De Friends à Stranger things en passant par Chapeau melon et bottes de cuir, les génériques de séries ont beau être menacés par la fonction “passer l’intro” des plateformes, ils restent indissociables d’un genre et source de nouveaux débouchés pour les musiciens.
Quelle série démarre par “so no one told you life was gonna be this way ?”. Sans même répondre, une jeune femme clappe des mains, mimant l’introduction de Friends.
Elle participe à un quiz de l’exposition “Don’t skip”, organisée à Lille dans le cadre du festival Séries Mania pour retracer l’histoire des génériques, “art dans l’art” avec lesquels le public entretient “un rapport intime”, selon Olivier Joyard, son conseiller artistique et auteur d’un documentaire sur le sujet.
“A la fin des années 1940, nombre d’entre eux servaient de présentation par le sponsor de l’épisode à venir”, rappelle le journaliste des Inrocks, citant “les fabricants de savon” qui ont donné leur nom aux “soap operas”.
Dix ans plus tard, les séries Alfred Hitchcock présente et La quatrième dimension révolutionnent un genre que bousculera également Twin Peaks et son thème aérien et mélancolique signé Angelo Badalamenti en 1990.
Dix ans plus tard, les séries Alfred Hitchcok présente et La quatrième dimension viennent révolutionner le genre, ouvrant la voie aux génériques mythiques des années 1960, caractéristiques de l’explosion de la pop culture comme Mission impossible et Chapeau melon et bottes de cuir.
Puis dans les années 2010 vient le règne des agences spécialisées comme le studio Elastic, à l’origine des génériques de Game of thrones et The Crown.
Viral
“On est à un moment paradoxal: les génériques sont à la fois sophistiqués, mis en avant”, explique Olivier Joyard. “D’un autre côté”, ils ont tendance à raccourcir ou disparaître, à la faveur notamment du bouton introduit par Netflix il y a dix ans, pour sauter l’introduction.
“L’une des premières fonctions du générique, c’était de rappeler les rendez-vous” en agissant “presque comme un réveil qui se met à sonner dans notre corps, notre tête” avec la “joyeuseté des retrouvailles”.
Mais elle est mise à mal avec le “binge-watching”, qui consiste à regarder des séries pendant des heures. “Personne ne peut siffloter le générique composé par Danny Elfman (“Les Simpson”, “Desperate Housewives”) pour le dernier hit de Netflix, Mercredi“, tiré de l’univers de la famille Addams, constate le critique de séries Benoit Lagane.
En revanche, “si je fais trois claquements de doigts, on sait, on chante le générique de la vieille sitcom des années 60”.
Le genre n’est pas pour autant enterré, d’autant que la production augmente et que les diffuseurs tendent à comprendre l’importance du générique pour l’identité d’une série, selon Olivier Joyard.
Electro
En France, pays qui a inventé pour Dallas un générique chanté, les musiciens, en particulier électro, sont de plus en plus sollicités, à l’instar de Thylacine, auteur de la bande-originale d’Ovnis (Canal+), ou de Rebeka Warrior, recrutée pour Split (Slash).
“On me propose quatre séries pour un film en ce moment”, confirme Yuksek, compositeur du succès d’Arte En thérapie et d’Irrésistible” (Disney+).
“C’est toujours une très bonne nouvelle pour les créateurs quand arrive un nouveau mode d’expression” comme les plateformes, abonde Thibaud Fouet, directeur des sociétaires à la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique). D’autant que leur force de frappe mondiale “peut permettre de se faire remarquer du jour au lendemain”.
“On se lance sur ces projets pour plusieurs raisons, pas forcément financières”, les budgets n’étant “pas très élevés”, précise Olivia Merilahti, ancienne membre du groupe The Dø, ravie d’avoir renoué avec “des références plutôt punk Riot Grrrl” à la demande de la réalisatrice d'”Aspergirl” (OCS).
Preuve des ressorts intimes à l’oeuvre, Yuksek a reçu énormément de messages après la diffusion d’En thérapie, qu’il regardait lui-même et dont le générique lui “faisait un truc”: “C’est limite ce dont on me parle le plus en ce moment donc”.