre ce qu’est la créativité et ne pas exiger d’être créatif. Ceci s’applique aussi aux enseignants. Je suis hyper content d’avoir un petit groupe d’enseignants réactifs et très dynamiques, qui participent à ces réformes curriculaires en collaboration avec les experts du tourisme… Et qui peuvent apporter un autre point de vue, une autre vision et d’autres motivations dans leur enseignement. Ces profs ne se voient pas comme des prestataires de programmes et de contenus scolaires, mais comme des acteurs, des parties prenantes : à la fois dans leur classe, mais aussi au niveau du tourisme et de l’hôtellerie du pays. Les meilleurs cours restent ceux qui ne se déroulent pas en classe, mais dans un autre contexte. Aussi, j’encourage beaucoup les visites sur le terrain et les rencontres avec des professionnels.
Par ailleurs, notre école essaie de promouvoir les compétences dans le monde de l’hospitalité, c’est-à-dire tout ce qui est en relation avec un service client. Le tourisme, c’est un service client, tout comme la gastronomie, qui offre aussi une autre prestation : la production de mets et de repas.
Dans ce domaine, quel serait un événement marquant du Luxembourg, qui met en valeur la créativité et l’innovation ?
L’EXPOGAST : c’est l’une des cinq ou six plus grandes manifestations mondiales dans le domaine de la gastronomie. Et avec elle la Villeroy & Boch Culinary World Cup, l’une des plus grandes et des plus importantes compétitions culinaires au monde. L’événement organisé par le Vatel-Club Luxembourg est une opportunité exceptionnelle de mettre le Luxembourg en valeur. Luxepo et la Chambre de Commerce ont bien compris l’intérêt de soutenir cet événement. Pour cette occasion, nous avons quasiment fermé l’école pendant une semaine. Les élèves étaient sur place au Kirchberg de 8h00 à 22h00 : certains ont accueilli les équipes ou les VIP, d’autres étaient présents sur les stands de l’École et du ministère du Tourisme, d’autres étaient en cuisine pour s’occuper du catering des professionnels sur place, ou bien servir les mets réalisés par les équipes en compétition (entre 700 et 900 plats de très haute qualité). Ce fut pour eux une découverte et une expérience hautement formatrices, professionnalisantes et motivantes. Les enseignants ont encadré les élèves. L’EXPOGAST a été notre marathon ING à nous !