Pour faire face à la prolifération foudroyante du poisson-lion dans certaines eaux, trois plongeurs aguerris ont eu l’idée de transformer cette espèce envahissante en un produit haut de gamme : le cuir de poisson. Une initiative qui pourrait contribuer à alléger l’impact de la mode sur la planète, tout en protégeant les récifs coralliens, et plus largement la biodiversité.
Les alternatives au cuir traditionnel se suivent mais ne ressemblent pas. Après le “cuir de laboratoire” et le “cuir de champignon”, deux substituts sérieux au cuir animal, place au cuir de poisson-lion, ou rascasse volante, qui, contrairement à ce que son nom laisse imaginer, pourrait contribuer à panser un déséquilibre écologique créé par l’homme il y a plusieurs décennies. C’est le projet ambitieux porté par la start-up Inversa, créée par des plongeurs passionnés, qui fabrique du cuir à partir de cette espèce invasive qui détruit les récifs coralliens, ainsi que des chaînes alimentaires océaniques entières.
Un danger pour la biodiversité
Originaire des océans Indien et Pacifique, la rascasse volante ne présentait aucun danger pour les océans jusqu’à ce qu’elle soit introduite par l’homme dans l’Atlantique, au large de la Floride, avant de proliférer pour s’installer durablement dans plusieurs endroits, des Caraïbes au Mexique en passant par le Brésil, jusqu’en Méditerranée. Sans aucun prédateur naturel dans son nouvel habitat, la rascasse volante crée un déséquilibre écologique depuis les années 90. La société Inversa affirme qu’un seul de ces poissons résidant sur un récif corallien pourrait tuer 79% des bébés poissons de récifs en l’espace de cinq semaines.
Un constat que plusieurs plongeurs américains, dont Aarav Chavda, font depuis plusieurs années, observant progressivement la disparition d’espèces de poissons colorés, ainsi que la destruction des récifs. Tentant de mettre fin à la prolifération de cette espèce invasive, ils ont créé la start-up Inversa, qui fabrique un cuir spécifique à partir de rascasses volantes, fin mais résistant grâce à la structure transversale des fibres, pour des marques partenaires qui en font des sneakers, des portefeuilles, des ceintures, des sacs à main, ou encore des bracelets de montres.
70.000 poissons de récifs sauvés
Inversa ne qualifie pas son cuir de durable, mais de “régénérateur”, expliquant qu’il contribue non seulement à protéger la biodiversité, mais qu’il est aussi plus durable que les cuirs dits traditionnels. Il ne nécessite pas, en effet, d’immenses surfaces de pâturage, participant à la dégradation des sols et à la production d’émissions de méthane. “Nos cuirs fabriqués à partir d’espèces invasives contribuent à résoudre une crise environnementale et à protéger la biodiversité. Pour la première fois, les produits peuvent être plus que simplement ‘moins mauvais’. Chaque peau permet de sauver jusqu’à 70.000 poissons de récifs indigènes et de soigner activement notre planète”, indique l’entreprise sur son site.
Si le cuir de poisson-lion est tanné et teint par la start-up américaine, ce sont des pêcheurs locaux qui l’approvisionnent, comme l’explique Aarav Chavda au Guardian. L’entreprise entend d’ailleurs désormais créer des coopératives de pêche à Quintana Roo, au Mexique, avec de solides garanties permettant aux pêcheurs d’être payés rapidement et équitablement, tout en finançant l’achat de nouveaux équipements.
Inversa s’est notamment associée à la marque de chaussures italienne P448 pour proposer des souliers plus durables, qui pourront contribuer à protéger la biodiversité, et à rétablir un certain équilibre écologique dans les mers et océans du globe.