Chercher à se loger est depuis longtemps, un casse-tête au Luxembourg. Le marché de l’immobilier dérape après des décennies de laisser faire hautement spéculatif. La classe politique a commencé à s’en préoccuper sérieusement juste avant les vacances et les prochaines élections.

Par Cadfael

Des ministres qui se réveillent

En juillet le ministre de l’Économie a fait parvenir un courrier aux promoteurs et aux agences immobilières : dans un langage franc et inusité pour un politicien, il a mis le doigt où cela fait mal. On pouvait y lire en substance qu’entre 2010 et 2020 les bénéfices bruts des promoteurs ont été multipliés par huit avec un nombre de logements construits qui a demeuré plus ou moins constant. Les marges de certains promoteurs par contre ont fortement augmenté. /…/ Il a constaté que 83 % des terrains sont la propriété de quelques sociétés et de privés et que lors de projets de construction, les promoteurs travaillent souvent ensemble. Il a émis le soupçon d’un maintien volontairement bas des capacités de production du secteur engendré par de mauvaises conditions de travail et il a critiqué la commission de 3 % sur la vente des terrains.

On a pu y déchiffrer des suspicions concernant d’éventuelles ententes entre producteurs de logements. Elles font découvrir, en filigrane, une croyance angélique dans les vertus de l’encadrement gouvernemental et d’une réglementation plus stricte qui devraient, comme par enchantement, effacer les péchés des générations précédentes. Dans une belle harmonie, divers ministres ont lancé le 20 juin, après la classique évocation de la crise Covid, de la guerre en Ukraine et de la hausse des taux d’intérêt, une profession de foi visant à soutenir le secteur. Le ministre du Logement et de la Sécurité intérieure a sorti en urgence deux lois votées le 21 juillet, juste avant les congés parlementaires « vers le droit au logement abordable ».

Une réalité indigeste

Mais la réalité est plus dure, comme l’expliquait un important  intervenant du secteur : « Il y a cinq à six années le prix du mètre carré dans le sud du pays était de 3500 € tout le monde pouvait acheter des appartements y compris les ouvriers. Il y a deux ans, le prix dans le sud est passé à 5000 €. Les seuls qui pouvaient acheter des appartements, étaient les employés communaux, les cadres supérieurs et les employés d’État. Aujourd’hui les appartements sont à 9000 € du mètre carré. Plus personne ne peut se permettre d’acheter. L’état explique que les salaires sont trop bas ; il va falloir expliquer, comment au cœur d’une croise économique importante, augmenter les salaires pour permettre aux ouvriers d’acheter à 9000 € du mètre carré ce qu’ils pouvaient faire à l’époque avec 3500 €. » Et de préciser : « L’augmentation est un tout, mais dans le montage du projet le pourcentage du terrain a explosé ! Il y a une dizaine d’années lorsque le prix du terrain atteignait 15% du prix au m2 construit, le projet était déjà limite pour achat de la part du promoteur. Aujourd’hui le prix du terrain peut atteindre 50 % !

À cela s’ajoutent les prix de construction, qui eux-mêmes, ont sérieusement augmenté. » D’autres facteurs rendent une sortie rapide de l’ornière tout aussi difficile : la pléthore de règlements à interprétation variable en fonction des communes et des administrations, une volonté écologique dogmatique coûteuse, un nombre d’intervenants techniques de plus en plus nombreux et in fine un petit groupe de gros spéculateurs immobiliers dont certains sont trop endettés pour disparaître. A cela il convient d’ajouter la quasi-absence de l’état comme fournisseur de logements malgré un effort de dernière minute.

« En toute chose il faut considérer la fin »

Tel est le dernier vers de la fable de La Fontaine, Le Renard et Le Bouc. Le paquet de mesures annoncées par le ministre du Logement et de la sécurité intérieure, même avec le rachat de logements en construction, ne suffira pas face à la flambée du coût des crédits, à la frilosité de banques et à la limite de la capacité d’achat des jeunes couples et des salariés classiques. Les saines intentions de nos ministres ressemblent à la fameuse moutarde après dîner. Le grand arbitrage des élections d’octobre ne sera pas aisé. L’opposition à l’actuelle équipe gouvernementale est enlarge partie responsable de cet état de choses qui a pris racine sous son saint règne et ce n’est pas en érigeant d’anciens totems en tête de liste que l’on donnera un un regain d’optimisme à une communauté nationale.