C’est en 1604 que s’est tenue la toute première représentation d’Othello. Quatre siècles plus tard, son intrigue est toujours d’actualité et devient, entre les mains d’Aurore Fattier, une tragédie hybride qui emprunte aux codes du roman noir et du vaudeville.
« Il était une fois à Venise, un Maure très beau et très vaillant. Ses prouesses et sa prudence dans l’art de la guerre lui valaient d’être tenu en grande estime. Il se trouve qu’émue par son courage, une jeune et noble vénitienne appelée Desdemona s’éprit du Maure, et que vaincu par sa beauté, il lui rendit son amour… » Ainsi débute la tragédie de Shakespeare, et scelle par la même occasion le destin d’Othello, avant que Iago ne glisse dans son esprit et dans ses veines le ver infâme de la jalousie, qui l’entraînera vers sa chute.
Car en premier lieu, Othello est une histoire d’amour impossible entre Desdemona, blonde et solaire Vénitienne, et le charismatique Maure de Venise. « Othello est une pièce érotique sur le destin, le désir et la beauté », explique en préambule Aurore Fattier.
Mais plus encore, Othello pose la question de l’identité, de l’altérité et de notre rapport à l’étranger, cet autre qui ne nous ressemble pas. Une thématique chère au cœur d’Aurore Fattier, née en 1980 à Port-au Port au Prince (Haiti), et qui a grandi en étant blanche dans un pays de peaux noires. Son histoire personnelle résonne dans cette d’Othello, seul Noir dans un royaume de Blancs.
Pour ce faire, la metteur en scène recours à différents médias pour l’entraîner dans « le vertige du théâtre dans le théâtre » et le questionner. Au pur jeu de scène, elle recourt ainsi également à la vidéo, afin de l’entraîner à un voyage dans le temps et l’espace, de Venise à Chypre, en passant par l’Amérique ou l’Afrique, et ainsi élargir la réflexion, avec notamment cette évocation de Gabalus, premier homme noir à avoir campé le personnage Othello sur scène, déchaînant les passion, le désir féminin et la jalousie masculine. Ajoutez de morceaux de jazz, dont le dernier n’est pas sans évoquer le chant du cygne, qui plonge le spectateur dans un roman noir.
Pour autant, la lumière jailli sans cesse, à la faveur de l’esthétique et des projections, mais égaement grâce à la candeur virginale et la douceur de Desdemoda (Pauline Dicry), les noires facéties d’un Iago (Koen de Sutter) qui, plus d’une fois, tire un éclat de rire aux spectateurs, et dans la chute fastueuse d’Othello (William Nadylam).
Aure Fattier livre là un Othello d’une beauté époustouflante et dont l’intrigue vous tient en haleine jusqu’au dernier souffle.
Othello, d’Aurore Fattier, au Grand Théâtre (Studio)
Prochaines représentations :
Jeudi 18 Octobre 2018 à 20h00
Samedi 20 Octobre 2018 à 20h00
Dimanche 21 Octobre 2018 à 17h00
Crédit photo : ©Dominique Houcmant