Le roman Les choses humaines de Karine Tuil, publié en 2019, est un roman d’un réalisme et d’une justesse absolue. Il a remporté plusieurs prix, notamment le Goncourt des lycéens l’année de sa parution.
Une plainte déposée pour viol… c’est ton fils
Claire, essayiste féministe française, et Jean, journaliste politique reconnu, ont un fils Alexandre. Ce jeune homme, étudiant à Stanford, est promis à un brillant avenir. Rien ne devait venir entacher le bonheur de Claire. Divorcée de Jean, elle retrouve l’amour grâce à sa rencontre avec un professeur juif. Ce dernier a deux filles, Noa et Mila.
Pourtant, après une soirée étudiante où Mila et Alexandre se rendent, la jeune femme l’accuse de viol.
Commence alors un cauchemar pour ce jeune homme brillant qui est incarcéré et qui prône son innocence.
Deux ans après son arrestation dans le contexte de l’affaire Weinstein et du #METOO, le lecteur assiste au procès d’Alexandre. Des secrets de famille sur le journaliste emblématique sont révélés.
Mais il s’agissait de son fils, de son enfant
Ce roman n’est ni un réquisitoire ni un éloge du mouvement Metoo. Karine Tuil décrit avec une objectivité déconcertante la destruction de plusieurs vies, celle de Mila, celle d’Alexandre et celle de Claire.
Claire grande essayiste féministe qui prône l’égalité entre les femmes et les hommes se retrouve face au dilemme d’une vie ; mettre ses idéaux de coté pour protéger son fils bien qu’elle ne connaisse pas la vérité sur ce qui s’est passé lors de cette soirée ou renier son fils au nom de son combat pour la cause des femmes.
Dans la vie courante il n’est pas inhabituel de dire « si mon fils devient un violeur, je le renie ». L’auteure met en avant par Claire les sentiments contradictoires qui cohabitent chez les parents de l’accusé. Un amour aussi fort que celui porté à un enfant ne s’efface pas du jour au lendemain. D’autant plus quand plane un doute aussi important sur une affaire aussi tragique, car les deux protagonistes, Alexandre et Mila, ont chacun leur point de vue sur cette soirée. Chacun a sa vérité.
La présomption d’innocence ça vous dit quelques chose ?
Ce roman met en lumière un droit fondamental ; la présomption d’innocence. Un accusé est vu comme innocent jusqu’à ce que la justice le reconnaisse comme condamné.
Ce droit est souvent oublié par la presse et les réseaux sociaux où chacun fait sa justice surtout lors des affaires de viol. Tout le monde donne son avis sans même avoir analysé les faits. L’accusé se fait lyncher, insulter, menacer par toute une communauté d’internautes qui le condamnent.
Par la plaidoirie de l’avocat d’Alexandre, Karine Tuil appuie sur la dangerosité de la justice faite par les réseaux sociaux, car dans ces affaires il y a un juré. La chance que les réseaux sociaux influencent le jury est très élevée or ils doivent être impartiaux et objectifs.
L’auteure rappelle ce droit qui est un des piliers de la justice.
Ce très beau roman mérite d’être lu par tous pour sa justesse. L’enseignement qu’il apporte pour qu’à l’ère des réseaux sociaux, nous n’oublions pas que seule la justice a son mot à dire et ce pour n’importe quel crime.
Texte par Marie Santer