L’Ukraine s’efforce de protéger son patrimoine de l’armée russe, un an après le début de son invasion. Plusieurs musées internationaux prennent part à ce mouvement de résistance en réattribuant la nationalité ukrainienne à des artistes jusqu’ici présentés comme russes.
Kasimir Malévitch est l’un d’entre eux. Ce peintre majeur de la première abstraction est né le 11 février 1879 à Kiev, alors que l’Ukraine était intégrée, en majeure partie, à l’Empire russe. Il quitte la capitale ukrainienne à l’âge de 22 ans pour parfaire son éducation artistique à Moscou. C’est dans cette ville qu’il devient l’un des protagonistes majeurs de l’avant-garde russe, au côté de Vassily Kandinsky, Vladimir Tatline ou encore El Lissitzky.
Le passé soviétique de l’Ukraine et l’importance déterminante qu’a joué la Russie dans la carrière de Malévitch expliquent pourquoi il est souvent décrit comme un artiste russe, et non ukrainien. Un raccourci historique que le Stedelijk Museum d’Amsterdam a décidé de corriger. Un porte-parole de l’établissement a déclaré à The Art Newspaper qu’il présenterait désormais Malévitch comme étant “né en Ukraine de parents d’origine polonaise”. Cette mention apparaît déjà sur les panneaux explicatifs du Stedelijk Museum et sur son site officiel. Elle apparaîtra également dans les futurs éléments de communication du musée.
Le Metropolitan Museum of Art de New York a entrepris une démarche similaire concernant Ivan Aivazovsky, Arkhyp Kuindzhi et Ilya Repin. Ces artistes sont désormais présentés comme d’origine ukrainienne, et non plus russe. “Le Met effectue continuellement des recherches et examine les objets de sa collection afin de déterminer la manière la plus appropriée et la plus précise de les cataloguer et de les présenter”, a déclaré un porte-parole du Met à ARTnews. “Le catalogage de ces œuvres a été mis à jour suite à des recherches menées en collaboration avec des spécialistes en la matière”.
Revaloriser le patrimoine culturel ukrainien
L’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes a conduit certains musées à reconsidérer la façon dont les œuvres d’art de leur collection traitant de l’héritage russe et ukrainien sont présentées. La National Gallery de Londres a ainsi rebaptisé, en mars 2022, un dessin d’Edgar Monet anciennement connu comme “Danseuses russes” pour mettre en valeur le patrimoine culturel ukrainien. Il s’intitule désormais “Danseuses ukrainiennes”. Le Met a également le titre d’un autre dessin de Degas portant le même nom et provenant du même ensemble d’œuvres. Il est dorénavant nommé “Danseuse en robe ukrainienne”.
Ce mouvement de revalorisation est porté par de nombreux internautes sur les réseaux sociaux, dont l’historienne de l’art ukrainienne Oksana Semenik. Cette dernière a lancé le compte Twitter “Ukrainian Art History” en juin 2022, afin de “décoloniser les musées européens et américains”. Elle y partage des œuvres d’art créées par des artistes ukrainiens comme Ivan Honchar, Mykhailo Bryansky, Volodymyr Mykyta ou encore Boris Kosarev.
Une initiative engagée à l’heure où le patrimoine culturel ukrainien paie un lourd tribut à la guerre. Le Conseil international des musées (ICOM) s’inquiète des menaces de pillage qui pèsent contre les musées et autres sites patrimoniaux du pays depuis le début de l’invasion russe. C’est pourquoi il a publié, en novembre, une “liste rouge d’urgence des biens culturels en péril en Ukraine” recensant une cinquantaine de types d’objets particulièrement en danger. Un outil que l’ICOM espère “pertinent et efficace” pour l’identification des objets culturels pillés et volés en Ukraine.