Avec l’arrivée de l’hiver, la question de la souveraineté énergétique est plus que jamais d’actualité. Ce casse-tête économique et politique devient de plus en plus complexe, et les gouvernants semblent éviter tout débat public majeur, préférant rassurer les populations.

Par Cadfael

Le retour du gaz russe

La Russie a suspendu, ce week-end, ses livraisons de gaz liquéfié à l’Autriche, exacerbant une crise énergétique latente. En octobre, la facture énergétique autrichienne atteindrait 220 millions de dollars, selon la presse économique. L’Autriche affirme toutefois pouvoir compenser cette perte avec du gaz en provenance d’Italie, d’Allemagne et des Pays-Bas. Mais quel sera l’impact réel sur l’économie autrichienne ? Dans les médias, le spectre d’une panne énergétique totale refait surface.

La Hongrie et la Slovénie restent désormais les seuls pays européens, aux côtés de l’Allemagne, à acheter encore du gaz russe. Cette dernière, malgré sa politique officielle de sanctions contre Vladimir Poutine, continue à importer ce gaz, selon ses propres médias. Il représente toujours 22 % des besoins énergétiques allemands. Acheminé via les ports français et belges avant de transiter par des pipelines, l’origine de ce gaz devient indétectable.

Selon le Financial Times, citant des documents fuités, le gouvernement fédéral allemand envisage d’interdire cette pratique. L’Union européenne cherche en effet à renforcer son indépendance énergétique et à augmenter ses importations de gaz liquéfié américain, en grande partie issu de la fracturation hydraulique (fracking).

Les stratèges bruxellois espèrent, par ce réajustement énergétique, éviter une hausse des droits d’importation américains sur les produits européens. En 2023, les principaux fournisseurs de gaz de l’Europe étaient la Norvège et les États-Unis, représentant chacun 30 % des approvisionnements.

Paradoxes, paradoxes

Avec 40 millions de véhicules électriques en circulation dans le monde, leur fonctionnement représente entre 0,5 % et 1 % de la consommation électrique mondiale. Ce chiffre pourrait grimper à 6 % ou 8 % d’ici 2035. Toutefois, en cas de crise énergétique majeure, cela poserait un risque de paralysie rapide de la mobilité électrique.

En Allemagne, les prévisions optimistes estiment qu’en 2030, environ 11 % de la production électrique du pays sera dédiée à la mobilité électrique. À cela s’ajoute la popularité croissante des pompes à chaleur, qui constitue un facteur de surcharge supplémentaire pour les réseaux électriques, comme le souligne Euractiv.

En 2021, les producteurs d’électricité européens garantissaient une capacité suffisante pour alimenter 50 millions de pompes à chaleur. Mais cette marge pourrait être mise à rude épreuve par l’évolution rapide des besoins énergétiques et le développement conjoint des véhicules électriques et des systèmes de chauffage écologiques.

Une intelligence artificielle vorace

L’éducation et l’utilisation des algorithmes d’intelligence artificielle (IA) se révèlent extrêmement énergivores. Selon une étude publiée en juillet 2024 par le World Economic Forum, Microsoft a déclaré que ses émissions de CO2 liées à l’IA ont augmenté de 30 % depuis 2020. De son côté, Google affiche une hausse de 50 % par rapport à 2019.

Une recherche en IA nécessite en moyenne 33 fois plus d’énergie qu’une recherche informatique classique. L’éducation d’un modèle comme GPT-3 consomme environ 1 300 mégawattheures (MWh), soit l’équivalent de la consommation annuelle de 100 ménages américains. Pour des modèles plus avancés, tels que GPT-4, cette consommation serait 50 fois supérieure. La demande en puissance de calcul pour l’IA double actuellement tous les 100 jours, obligeant les machines à fonctionner en continu, 24 heures sur 24.

À cette consommation énergétique s’ajoute un surcoût de 50 % pour le refroidissement des centres de calcul, ainsi qu’une utilisation massive d’eau. Microsoft a ainsi révélé une augmentation de 34 % de sa consommation d’eau entre 2021 et 2022, atteignant 6,4 millions de mètres cubes par an, soit l’équivalent de 2 500 piscines olympiques.

Ces chiffres mettent en lumière l’impact environnemental croissant de l’IA, posant la question de la durabilité de cette technologie à l’heure où la transition énergétique devient une priorité mondiale.

Vive l’atome (vert)

Où trouver les ressources vertes nécessaires ? La réponse, du moins dans une perspective américaine, semble déjà tracée. Des géants comme Google, Microsoft et Amazon investissent dans leurs propres centrales nucléaires. Google prévoit de mettre en service sa première mini-centrale nucléaire d’ici la fin de cette décennie, et d’autres suivront. Microsoft, de son côté, a signé un accord pour relancer la centrale nucléaire de « Three Mile Island », tristement célèbre pour l’incident de 1979. Amazon, quant à lui, s’apprête à acquérir une centrale en Pennsylvanie. Cependant, ces projets pourraient rencontrer des obstacles géopolitiques. Le 15 novembre, Vladimir Poutine a interdit l’exportation d’uranium enrichi vers les États-Unis, compliquant ainsi l’approvisionnement en combustible nucléaire. Cette décision fait suite à une interdiction imposée en mai par l’administration Biden sur les importations de combustible nucléaire russe, qui représentaient 35 % des besoins américains. Une manne financière d’un milliard de dollars par an pour Moscou. Pendant ce temps, Donald Trump, futur président des États-Unis, et son allié Elon Musk, peu enclins à soutenir les politiques écologiques, privilégient les intérêts économiques, notamment dans le domaine des monnaies numériques. Selon la Brookings Institution, ces dernières consomment actuellement autant d’énergie que des pays comme la Norvège ou l’Argentine. Quant au Luxembourg, qui dépend à 70 % de la France et à 23 % de l’Allemagne pour son approvisionnement en gaz, son avenir énergétique reste étroitement lié aux aléas de la géopolitique européenne. La transition énergétique et les tensions internationales continueront de peser lourdement sur la sécurité énergétique du pays.

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