Lentement mais sûrement, les femmes changent de statut dans l’art. Longtemps cantonnées au rang de muse ou de modèle, ces artistes sont enfin reconnues pour leur contribution dans l’histoire de l’art. Elles sont de plus en plus nombreuses à être célébrées dans des expositions ou des foires de premier plan.

The Women in Art Fair (WIAF) s’inscrit dans cette tendance de revalorisation des artistes femmes après des siècles d’ostracisation. La première édition de cette nouvelle foire d’art se tiendra du 11 au 16 octobre dans la capitale anglaise, en marge des prestigieuses Frieze London et Frieze Masters. Elle ambitionne de “corriger le déséquilibre entre les sexes dans le milieu de l’art” et donner aux artistes femmes, aux galeristes et aux curatrices “l’opportunité de montrer leur travail et de contribuer au développement d’un échange d’idées autour du genre, de la sexualité et de la culture”, comme on peut le lire sur son site Internet. 

Un recalibrage plus que bienvenu, à l’heure où l’on accorde de plus en plus d’importance et, surtout, de valeur aux œuvres produites par des femmes. Mais des disparités subsistent : les créations d’artistes femmes ne représentent que 3,3% des 187 milliards de dollars dépensés lors des ventes aux enchères entre 2008 et la première moitié de l’année 2022, selon la dernière édition en date du rapport Burns Halperin. De plus, seule une femme figure dans le classement d’Artnet des artistes les plus recherchés sur sa plateforme. Il s’agit de la Japonaise Yayoi Kusama, connue pour son univers fantasmagorique et délirant, où les pois sont déclinés à l’infini. 

The Women in Art Fair espère remédier à cette injustice à travers trois sections différentes. La galerie Ouest accueillera une vingtaine de stands présentant au grand public certains “des [plus] grands noms [de l’art] et des galeries internationales de renom”, dont la liste complète sera dévoilée en septembre, selon The Art Newspaper. De son côté, la galerie Est accueillera une exposition intitulée “Unnatural Women” (“Femmes surnaturelles”, en français), organisée par l’artiste, écrivaine et commissaire d’exposition Rowena Easton. Elle mettra en vedette des artistes femmes comme Paula Rego, Marcelle Hanselaar, Abigail Norris, Olivia Bullock et Angelina May Davies, d’après la publication spécialisée. La galerie Nord accueillera, elle, une exposition-vente d’œuvres d’artistes contemporaines répondant au thème “The world is a family” (“Le monde est une famille”, en français). Les créatrices souhaitant y participer ont jusqu’au 21 août pour répondre à l’appel à projet publié sur le site de la foire. 

Un musée dédié dans le sud de la France

Malgré tout, une question subsiste. Si l’égalité homme-femme est encore loin d’être atteinte dans les arts — seul 12% des oeuvres incluses dans les collections des plus grands musées américains ont été réalisées par des femmes—, ne risque-t-on pas de renforcer l’idée selon laquelle le genre est un critère de sélection ? Le débat est ouvert, même si les organisatrices de la Women in Art Fair sont convaincues de la nécessité de créer des espaces pour les grandes oubliées de l’histoire de l’art. “Je ne suis pas sûre que montrer les artistes femmes séparément [de leurs homologues masculins] et que les dissocier du marché de l’art soit le meilleur moyen de faire bouger les choses, mais c’est un puissant appel à l’action et un signe que les galeries ne changent pas ou ne s’adaptent pas assez vite”, a déclaré Sigrid Kirk, cofondatrice d’Awita, une organisation à but non lucratif associée à la foire WIAF, à The Art Newspaper.

D’autres initiatives vont également dans ce sens. Ainsi, un nouveau musée consacré entièrement aux artistes femmes verra le jour à Mougins, dans le sud-est de la France, en 2024. Cet établissement établira ses quartiers dans le musée d’Art classique de la ville, inauguré en 2011. Ce dernier fermera ses portes à compter du 1er septembre prochain pendant près d’un an, avant de renaître en tant que FAMM, pour Femmes Artistes du Musée de Mougins. 

FAMM présentera exclusivement des œuvres réalisées par des artistes femmes provenant de la collection de Christian Levett. Parmi elles figurent des créations de Louise Bourgeois, Joan Mitchell, Lee Krasner, Cecily Brown, Helen Frankenthaler, Tracey Emin, Barbara Hepworth et bien d’autres. “Cela fait un quart de siècle que je collectionne des œuvres diverses, et comme mes goûts ont évolué, je pense qu’il est temps que le musée évolue, lui aussi. Je suis impatient d’ouvrir notre nouveau musée FAMM, qui, j’en suis certain, deviendra rapidement une destination incontournable pour le grand public, les amateurs d’art, les connaisseurs et les collectionneurs dans le Sud de la France et au-delà”, a expliqué Christian Levett dans un communiqué.

Cette institution culturelle se targue d’être pionnière en Europe, même si la ville allemande de Bonn accueille un musée d’art contemporain consacré aux artistes femmes depuis 1981. Quoiqu’il en soit, elle témoigne d’un changement d’attitude vis-à-vis de celles à qui l’on a longtemps refusé le statut d’artiste professionnel. Elles ont désormais des expositions, des foires d’art et même des musées entiers à leur honneur. Une belle et juste revanche après des siècles dans l’oubli.