Du 1er au 6 août 2023, les jeunes catholiques du monde entier ont rendez-vous à Lisbonne au Portugal pour les 37e Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), une démonstration de puissance du Vatican aux dépens de la société civile.
Par Cadfael
Une organisation aux frais du contribuable
Les réseaux de communication du Vatican fonctionnent à plein régime. La cible : les jeunes de 17 à 30 ans de toutes confessions est-il expressément spécifié. Ce type de manifestation a été initié par Jean Paul II en 1985, sur un modèle copié des régimes communistes de l’époque.
KTO, la chaine de télévision catholique française qui émet au Moyen-Orient, en Afrique du Nord ainsi qu’en Belgique donne la thématique de cette mégaopération : un passage de l’évangile de Luc qui dit « Marie se leva et partit avec empressement » (Luc 1, 39). Il y a un hymne officiel et une prière spéciale ainsi que des pages dédiées à l’achat des tickets d’entrée. Il y aurait déjà 450.000 inscrits selon les sources de l’église. Les organisateurs visent un million de participants, des pèlerins selon la terminologie du Vatican.
Des dépenses pharaoniques
C’est sur une des berges du Tage, près du pont Vasco da Gama que va avoir lieu l’évènement majeur de cet open air religieux : une messe dite par Benoist. Ce pape avait jusqu’à présent étonné par sa simplicité et sa volonté de « nettoyage » d’une administration de l’église vermoulue par la pédophilie, les scandales financiers et sexuels impliquant de hauts dignitaires ainsi qu’une opulence médiévale ostentatoire qui passe mal dans un monde en crise économique, politique, et sociale.
Selon les pouvoirs publics, sur demande de l’église, on est en train de construire une énorme scène de 9 mètres de haut où se situera un autel. Elle aura une surface de 5000 mètres carrés (la moitié d’un terrain de foot) et pourra contenir 2000 personnes. D’après la presse, la moitié de ceux-ci seront des membres de la nomenklatura vaticane, probablement enchantés par ce tourisme religieux dans un pays accueillant et ouvert. Il y aura ainsi 1000 évêques (hommes seuls), 300 religieux (femmes et hommes), 200 choristes, un orchestre de 90 membres, 30 interprètes de langue gestuelle, des invités et l’équipe technique. Trois autels secondaires sont prévus dans Lisbonne, chacun représentant une dépense de plusieurs millions. Une de ces constructions oblige à déplacer une plastique moderne de 90 tonnes commémorant le 25 avril 1975, chute de Salazar.
Indignations et polémiques
Certains intellectuels rappellent utilement que selon sa constitution le Portugal est un état laïc avec séparation de l’église et de l’état. Dans la cacophonie générale, le président de la République Marcello Rebelo de Sousa, centriste, a demandé que l’on respecte « la vision simple et humble du pape ». Ces derniers jours, la position de la ville de Lisbonne semble s’être précisée : bon marché ou pas du tout ce qui veut malgré tout dire, quelques millions.
La facture de ces journées sera, selon des estimations du gouvernement socialiste, de la municipalité centriste de Lisbonne supérieure à 160 millions d’euros, dérapages budgétaires non compris. La ville de Lisbonne a pris un crédit de 15.3 millions pour combler sa faiblesse financière. S’y rajoute une dizaine de millions pour la ville de Loures sur l’autre rive du Tage où tout ce brave monde compte se rendre grâce à un pont piétonnier de 4 millions spécialement construit pour l’occasion. Aux dernières nouvelles la position de l’église est nébuleuse : sa participation financière à cette folie des grandeurs n’est pas connue. Elle souligne des retombées possibles d’au moins 700 millions, chiffres probablement suggérés par de Saints-Esprits.
Tout reste à faire sur le site choisi : électricité, canalisations, toilettes, éclairage, routes, réseaux téléphoniques, stations médicales…et sécurité. Le maire de Lisbonne a clairement fait savoir qu’il ne transigerait pas sur la sécurité. Il y a de la grogne parmi les services de police et de gendarmerie : mal payés et affaiblis par des départs en retraite non remplacés, ils subissent actuellement un regain de criminalité parfois très violente.
Il n’y a pas de petits bénéfices
Les prix des hôtels flambent avec des augmentations qui sont parfois de 800% pour un même objet. Gageons que les discothèques et autres lieux de plaisir feront un beau chiffre d’affaires. Les prix des tickets d’avions suivent la même courbe : la prière devient un luxe.
Une étude publiée par l’université catholique du Portugal ce 28 janvier révèle que plus de la moitié des Portugais sont pessimistes ou très pessimistes pour 2023 et 20% prévoient qu’ils ne pourront pas honorer leurs obligations financières. Dans un pays où les budgets de l’état coincent, où depuis deux mois les professeurs font grève pour des salaires décents et respectueux, où les hôpitaux doivent fermer certains services faute de personnel, ou 20% de la population sont sur le seuil de pauvreté, les logements sociaux et étudiants, une rareté, cette sainte ponction financière passe mal. Mais pour certains, Lisbonne vaut bien une messe.