C’est demain que le Casino Luxembourg réouvrira officiellement ses portes après quelques mois de travaux. Voilà 20 ans pile que l’institution ouvrait ses portes. Cela valait bien quelques aménagements.
Dès l’entrée, le changement s’impose. Le hall est désormais baigné d’un halo lumineux, avec des entrées de part et d’autre du bâtiment, le tout accessible gratuitement. La notion de Forum prend alors tout son sens avec cette transformation du rez-de-chaussée que l’on doit à l’architecte Claudine Kaell, qui avait remporté le projet. Dans ce vaste espace, la caisse et des comptoirs sur lesquels sont exposées différentes publications. A droite, la BlackBox, destinée à offrir un écrin privilégié à la création contemporaine vidéo. De l’autre, le restaurant du Casino, joliment baptisé ca(fé)sino, sous la houlette de Johan Herelixka et de Laurent Bouchend’Homme.
Voilà pour le rez-de-chaussée. Le premier étage, qui sera consacré aux expositions temporaires, n’échappe pas lui non plus à cette volonté de faire du Casino un lieu ouvert et clair. Fini les petits volumes cloisonnés, désormais supplantés par une grande galerie et une petite pièce. Kevin Muhlen, directeur artistique des lieux depuis 2009, souligne qu’il était primordial pour eux de «jouer avec les espaces. Avoir différentes surfaces d’exposition est intéressant. Nous avons pris le parti de faire un changement total.»
«Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or»
Une ambition qui a naturellement donné matière à créer. Pour cette première de la nouvelle décennie qui s’amorce pour le centre d’art, c’est l’artiste espagnole Lara Almarcegui qui a créé une œuvre d’art spécialement pour l’occasion. Au premier étage s’étend donc Le Gypse, soit vingt tonnes de plâtre qui ne sont autres que les murs d’exposition qui ont été détruits durant ces travaux. Le processus de transformation des lieux est donc intimement lié au propos artistique et se décline, presque, à l’envi. Les murs sont laissés bruts – le directeur explique en effet leur volonté de laisser les lieux en l’état, de ne pas vouloir dissimuler la réalité – et cette masse incroyable gît, occupant la majeure partie du premier étage, offrant «un paysage un peu lunaire» aux visiteurs, comme le précise Kévin Muhlen. Une autre œuvre de l’artiste recense ce qui fait, concrètement le Casino. L’artiste, qui avait déjà expérimenté cette création avec des villes, comme Madrid, l’a appliqué au Casino Luxembourg, et sur le mur blanc s’affiche la somme de toutes les composantes matérielles des lieux: béton, zinc, verre… évaluées en tonnes. Enfin, dans la plus petite pièce de l’étage, la projection de photos des caves du Casino, exposant la roche à l’état brut ainsi qu’un curieux papier officiel. Il ne s’agit de rien d’autre qu’une autorisation – fraîchement obtenue – d’exploiter le gisement de gypse sur lequel est bâti le Casino. Rien n’est prévu pour l’heure, explique Kevin Muhlen, en souriant. Mais qui sait?
Carte blanche pour BlackBox
C’est le duo David Brognon et Stéphanie Rollin qui inaugure le nouvel espace entièrement consacré à la vidéo. Pensé pour mettre véritablement en valeur ce pan de la création contemporaine, et avec une programmation propre, sans aucun lien avec les expositions temporaires en cours, cet espace veut tisser un lien vivant, en même temps qu’il permet de conserver une fin artistique au rez-de-chaussée. Une chose à laquelle le Casino tenait absolument.
Le duo présente donc trois vidéos fascinantes, ramenées de leur récent périple artistique en Israël: Cosmographia, The Agrement et Hangover, qui contribuent à explorer la marginalité des territoires et les frontières – géographiques, politiques, morales ou psychologiques – que l’être humain s’est appropriées, qu’il défend ou qu’il ignore (in)consciemment, parfois jusqu’au sang.
L’art délicat des mélanges
Dernière nouveauté des lieux, la création d’un café culinaire, le ca(fé)sino, qui, s’il reste un repaire pour les gourmands, n’en reste pas moins un lieu d’art. Il est en effet surplombé par l’œuvre de Claudia Passerai Zeitgeist – Karl Cobain, un incroyable luminaire en néon – rose et champagne – composé de deux ondes sonores. Se font ainsi face la première phrase du Manifeste du Parti Communiste de Karl Marx et une phrase extraite de The Man who sold the world, de David Bowie, mais reprise par Kurt Cobain. Deux époques, deux idéologies se trouvent ainsi mêlées dans un lieu qui lui même rapproche la gastronomie de l’art.