Même si les démarches de création et les formalités administratives sont toujours plus simplifiées au Luxembourg, les sociétés ne sauraient « oublier » leurs obligations envers les administrations. S’y soustraire peut déboucher sur des sanctions financières, voire pénales qui pourraient mettre en péril leur survie. « Il faut donc prendre le temps de s’informer. Mais l’investissement en vaut la peine, » prévient la Legal Advisor Entrepreneurship au sein de la House of Entrepreneurship.
Par Marc Auxenfants
Marie-Sultana Langa, quelles sont les principales obligations auxquelles les entreprises doivent se plier ?
L’inscription à la TVA : pour un chiffre d’affaires annuel inférieur au seuil de 35.000 euros, la PME peut opter pour le régime de franchise : la perception de la TVA n’est donc pas obligatoire. Mais l’inscription et l’obtention d’un numéro de TVA auprès de l’Administration de l’Enregistrement des Domaines et de la TVA le sont, et nous recommandons de se renseigner en amont sur le régime de franchise et ses conséquences. Idem pour l’inscription à la sécurité sociale. Elle est en principe requise après obtention de l’autorisation d’établissement. Toutefois, la PME peut être exemptée de payer la sécurité sociale si ses revenus sont inférieurs à un certain seuil. Cependant, là aussi, l’inscription reste obligatoire et le choix de l’exemption doit être analysé à la lumière de la situation de l’entrepreneur. À la PME, ensuite de demander une exemption avec un formulaire spécifique, sur base des futurs revenus estimés.
De même, créer une société comme une SARL-S est simple (pas besoin par exemple de passer chez un notaire) et ne coûte pas cher : un capital social d’un montant minimum d’un euro est requis, toutefois il est nécessaire que celui-ci soit cohérent avec les besoins de l’activité exercée. Malgré cette facilité, il y a des obligations à respecter : comme la publication des comptes de l’entité. Même si elle a réalisé un résultat de 0 euro au cours de l’année, elle doit le publier, sinon elle encourt une amende pour non-publication. Les personnes viennent généralement nous voir, une fois qu’elles ont été sanctionnées. Mais leur situation est plus difficile à redresser. Et même si les bilans sont communiqués rétroactivement, l’amende restera due. L’administration applique la loi. S’y soustraire implique toujours des sanctions. L’entrepreneur doit donc bien connaître ses obligations.
Selon vous, quelles sont les principales raisons de ces « oublis » ?
Dans les petites entreprises généralement, une seule et même personne (l’entrepreneur) s’occupe de tout : opérationnel sur le terrain, gestion de l’entreprise, des salaires, des cotisations sociales, formalités administratives… Et ce contrairement aux grandes entreprises qui ont des départements dédiés, ou externalisent ces formalités auprès par exemple d’une fiduciaire. Une erreur, un oubli, des courriers administratifs non traités peuvent entraîner des situations compliquées. Après quelques rappels et avertissements, l’administration sanctionnera la PME, qui commencera alors à réagir. Mais c’est souvent trop tard. Et c’est toujours beaucoup plus compliqué de modifier une situation du passé, quand les bons justificatifs et la publication du bilan n’ont pas été envoyés.
Quelles sanctions les entités encourent-elles ?
Ces pénalités peuvent être pécuniaires. Par exemple en matière de sécurité sociale, la législation distingue les amendes d’ordre : elles sanctionnent les chefs d’entreprise et autres employeurs qui ne respectent pas ou exécutent tardivement les obligations légales, réglementaires ou statutaires qui leur sont imposées (déclaration des salaires, paiement des cotisations sociales à l’échéance…). De telles amendes peuvent atteindre jusqu’à 2.500 euros. Les entreprises n’ayant pas publié leurs comptes dans les sept mois suivant la clôture du bilan s’exposent elles aussi à des frais de retard qui peuvent aller de 50 euros pour un mois de retard, jusqu’à atteindre plusieurs centaines d’euros en fonction du retard (500 euros lorsque le dépôt est effectué à compter du douzième mois suivant la date de clôture de l’exercice social). De tels montants plombent ainsi la trésorerie des PME. Les sanctions peuvent être aussi pénales : quand le chef d’entreprise ne respecte pas sciemment les dispositions légales, par exemple en matière de paiement des salaires et de versement des retenues d’assurance des salariés au CCSS. L’amende pourra aller de 251 euros à 6.250 euros. De telles enfreintes peuvent donc mettre en péril la survie de l’entreprise. Mais si l’intention frauduleuse est avérée, le dirigeant risque également une peine de prison.
Quels sont les recours possibles pour l’entreprise ?
Une société peut formellement contester la décision d’une administration devant la Cour administrative. Ce qui implique de prendre un avocat. Et même si elle obtient gain de cause, et parvient à renverser la décision, la procédure sera longue et coûteuse. Or la plupart des PME n’ont pas de tels moyens pour se défendre. Pour éviter une telle situation, elles doivent donc remplir leurs obligations dans les temps, traiter les difficultés au jour le jour, et ne pas laisser traîner les choses.
Quels conseils et bonnes pratiques, leur suggérez-vous ?
« Nul n’est censé ignorer la loi». En tant que dirigeants, vous devez disposer d’un minimum de notions de gestion d’entreprise et connaître vos obligations. Vous devez avoir le réflexe de demander de l’aide, quand une démarche vous semble difficile. Informez-vous, soyez proactifs, faites-vous accompagner et conseiller par des professionnels ! Tous les entrepreneurs peuvent contacter la House of Entrepreneurship pour se documenter sur les formalités à accomplir, faire un point sur leur situation, et le cas échéant rencontrer un expert. Ils doivent en effet mettre en place des automatismes, afin d’éviter les mauvaises surprises et les amendes financières qui impacteront leur trésorerie et leurs activités.
Que leur dites-vous quand ils viennent vous voir ?
Quand ils viennent nous voir avant la création de leur entreprise, nous essayons de les sensibiliser notamment à toutes ces obligations auxquelles ils seront soumis durant tout le cycle de vie de leur projet entrepreneurial. Notamment sur les spécificités propres à la forme juridique choisie, sur le formalisme imposé à chaque type de société, et sur les pénalités encourues en cas de non-respect. Notre approche privilégie beaucoup la prévention. En outre, nous proposons chaque mois des ateliers gratuits, qui permettent à l’entrepreneur de s’informer sur les étapes de la création d’entreprise : par exemple le webinaire « Le parcours du créateur d’entreprise: cadre réglementaire et étapes à suivre »). Nous suggérons aussi de prendre connaissance de tous les enregistrements nécessaires, et donc d’avoir un aperçu sur les obligations en vigueur. Nous organisons des workshops dédiés aux obligations déclaratives (impôts, TVA, CCSS, que faire, comment, et quand). C’est gratuit. Les entrepreneurs peuvent y participer, poser leurs questions, autant de sources qui leur permettront ensuite sans frais d’aller plus loin. Des formations plus poussées sont également proposées par la House of Training notamment.
Quelles seraient vos recommandations aux administrations ?
De manière générale, la Chambre de Commerce prône la simplification administrative. Dans l’idéal, le Luxembourg devrait mettre en place un guichet unique, qui centraliserait toutes les démarches administratives à effectuer par les entreprises, au lieu de s’adresser individuellement à chaque organisme public, comme c’est le cas actuellement. La House of Entrepreneurship essaie de pallier cette dispersion en proposant un point de contact unique de l’entrepreneur, à partir duquel nous lui donnerons toutes les informations sur les démarches administratives, puis le redirigerons vers les bonnes administrations.
Pour en savoir plus : https://www.houseofentrepreneurship.lu/