Par Cadfael
Depuis l’agression de l’Ukraine, les sanctions internationales pleuvent sur la Russie et ses oligarques, rouages essentiels du régime moscovite pour assurer le fonctionnement très particulier de l’économie russe. Synonymes de détournements colossaux de richesses, ils sont particulièrement visés par les sanctions internationales.
Une chasse planétaire est ouverte
Le président Biden l’a annoncé lors de son discours à la nation : « Nous venons saisir vos gains mal acquis ». La liste des personnes et organismes sanctionnés par Washington s’allonge de jour en jour, Bruxelles suit, tout comme le Royaume-Uni, le Canada et d’autres pays. Londres vient de rajouter 350 noms à sa liste. La justice américaine a mis en place un groupe d’intervention appelé « kleptocapture ».
La presse mondiale note avec une certaine malice que les oligarques cherchent à mettre à l’abri leurs joujoux : avions, villas et yachts. Quelques douzaines des yachts de plus de 24 mètres (79 pieds) leur appartiennent. Valeur totale estimée : 5.4 milliards de dollars. Selon les sites « vesselfinder » et « marinetraffic », une douzaine de bâtiments ont réussi à s’enfuir et semblent avoir été mis à l’abri dans des ports du Monténégro ou des Maldives ou à Dubaï. D’autres ont simplement disparu des écrans en naviguant vers la mer Noire ou des ports russes comme Sotchi et Novorossiysk. La France a saisi les 83 mètres de l’« Amore Véro » appartenant au patron de Rosneft.
La République italienne est plus efficace grâce à son expérience dans le combat contre les mafias. Elle a saisi à San Remo, le « Lena » (40.8 mètres) et le « Lady M. » (64 mètres) appartenant à Mordashov, actif dans les aciers et l’exploitation minière. Il lui reste le « Nord » un navire de 142 mètres valant un demi-milliard qui est tranquillement ancré aux Seychelles hors juridiction des États-Unis et de l’Union européenne. Les Italiens ont également mis sous séquestre des villas en Sardaigne, sur la Côte Ligure et à Como.
Saisir un yacht, pas aussi simple.
En Allemagne, le cas du navire de Usmanov, un des oligarques favoris de Poutine selon Bruxelles, est révélateur. Le « Dilbar » (156 mètres) lancé en 2016, montre l’inadéquation de la législation en vigueur face à la nouvelle donne. Le yacht aurait coûté, selon Apnews, 648 millions de dollars. Pas satisfait de sa construction, l’oligarque l’a fait refaire pour quelques centaines de millions en Allemagne. Les autorités allemandes auraient tenté de le saisir, mais les oligarques ont des dizaines d’années d’expérience en la matière, et des avocats très furtifs pour blinder juridiquement leurs joujoux. Un responsable allemand déclarait que la RFA était incapable de définir le propriétaire exact. Le bateau du monsieur étant au nom de sa mère, sous pavillon des îles Cayman et enregistré dans une société holding de Malte. En attendant, le « Dilbar » doit obtenir une licence d’exportation pour sortir des docks allemands, ce qui devrait durer. D’autres se défont de leur bateau comme le « Stella Maris » (72 mètres) qui aurait été vendu le mois dernier a un acheteur non identifié pour 75 millions.
Le cas Abramovich
Connu pour être l’ex-patron du club de foot de Chelsea, saisi par les autorités britanniques, il s’est construit un nom dans les milieux du yachting pour ses excentricités flottantes. Fin 2010, il prenait possession de l’« Eclipse », yacht de 164 mètres, valant un demi-million de dollars. Avec 76 hommes d’équipage, ce yacht est équipé de vitres pare-balles, de sorties de secours, de la place pour 3 hélicoptères, deux héliports, incluant piscine, spa et discothèque, il disposerait selon des sources sérieuses d’un système antimissile, d’un sous-marin pour trois personnes et d’une panic room. Actuellement, il est à louer pour deux millions de dollars par semaine.
Le nouveau joujou de l’oligarque s’appelle « Solaris », tout juste terminé l’année dernière : 140 mètres pour 600 millions de dollars. Le bâtiment a quitté l’Espagne juste deux jours avant que les sanctions anglaises ne tombent et est actuellement ancré sur la côte du Monténégro.
Un personnage toxique
Abramovich est celui qui illustre le mieux le jeu pervers entre pouvoir, finances rapides, contrats d’état. La corruption et une planète fiscale sans frontières où tout a son prix.
Selon la BBC, il s’est enrichi comme beaucoup d’autres à la chute de l’Union soviétique en achetant à crédit des entreprises d’État quasi soldées, corruption aidant. Disposant, comme d’autres oligarchies sur la liste des sanctions, d’avoirs conséquents au Luxembourg, les observateurs attendent une réaction du gouvernement grand-ducal. Très proche du président d’alors, Boris Eltsine, Abramovich l’est maintenant de Poutine. Il est en première place de la liste « Navalny 35 », publiée par la fondation « anti-corruption » de Navalny pour son niveau de corruption et son implication dans l’empoisonnement de celui-ci, liste remise à Washington, Bruxelles ainsi qu’à divers états occidentaux.
La nationalité portugaise
Selon le magazine Forbes, il aurait des propriétés d’une valeur de 630 millions de dollars en France dont le château de la Croë au cap d’Antibes et en Angleterre, car les enfants de l’ancienne République des prolétaires aiment se parer de l’aura de l’ancienne noblesse. Ayant perdu le droit de résidence en Angleterre, il a ressorti son passeport israélien.
En avril de l’année dernière, en parallèle de ses racines ashkénazes, il s’est découvert des racines juives sépharades. En vertu d’une loi sur les descendants de Juifs sépharades portugais, il a pu obtenir la nationalité portugaise via le rabbin de Porto. Le procureur général de la République portugaise a ouvert une enquête. La semaine dernière, la police judiciaire a coffré le rabbin de Porto au moment où celui-ci embarquait sur un vol vers Israël. On lui reproche les crimes de corruption, trafic d’influence, blanchiment, et autres vilaines choses. Dans le cadre de la même enquête, le nom de Drahi, patron d’Altice, a fuité dans la presse portugaise. Tandis que les uns jouent avec l’argent, d’autres vivent et meurent sous les bombes russes ou vont en prison pour avoir protesté contre cette guerre.
Vers qui va notre respect ?