La Mostra de Venise est en passe de réussir son pari : l’ultime film de la compétition, le très attendu “Nomadland”, est projeté vendredi, sans que le coronavirus ait enrayé la machine du premier grand festival de cinéma en pleine pandémie.
Dernier des 18 films en lice pour le Lion d’Or, “Nomadland” est signé Chloé Zhao, réalisatrice américaine d’origine chinoise remarquée en 2018 avec “The Rider”, et qui prépare par ailleurs un film avec Marvel. Un morceau de choix, avec l’actrice oscarisée Frances McDormand, pour une édition de la Mostra marquée par la quasi-absence de productions américaines, crise sanitaire oblige.
Ce roadtrip mélancolique d’une femme brisée par la vie, exemple des perdants de l’Amérique d’aujourd’hui, doit être présenté quelques heures plus tard à peine au festival de Toronto. Une illustration de la volonté des festivals de cinéma de montrer leur solidarité face au virus qui a mis le secteur à genoux. Les organisateurs de la Mostra, en tout cas, peuvent pousser un premier “ouf” de soulagement, avant la traditionnelle cérémonie de remise des prix (samedi à 18h00), décernés par le jury et sa présidente, l’actrice australienne Cate Blanchett.
“Pour l’instant nous n’avons pas enregistré de cas de coronavirus. C’est une victoire”, s’est félicité le président de la Biennale de Venise Roberto Cicutto, interrogé jeudi. “Nous avons fait office de laboratoire pour les autres festivals”, a constaté de son côté le directeur de la Mostra Alberto Barbera, qui a tenu à organiser le festival envers et contre tout.
“On a sauvé les meubles”
Il faut dire que les organisateurs avaient mis les bouchées doubles pour éviter que le Lido ne se transforme en foyer de contamination : jauges réduites, port du masque obligatoire, contrôles de température à répétition… Cette année, seuls 5 000 journalistes étaient accrédités, contre 12 000 l’an passé. Et l’ambiance s’en ressentait jusqu’aux abords du festival, où la “distanciation sociale” doit être toujours respectée.
“On a eu peu de monde cette année, mais on s’en doutait bien vu l’ambiance liée au Covid”, observe Sabrina, une jeune cheffe de rang du restaurant Da Tino, juste en face du Palais du cinéma. C’est sa cinquième saison sur le Lido, dans ce lounge classieux, entièrement blanc, face à la Méditerranée. “Beaucoup de gens viennent ici pour faire la fête, et cette année il n’y en pas eu donc ils ont restés chez eux… On espère revenir à la normale l’an prochain!”, lance-t-elle.
Même constat chez Tiziano, une pizzeria côté lagune avec une grande terrasse : “50% de chiffre d’affaires en moins sur la période du festival”, résume sans appel Gabriele, un serveur qui vient en extra pour chaque Mostra. “C’est dur, mais au moins le festival a eu lieu, on a sauvé les meubles”.
D’autres ont fait contre mauvaise fortune bon coeur, comme ces films indépendants ou venus de pays moins souvent invités, qui ont pu, en l’absence des grosses productions, bénéficier d’une exposition inattendue. Au final, “c’était une édition vitale, absurde et nécessaire”, a estimé le délégué général des “Gionate degli Autori” (“Journées des Auteurs”), une section parallèle du festival.