La voiture, exemple emblématique de fétichisme social, est un enjeu qui dépasse largement sa valeur monétaire ou symbolique individuelle. Dans un contexte où une classe politique européenne affiche un écologisme intransigeant et promeut le tout-électrique pour les véhicules à quatre roues, cela pose problème.
Par Cadfael
Une météo économique brumeuse
L’industrie automobile est un bon baromètre de la santé économique des États. Les Européens se démènent, coincés dans les rapports de force entre la Chine et les États-Unis. Malgré les discours de Pékin sur des intérêts mutuellement bénéfiques, il s’agit d’une guerre économique et culturelle qui dure depuis des années. Grâce à ses stratégies à long terme, Pékin est devenu maître du jeu, jouant habilement la carte de l’électrique dans un secteur crucial pour les économies occidentales, et compte bien le rester. Il y a quelques décennies, le marché chinois, avec ses coûts de production bas, semblait être une proie facile pour les entreprises occidentales. Le bon élève chinois, ayant bien assimilé la leçon et l’ayant améliorée, a relégué ses anciens maîtres au second plan. Les étudiants et professeurs chinois présents dans les universités occidentales n’y sont certainement pas pour rien.
La Chine était autrefois le marché de référence pour l’importation de véhicules européens, avec une croissance de 40 % en volume et de 37 % en valeur. Aujourd’hui, les importations de véhicules européens se sont effondrées. La baisse de 15 % des exportations allemandes vers la Chine reflète une tendance générale. À l’inverse, rien qu’au mois de mars, l’Europe a importé 500 000 véhicules en provenance de Chine, selon l’« European Car Group », l’association des affréteurs maritimes, dont 75 % étaient des modèles thermiques. En août, les immatriculations de véhicules neufs ont chuté de 18,3 % en Europe, avec une dégringolade d’un tiers pour les véhicules électriques, selon “acea.auto”, qui ne représentaient plus que 12,5 % du marché européen. En même temps, le vieux continent doit faire face à une concurrence agressive de la Chine, qui propose des véhicules plus innovants et surtout moins chers.
Une bonne affaire
Actuellement, plus de la moitié des véhicules en circulation en Chine sont électriques, grâce à des productions locales fortement subventionnées. Le meilleur exemple en est BYD. Issu d’un fabricant de batteries fondé en 1995, sa production automobile tout électrique, lancée en 2023, couvre toute la gamme de véhicules avec des innovations technologiques qualifiées de 100 % maison. BYD vient de lancer son premier navire dédié au transport de véhicules et de finaliser le rachat de son concessionnaire en Allemagne.
Pour mieux échapper aux droits européens, le groupe prévoit d’ouvrir une usine en Hongrie. La firme a vendu plus de 3 millions d’unités en 2023, soit une croissance de 61 % par rapport à 2021. Selon le Rhodium Group, une firme d’intelligence économique, BYD dégage une marge de 1 300 euros par unité du modèle Seal vendue en Chine, tandis que celle-ci grimpe à 14 300 euros pour le même modèle vendu en Europe. La fabrication d’une voiture électrique nécessite environ 40 % de main-d’œuvre en moins qu’un véhicule thermique, selon le site « carbone4 », car elle comporte moins de pièces et de composants, réduisant ainsi le temps d’assemblage.
Un secteur sous haut risque
Stellantis, après ses échecs en Chine, a annoncé, selon Le Monde du 19 octobre dernier, la cession de ses trois usines chinoises à son partenaire Dongfeng, qui gérera la production et la vente des modèles Peugeot et Citroën en Chine. En 2022, la coentreprise de Stellantis avec Guangzhou Automobile Group Co., qui produisait des véhicules Jeep, avait déposé le bilan. Actuellement, le groupe rencontre de lourds problèmes en Europe et aux États-Unis, avec une chute des ventes, des problèmes de qualité, un manque d’innovation, des licenciements et des grèves. Les Américains accusent les Français de démantèlement. Selon Fortune, les anciens propriétaires de Chrysler et de Dodge souhaitent reprendre leurs droits face à « l’obsession française du tout électrique ». Le groupe devrait terminer l’année avec un flux de trésorerie négatif de plusieurs milliards. Alors que la situation se dégrade, Stellantis annonce le lancement d’une structure européenne en partenariat avec le chinois Leapmotor, visant à commercialiser des modèles chinois en Europe, tandis que d’autres cherchent à protéger leur marché domestique.
Selon l’industrie automobile, à l’exception de Stellantis, la vision économique de Bruxelles est « catastrophique ». Celle que l’on surnomme « la reine Ursula » impose des normes sévères, « au risque de couler l’industrie automobile européenne », selon le patron de Renault. En érigeant l’électrique en une nouvelle norme, elle impose qu’en 2025, 20 % de la production automobile soit consacrée à l’électrique, tout en bannissant les moteurs thermiques, une technologie complexe dans laquelle l’Europe excellait. Cette approche radicale est unique au monde. Certains experts en stratégie estiment que tant que les militaires n’adopteront pas les « véhicules à pile », jugés peu fiables pour de nombreuses raisons, il est préférable de conserver les moteurs thermiques, qui consomment peu, polluent peu et restent perfectibles. En attendant, l’industrie automobile est contrainte d’investir des milliards dans l’électrique, en Europe comme en Chine.
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