Les femmes se font rares dans l’histoire des arts, surtout lorsque l’on s’intéresse au métier de marchand d’art. Un nouveau projet, intitulé le Women Art Dealers Digital Archives, cherche à réparer cette injustice. Il réunit de nombreux documents d’archives qui soulignent la place primordiale des femmes dans le commerce de l’art. Explications.
Si les amateurs d’art sont nombreux à connaître Jackson Pollock, ils sont beaucoup moins à être familiers avec Betty Parsons. Cette galeriste et artiste new-yorkaise a toutefois eu un rôle déterminant dans la carrière du peintre américain. Betty Parsons a exposé son travail dans la galerie qu’elle a ouverte à Manhattan en 1946, dont ses premières toiles “all-over”. Elle s’est également illustrée en représentant Barnett Newman, Mark Rothko et Clyfford Still, d’autres figures de proue de l’expressionnisme abstrait.
Betty Parsons n’est pas la seule femme à s’être fait une place de choix dans le commerce de l’art. Louise Doat-Sabail, Florine Langweil, Käte Perls et Peggy Guggenheim en ont fait tout autant. Elles ont considérablement contribué à la rénovation de la profession dépréciée de marchand d’art, qui s’est muée en “galeriste” au fil de la première moitié du XXe siècle. Mais l’histoire de l’art leur rend rarement justice. Véronique Chagnon-Burke et Caterina Toschi espèrent remédier à cette situation avec Women Art Dealers Digital Archives (WADDA). Elles ont initié ce projet en 2017, après avoir organisé un symposium sur les femmes marchandes d’art chez Christie’s Education à New York.
Toujours plus nombreuses
Les deux chercheuses ont développé une plateforme en ligne pour regrouper des projets de recherche consacrés aux marchandes d’art, et à leurs trajectoires dans ce commerce ultra-spécialisé. “L’aliénation professionnelle à laquelle les femmes ont été historiquement confrontées à galvaniser leur intérêt pour les marchés de niche- à leur tour marginaux mais plus expérimentaux- qui représentent aujourd’hui des secteurs clés de l’investissement dans le marché de l’art”, a expliqué Caterina Toschi, professeure en histoire de l’art à l’université pour étrangers de Sienne, à The Art Newspaper.
Véronique Chagnon-Burke et Caterina Toschi espèrent dorénavant accroître la visibilité de WADDA dans les milieux universitaires, dans l’attente d’un financement. Elles souhaiteraient également s’appuyer sur la data science (science des données) et sur le machine learning (apprentissage automatique) pour identifier de nouveaux grands axes de recherche dans l’étude de la place des femmes dans le commerce d’art. “Nous savons très peu de choses sur les marchandes d’art en dehors de la France, de l’Allemagne et des États-Unis”, a reconnu Véronique Chagnon-Burke auprès de The Art Newspaper. On n’a pas fini d’entendre par des marchandes d’art, au même titre que les femmes artistes.