Entre Martin Margiela, l’avant-gardiste créateur belge, et Hermès, vénérable maison de luxe, le mariage était loin d’être évident. Cette collaboration aussi surprenante que fructueuse (1997-2003) est au cœur d’une exposition parisienne, qui ouvre ses portes ce jeudi.
Présentée au Musée des Arts décoratifs (MAD), elle a été conçue et lancée au Musée de la mode d’Anvers (MoMu) en 2017.
Dix ans après avoir quitté sa griffe, l’énigmatique designer qui a toujours fui photos et interviews, revient sous les feux de la rampe: ses 20 ans de carrière font également l’objet depuis le 3 mars d’une rétrospective au Palais Galliera à Paris.
Au MAD, une scénographie bicolore permet au visiteur de distinguer clairement les créations de Martin Margiela pour sa propre marque de celles qu’il concevait pour le compte d’Hermès, maison dont il a été le directeur artistique pendant six ans.
Peinture blanche côté Margiela, pour rappeler la couleur fétiche de la griffe, orange côté Hermès, en référence à la couleur des boîtes de la marque. L’exposition, à laquelle a collaboré le créateur, est conçue comme un dialogue entre les deux univers, pour montrer comment “chaque marque s’est enrichie de manière réciproque”, explique à l’AFP la commissaire, Marie-Sophie Carron de la Carrière.
“C’était la vision de Jean-Louis Dumas, à l’époque le président d’Hermès, d’aller vers quelqu’un qui pouvait sembler à l’opposé, qui ne donnait pas l’image du luxe dans ses créations, qui était très brut”, rappelle-t-elle. “Grâce aux matières extraordinaires qu’Hermès mettait à sa disposition, la maille, le cachemire, le cuir, les peaux, Martin Margiela a pu continuer une certaine forme d’expérimentation qu’il mettait déjà en œuvre dans sa propre marque”.
Ainsi la vareuse, vêtement marin traditionnel dont Margiela s’inspire pour sa griffe, est adaptée pour Hermès: avec un col en V plongeant, elle devient une chemise blanche en popeline de coton, une tunique en laine ou en peau… Le classicisme du trench coat conçu par le créateur pour le sellier-maroquinier contraste avec le côté récup’ de celui de sa marque, réalisé à partir d’un modèle pour homme trouvé aux Puces, ceinturé par une paire de bas.
Le designer iconoclaste, connu pour sa démarche de “déconstruction” du vêtement, décline les classiques du vestiaire masculin pour la femme et développe chez Hermès un style épuré aux couleurs sobres, sans utiliser les imprimés des foulards de la griffe comme beaucoup s’y attendaient.
Au total, une centaine de silhouettes sont présentées, complémentaires de celles présentées au Palais Galliera, même si l’on retrouve quelques pièces communes comme les fameuses tabis, ces bottines fendues séparant le gros orteil des autres, inspirées des chaussettes japonaises, devenues emblématiques de Margiela.
“Margiela, les années Hermès”, Musée des Arts décoratifs, du 22 mars au 2 septembre.