Le jean est l’une des pièces les plus polluantes de notre garde-robe… Il s’en vend pourtant près de 2,3 milliards chaque année dans le monde, soit environ 70 par seconde. Un constat qui pousse les acteurs de la mode à se réinventer, et à produire des modèles plus durables, via de nouvelles matières, de nouveaux usages, et une fabrication plus propre. Autant d’initiatives qui participent à dessiner doucement mais sûrement les contours du jean du futur.
Près de 4.000 litres d’eau et 65.000 km parcourus pour une durée de vie moyenne de seulement quatre années. Les chiffres liés à l’impact environnemental de la fabrication et de l’utilisation d’un seul et unique jean sont édifiants, et sont à mettre en parallèle avec les 2,3 milliards de modèles vendus chaque année dans le monde – près de 63 millions en France. On l’aura compris, il s’agit d’un incontournable de la garde-robe des femmes, comme des hommes, qui nécessite une attention particulière du fait de son caractère extrêmement polluant, du début à sa fin de vie. Longtemps pointé du doigt, le jean a (enfin) entamé sa mue pour se tailler un avenir plus durable, sous l’impulsion d’entreprises et de marques engagées, bien décidées à lui (re)donner ses lettres de noblesse.
Des alternatives au coton
Qui dit jean plus durable, dit nécessité de trouver des fibres moins polluantes que le coton, matière par excellence de la fameuse toile de jean. Il faut reconnaître que les acteurs les plus engagés ont considérablement avancé sur le sujet en proposant notamment du coton recyclé – la plupart du temps mélangé avec du coton classique – mais aussi du coton biologique, moins gourmand en eau et en substances toxiques, avec une empreinte carbone moindre par rapport au coton conventionnel. En matière de coton, une marque française, 1083, est allée encore plus loin en proposant pour la première fois un jean conçu à partir de coton français. Non content d’œuvrer à relocaliser les savoir-faire, et donc les étapes de fabrication du jeans, en France depuis une décennie, le label vient de présenter le premier fil de coton 100% français, fruit de la terre et du recyclage de vieux jeans. Une première qui a de quoi inspirer d’autres marques tricolores.
Il existe d’autres alternatives au coton, plus ou moins connues, et plus ou moins utilisées. Le lin et le chanvre, deux matières durables et résistantes, dont la culture ne nécessite que très peu d’eau, et encore moins de pesticides, sont de plus en plus présentes au rayon denim. Et pour cause, leur impact sur l’environnement est par essence bien moindre par rapport à celui du coton. Le constat est le même pour le kapok, une fibre végétale qui pourrait elle aussi rapidement s’imposer comme une alternative incontournable au coton.
Des jeans à partir de déchets
Tout comme la seconde main, l’upcycling est une pratique éco-responsable en plein boom. Consistant à valoriser des objets et matières usés, elle a notamment permis de transformer ces derniers mois les déchets en matières premières hautement désirables – et indispensables – pour lutter contre le gaspillage. Et les jeans n’y échappent pas. Les acteurs de la mode ont commencé par collecter les vieux modèles pour leur offrir une seconde vie, mais cela ne s’arrête pas là, il s’agit désormais de recycler – ou plutôt d’upcycler – toutes sortes de déchets pour les transformer en slim, bootcut, flare, et autres coupes droites. Les bouteilles en plastique, où qu’elles soient collectées, peuvent jouer ce rôle, après avoir été broyées puis métamorphosées en fils puis tissées. Reste que cette matière moins nocive pour la planète ne représente en général qu’une infime partie dudit jean, pour des raisons de qualité et de résistance. Notons que Le Gaulois, Atelier Tuffery, Hast, 1083, Ecclo, Dao, ou encore Green Lion comptent parmi les marques qui œuvrent déjà pour rendre le jean plus écolo.
Certains acteurs vont encore plus loin avec des initiatives aussi surprenantes qu’éco-responsables. C’est le cas de la brasserie japonaise Sapporo Breweries, basée à Hokkaido, qui a présenté en 2022 de premiers jeans fabriqués à partir de déchets issus du malt et du houblon. Le tout en collaboration avec Shima Denim Works, une entreprise qui fabrique déjà des vêtements à partir de bagasse, un résidu issu du broyage de la canne à sucre. Pour y parvenir, les deux sociétés ont transformé les déchets issus du brassage de la bière en washi, du papier qui a ensuite été filé et tissé en vue de fabriquer des jeans. Il ne s’agit là que d’une production en quantité très limitée (quelques dizaines de jeans) mais qui témoigne du potentiel de certains déchets dans la production de vêtements en denim.
La location et la réparation
On l’a vu, les marques sont de plus en plus nombreuses à œuvrer pour rendre le jean plus éco-responsable – et durable – mais les consommateurs ne sont pas en reste, et adoptent de leur côté de nouveaux usages. La seconde main compte bien sûr parmi ces nouveaux comportements en plein boom, la longévité des vêtements étant au coeur des préoccupations. Et cela passe aussi par la réparation, que ce soit via des professionnels, ou en DIY. En France, l’atelier Les Réparables combine les deux en réparant vos jeans troués, décousus ou abîmés, en quelques clics, et en fournissant des conseils pour les raccommoder à domicile. Sur le site officiel de ce service sur mesure, on trouve des conseils pour venir à bout d’un trou, réparer une braguette ou remettre un bouton. Notons que depuis la crise sanitaire, les services de réparation font leur grand retour partout dans le monde, et s’adaptent au quotidien des travailleurs avec la possibilité, notamment, de confier et de récupérer les vêtements auprès de coursiers.
Et si cela ne suffit pas, il est possible de passer à l’étape supérieure en ne possédant aucun jean grâce à la location. La marque Mud Jeans propose d’acheter ou de louer des modèles pour des montants quasi similaires avec la possibilité – ou non – de devenir propriétaire dudit vêtement au bout de douze mois. Le principe est simple : il suffit de choisir le jean et de s’inscrire, puis de s’engager pour douze mois de location, et enfin de décider de le garder ou de le renvoyer en vue d’un échange ou de son recyclage. Un procédé qui permet de lutter contre la surproduction et les déchets, qui pourrait là encore devenir progressivement la norme.